Frank Tenot : le flamenco

27 mars 1989
02m 10s
Réf. 00402

Notice

Résumé :

Franck Ténot nous livre son coup de cœur musical : le groupe gitan "Biniti" qui offre selon lui un spectacle de flamenco pur. Interview de Franck Ténot et extrait du spectacle.

Type de média :
Date de diffusion :
27 mars 1989
Source :
A2 (Collection: JA2 dernière )
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

La performance flamenca selon le guitariste – compositeur Pedro Bacán

Pedro Bacán (1951 – 1997) est très vite apprécié comme guitariste accompagnateur. Mais le flamenco de sa famille issue de la lignée du chanteur Pinini (XIXe-XXe) « n'est pas forcément fabriqué pour la scène. C'est elle qui doit plutôt s'imprégner de ce qui existe. Aucune fabrication n'est donc nécessaire. Le flamenco que l'on m'a transmis, n'intéresse pas les professionnels parce qu'il est profondément moral » [1]. Selon le peintre - dessinateur Miguel Alcala, l'impresario José Renato le sollicite pour révéler « des valeurs cachées dans des clans gitans » [2].

Par l'intermédiaire de la scène française, Pedro Bacán peut réaliser une expérience nouvelle, celle de porter à la scène la culture musicale de sa famille. En ouvrant les portes du flamenco familial à un large public, il lance une réflexion sur le sens de la performance flamenca. Il monte un spectacle Le Clan des Pinini au début de l'année 1989 au Théâtre Déjazet à Paris. Il y est entouré de la chanteuse et danseuse Chacha Ines Peña, de la chanteuse Pepa de Benito, du chanteur et danseur Miguel Funi, du chanteur Diego el Cabrillero, de la seconde guitare de Vicente Peña et de son épouse chanteuse et danseuse, enfin des palmeros – percussionnistes flamencos spécialisés dans les frappes corporelles, en particulier obtenues avec les mains – Antonio Vargas et Miguel Alcala.

S'en suit une série de spectacles évolutifs « nés de mon obsession – évoque-t-il dans un de ses dossiers de presse – à vouloir représenter le monde dont je suis issu sans le trahir, sans lui faire perdre son âme. J'ai avant tout voulu montrer ici une musique profondément incarnée, humaine, avec sa fragilité et sa force. J'ai en tête cette grande maison pleine de musique, dominée par la personnalité de ma grand-mère, où, à tout moment, on pouvait se réunir sans qu'il y ait d'autre prétexte que le besoin d'être ensemble et de chanter. Je me souviens aussi de cette faculté que nous avions de nous retrouver par dizaines, avec mes cousins et bien d'autres, et d'improviser des fêtes qui duraient parfois plusieurs jours. Il en sortait toujours quelque chose de fort ; c'étaient des moments d'une créativité sans limite. C'est précisément cette énergie là, cette disponibilité et cette qualité musicale que je souhaitais faire passer sur scène. » [3]

Pedro Bacán donne sa définition du flamenco dans une interview réalisée par Daniel Caux en décembre 1996 et diffusée en février 1997 sur France Musique.

« Si je devais l'expliquer, je dirais que le flamenco est une confession de la faiblesse de l'être humain ou du moins de sa fragilité. Et je ne pense pas que ce soit le mouvement de toi, personne fragile, vers l'autre. C'est toi, te raconter à toi-même ta fragilité et l'autre qui s'approche de toi. Ce n'est pas un mouvement d'ici vers là-bas, mais de là-bas vers ici. Le flamenco ne fait pas d'efforts pour être compris. Il se raconte à lui-même avec ses propres mots et c'est l'autre qui s'approche du flamenco pour l'écouter et lui dire ne t'inquiète pas, tu es fragile, mais moi aussi je suis fragile. Nous sommes tous fragiles. ».

« Tu verras que c'est la négation du public, du concept du public. Alors c'est là qu'apparaissent toutes les confusions. De par sa nature, le flamenco nie le public. Or, d'un côté, le public a besoin de comprendre, et d'un autre côté, l'artiste professionnel a besoin d'être compris. Alors je ne veux pas entrer dans le débat, mais je pose la question, je pense que la spécificité du monde flamenco réside là. ».

[1] Cantalapiedra Sonia, Le Chant des solitudes. Andalousie. Chants sacrés du bassin méditerranéen avec María « La Talegona » et Pedro Bacán., Paris, La Sept/Rhea Productions, 1992, 56 min.

[2] Correspondance épistolaire avec Miguel Alcala, 21 juin 2015.

[3] Archives personnelles.

Corinne Frayssinet-Savy

Transcription

Journaliste
Franck Tenot, quel est votre coup de coeur musical ?
Franck Tenot
Et bien tout récemment, c’était la venue à Paris de la troupe gitane des Piniti, qui a donné un véritable spectacle de flamenco pur, c’est-à-dire, vraiment ce qui se passe dans les villages.
(Musique)
Franck Tenot
C'est une musique poétique sur le plan des paroles, c’est une musique extrêmement rythmique, très dense au point de vue rythmique et gestuel, et c'est d’autant plus étonnant que quand on connaît les artistes, chanteuses, chanteurs, danseurs, guitaristes qui pratiquent cette musique aujourd’hui encore dans les villages, ce sont des êtres naïfs, je veux dire, je dirais frustres mais dans le bon sens du mot.
(Musique)
Franck Tenot
Chant d’une population qui a été un peu errante, opprimée, et puis enfin, je ne dis pas qu’il y a du racisme anti gitan mais tout de même, tout de même ! Alors, quand on voit ces gens sans culture s’exprimer aussi magnifiquement et dans les gestes, et dans les paroles, les créations musicales des guitaristes sont extraordinaires, et bien, pour moi, c’est vraiment la chose la plus formidable qu’on puisse voir aujourd’hui, avec le blues.
(Musique)