Andrea LIBEROVICI, From Ivry

11 mars 2005
04m 13s
Réf. 00399

Notice

Résumé :

"From Ivry... que d'évocations offertes à l'imaginaire, et quelle vitalité!"

Type de média :
Date de diffusion :
11 mars 2005
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Éclairage

"From Ivry... que d'évocations offertes à l'imaginaire, et quelle vitalité!

J'ai connu Ivry Gitlis par hasard, dans un restaurant de Saint Germain des Prés. Nous étions assis l'un à côté de l'autre et il me regardait. Après quelques minutes il m'a demandé: "mais vous êtes compositeur ou metteur en scène?". J'aurais voulu lui répondre: mais vous, qui êtes-vous? Un magicien, un agent de police ou bien un envoyé spécial de quelques divinités? Et c'est ainsi que commença notre amitié, une affinité élective captée dans l'air d'un restaurant par le sensible medium Ivry.

Ceux qui connaissent un peu mon travail, savent que depuis une dizaine d'années (mais peut-être depuis toujours) je ne compose pas de musique "pure", (aussi, parce que je ne crois pas qu'elle existe), mais plutôt une musique appliquée aux langages comme la poésie, à la scène théâtrale (j'ai d'ailleurs fondé en Italie un groupe qui s'appelle, pas par hasard, "Théâtre du Son"), aux installations, et tout dernièrement à l'audiovisuel. C'est ainsi que je me suis transformé en compositeur-metteur en scène.

Lors de notre conversation au restaurant, Ivry m'a raconté que le compositeur Bruno Maderna lui avait dédicacé , dans les années 50, une œuvre pour violon solo intitulée "Pour Ivry". J'ai ainsi eu l'idée de réaliser une pièce issue de ses libres improvisations.

Ainsi est née "From Ivry".

J'ai composé ce travail en même temps, et directement, pour musique et images (à la différence de mes travaux précédents). J'ai appris par mon maître d'élection Peter Greenaway, que les images, surtout en mouvement, suivent les mêmes "règles" de composition que la musique: elles sont rythme, timbre, harmonie, etc.

Dans mon cas, étant de formation davantage musicale que visuelle, chaque choix visuel naît directement du son: le son étant la mère, l'image le fils.

De la session d'improvisations au violon, que Ivry est venu enregistrer à la Maison de la Radio, j'ai utilisé non seulement des fragments de violon mais aussi sa voix (chaque son utilisé dans "From Ivry" provient seulement de Ivry: il n'y a pas d'autres instruments ou voix).

La voix d'Ivry est en effet de timbre sombre et elle raconte incroyablement – peut-être même à son insu - sa zone "nocturne", plus intime.

J'ai ainsi pensé créer une dialectique contrapuntiste entre une espèce de "nuit-rêve" conduite par sa voix, et le grand instrument de la "représentation et de la lumière" (le son du violon joué avec la maestria qu'on connaît) ; les mains sont l'intermédiaire de cette dialectique entre "âme" et "instrument", "noir" et "lumière".

La durée de "From Ivry", je ne sais à cause de quelle étrange association mentale, a toujours été pour moi, et dès le premier instant, de 15 minutes. J'ai ainsi subdivisé la partie visuelle en dix chapitres, dédiant 90 secondes à chaque doigt des mains du violoniste.

Pendant la période de gestation et de création de cette pièce, j'ai eu le moyen de fréquenter et d'apprécier de plus en plus l'ami et le musicien Ivry.

Je crois avoir travaillé à ce projet comme les portraitistes classiques, étant près de lui jour après jour, cherchant dans les détails apparemment insignifiants, les moments de vérité.

Je ne sais pas si j'ai réussi, mais l'émotion d'Ivry, quand il a entendu pour la première fois mon "portrait acoustique", est le souvenir le plus beau de tout ce surprenant projet, qui s'est matérialisé sur la toile du hasard, dans un restaurant italien de Saint Germain des Prés."

(Andrea Liberovici - 2005)