Tango forever

28 septembre 2012
13m 20s
Réf. 00503

Notice

Résumé :

Reportage. A Buenos Aires, rencontre avec des jeunes qui pratiquent le Tango. Portrait de Pablo Inza danseur qui organise de nombreuses soirées et donne des cours de Tango. Chaque soir, les milongas accueillent des danseurs. Rencontre avec Christy, étudiante américaine qui est venue en Argentine pour être à la source de cette danse. Commentaire sur images factuelles entrecoupés des interviews de Pablo Inza et Mariana, danseurs et professeurs de tango.

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Date de diffusion :
28 septembre 2012
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Éclairage

Dans les années 1970, le Tango argentin traversait, en tant que musique et surtout que danse, une phase difficile : les jeunes se détournaient de cette culture, lui préférant la vitalité du Rock'n Roll ou les plaisirs solitaires du Disco. Bref, le Tango était devenu synonyme de ringardise, y compris à Buenos Aires, où les quelques danseurs qui s'efforçaient encore de défendre la noblesse de cet art, comme Copes, Dinzel, Virulazzo ou Arquimbau, faisaient alors un peu figure d'oiseaux rares.

Les choses ont ensuite commencé à bouger dans les années 1980, avec l'apparition d'un engouement mondial initialement enclenché par les tournées internationales du spectacle Tango Argentino. Dans les années 1990, un nombre croissant d'aficionados commencèrent à fréquenter les milongas et les cours de danse du monde entier, ouvrant ainsi un marché de plus en plus significatif aux professionnels argentins du 2X4.

Dans un premier temps – disons pour faire (très) simple jusqu'à la fin du siècle dernier – une grande partie de cet enseignement fut assurée, en plus des danseurs de scène mentionnés plus haut, par la vieille génération des milongueros venus du bal populaire, comme Cacho Dante, el Tigre, Pepito Avellaneda ou Tete. Mais, le temps faisant son œuvre, ces danseurs disparurent progressivement au cours des années 2000.

Le flambeau fut heureusement repris par une nouvelle génération de jeunes danseurs argentins. Souvent munis d'une très sérieuse formation de danse académique ou folklorique, ceux-ci s'intéressèrent en grand nombre aux possibilités expressives du Tango, enrichissant du même coup son socle traditionnel par leur apport technique de haut niveau et leur inventivité chorégraphique. Et ce sont eux qui, aujourd'hui, assurent la transmission du 2X4 à travers le monde.

Le documentaire Forever Tango nous présente l'un d'entre eux, Pablo Aubia. En le suivant à travers ses cours et les milongas qu'il organise, nous partons sur les traces de ce « Nuevo tango » plein de jeunesse et d'inventivité qui règne à nouveau aujourd'hui sur les nuits de Buenos Aires, dans des bals (on dit ici des « milongas ») comme Cochabamba 444 ou la Viruta. A travers des entretiens bien menés et des scènes de danse réussies, nous percevons les ressorts de cette réappropriation du Tango par la nouvelle génération, et tout particulièrement le sentiment de plaisir et de plénitude qui résulte d'une bonne connexion dansante avec le ou la partenaire.

Nous découvrons aussi, à travers le personnage de la jeune danseuse américaine Christy, un autre phénomène : celui du « tourisme artistique » qui conduit des aficionadaos, jeunes et moins jeunes, à venir habiter Buenos Aires pour s'initier auprès de maîtres comme Pablo aux secrets et aux codes du 2X4 dansé.

Fabrice Hatem

Transcription

(Musique)
Pablo Inza
Eh Maohi, tu fais quoi ?
Maohi
Salut Pablo, tu vas bien ?
Pablo Inza
Oui.
Maohi
Qu’est-ce que tu fais, tu traînes dans le coin ?
Pablo Inza
Oui.
Maohi
Allez, viens boire un maté.
Pablo Inza
Ok, j’arrive.
(Musique)
Journaliste
Le tango, c’est d’abord une musique qui vous prend et ne vous lâche plus. Un jour, le père de Pablo l’a emmené écouter Astor Piazzolla et sa vie a changé.
Pablo Inza
C’est énorme.
Maohi
Il est incroyable ce morceau. C’est vraiment porteño.
Pablo Inza
Oui, porteño, c’est ça, j’adore, ça me parle vraiment.
(Musique)
Pablo Inza
Je crois que la musique de tango exprime vraiment ce qu’est Buenos Aires. Quand tu t’immerges dans ce milieu, tu réalises très vite que ces oeuvres qui sont nos grands classiques ont un foisonnement et une beauté musicale incomparables. Et ça, ça me plaît.
(Musique)
Journaliste
Pablo est 100% porteño, c’est-à-dire de Buenos Aires. Il est la nouvelle étoile montante des nuits de la capitale argentine.
(Musique)
Journaliste
Un magicien aux allures de félin. Ici, il n’y en a pas deux comme lui pour faire tourner les filles sur les parquets obscurs des milongas. Pablo est un pro du tango.
(Musique)
Journaliste
Avec Mariana, ils se connaissent depuis des années. Mais ils viennent juste de décider de devenir partenaires et seulement partenaires.
(Bruit)
(Musique)
Journaliste
Christy, elle, est américaine. A 23 ans, cette étudiante a choisi de s’offrir une année sabbatique en Argentine pour perfectionner son espagnol et découvrir le tango.
(Musique)
Journaliste
La nuit, Buenos Aires danse beaucoup et dort peu. Il est 6 heures, la soirée de Pablo s’achève.
Pablo Inza
Attends, regarde !
Mariana Dragone
C’est fini ? Non, je voulais danser un dernier tango.
(Musique)
Journaliste
Des milongas, il en fleurit partout à Buenos Aires. Et désormais, le petit matin appartient aux tangueros.
(Musique)
Journaliste
Pablo, lui, se couche toujours à l’aube. 20 ans qu’il flirte avec la nuit. Et puis un jour, sans même s’en être aperçu, il s’est réveillé dans la peau d’un danseur professionnel.
(Musique)
Pablo Inza
Je n’ai vraiment pas l’impression de travailler. Je ne pointe pas à l’usine, je n’ai aucune obligation dans mes horaires et mes rendez-vous. Ce que je fais, je le fais surtout avec passion et sérieux, mais ce n’est pas comme un boulot. De ce point de vue-là, je crois que je suis plutôt gâté par la vie.
Journaliste
C’est vrai qu’il y a pire comme travail. Il est 16 heures, la journée de Pablo commence avec Paula, son élève du cours particulier du mardi.
Pablo Inza
Toujours très ponctuelle Paula.
(Musique)
Pablo Inza
En utilisant plus la respiration au moment de transférer le poids sur la jambe, on lâche les épaules, on relâche et on fait comme si on montait d’un étage.
(Musique)
Pablo Inza
Les techniques et les méthodes s’adaptent finalement à la réalité de l’autre corps. C’est ça le tango. C’est découvrir comment libérer le corps et mettre en valeur ses potentialités.
Journaliste
Et ce corps, il a besoin de quoi ?
Pablo Inza
Ce corps, il a besoin que je l’enlace, maintenant.
(Musique)
Pablo Inza
La femme, c’est la moitié du tango, et nous, on est l’autre moitié. Ça me plaît bien de penser que je danse dans le corps de la femme et si elle apprécie, moi, ça me va.
(Musique)
Pablo Inza
C’est une danse dans laquelle on marche ensemble, enlacés. On se déplace et l’on cherche une forme de communion et ça s’apparente presque à un rite à ce moment-là.
(Musique)
Paula
C’est mieux que la dernière fois.
Pablo Inza
Ah bon, ça fonctionne ?
Paula
Oui, comme l’autre jour à la Milonga. Quand je parle avec mes copines, je leur dis toujours que Pablo est l’un des rares danseurs, comme il le dit lui-même, qui rentre dans ton corps. C’est un truc très subtil, ça me plaît.
Journaliste
Il y a un truc un peu sexuel dans tout ça, non ?
Paula
Sexuel ?
Journaliste
Oui, de la façon dont tu en parles,
Paula
Bon, d’un certain point de vue oui, c’est un peu ça, c’est s’abandonner. Mais pour moi, c’est plutôt sensuel que sexuel, c’est plus implicite qu’explicite.
(Musique)
Christy
Danser avec un argentin, c’est différent. Je crois que chaque lieu a sa propre façon de danser le tango. Et quand on danse avec un argentin, il vous serre de plus près. Je ne sais pas si c’est plus macho comme attitude mais je dirais que leur façon de vous serrer dans leurs bras est plus, plus passionnelle.
(Musique)
Journaliste
Après Séville où elle a découvert le tango, Christy, l’étudiante américaine a décidé de se poser à Buenos Aires pour une raison à la fois simple et compliquée, elle voulait toucher l’âme de l’Argentine. Le plus court chemin pour y parvenir, c’était de passer du temps dans les milongas.
(Musique)
Journaliste
Il est 1 heure du matin, Cochabamba commence à peine à s’animer. Cette milonga, c’est un classique des nuits porteñas. Christy y vient au moins une fois par semaine, seule et sans tabou. Ici pour danser, il faut juste connaître les codes.
(Musique)
Christy
Si je te regarde avec insistance, comme je fais là, c’est que j’ai envie de danser avec toi. Si je ne te regarde pas et que j’évite même de croiser ton regard, alors c’est que je ne veux pas de toi comme partenaire.
Journaliste
Le langage est subtil. Deux regards qui se croisent, un acquiescement discret, le couple éphémère qui se constitue alors va devoir respecter la règle de la tanda. La tanda, c’est une série de quatre danses consécutives, d’où l’importance de bien choisir son partenaire. Ce soir, le premier à qui Christy a dit oui vient de Sardaigne.
(Musique)
Christy
On danse le tango en Sardaigne ?
Inconnu
Oui.
Christy
Et il y a beaucoup d’habitants en Sardaigne ?
Inconnu
Oui, on est deux millions.
Christy
Combien ?
Inconnu
Deux millions, oui.
Christy
J’arrive de Séville, j’adore, j’ai adoré le sud.
(Musique)
Journaliste
Même si l’on n’est pas une débutante, ici, pour perfectionner son tango, il n’y a qu’une chose à faire, accepter toutes les invitations, sans exception.
(Musique)
Journaliste
Certains matins, Buenos Aires se réveille avec la gueule de bois, un peu comme si on avait suivi dans ses virées nocturnes le plus célèbre dandy de la chanson française.
(Musique)
Pablo Inza
En ce moment, j’écoute Serge Gainsbourg, j’adore sa musique. Il aurait pu être tanguero. S’il était né ici, c’est sûr, il aurait vécu une histoire avec le tango.
(Musique)
Pablo Inza
C’était un vrai bohémien pour moi. Je ne connais pas grand-chose de sa vie mais il me donne l’impression d’avoir toujours vécu à la marge et de façon passionnelle.
(Musique)
Journaliste
Devenir tanguero, c’est souvent le résultat d’un parcours hors normes. Souvenir lointain, la famille de Pablo a dû fuir le pays aux pires heures de la dictature.
(Musique)
Pablo Inza
Le tango m’a beaucoup appris sur moi-même. J’ai eu une enfance un peu vagabonde, on a beaucoup bougé avec ma famille, en Argentine, et aussi à l’étranger. Et le jour où j’ai découvert le tango, ça a été très bénéfique pour moi. Le tango m’a donné une identité et je me suis senti soudain argentin.
Journaliste
Ce soir, l’endroit où il faut être, c’est la Maleva. Il y aura des argentins, bien sûr, et beaucoup d’étrangers aussi. Car aujourd’hui, le tango fait rentrer des devises dans le pays.
(Musique)
Journaliste
Mariana, la partenaire de Pablo l’a bien compris. Son école fait un carton, elle attire 6 mois par an des élèves du monde entier.
(Musique)
Mariana Dragone
On va commencer dans un petit moment. Normalement, on est trois professeurs ce soir, c’est le dernier cours de la saison, après, je pars en tournée. Alors ce soir, on va faire une petite fête.
Journaliste
Christy, elle, ne pouvait pas manquer l’événement. Elle a appris que Pablo Inza risquait de passer dans la soirée. En attendant, elle fait bonne figure.
(Musique)
(Bruit)
(Musique)
Journaliste
Ici, les stagiaires rêvent d’une chose, atteindre un certain niveau qui leur permettra de ressentir un élément essentiel du tango, la "conexión".
Christy
Quand tu danses avec quelqu’un avec lequel tu es vraiment en connexion, ça peut ressembler à de la méditation. Ça te transporte dans un autre monde. Ça peut être aussi fort qu’un feu d’artifice qui explose.
(Musique)
Journaliste
3 heures du matin, l’heure des vrais tangueros. Quand Pablo débarque, la température monte encore de quelques degrés, allez savoir pourquoi.
(Musique)
Journaliste
Visiblement le regard de Christy aura été suffisamment explicite ce soir. L’américaine qui voulait découvrir l’âme argentine est vraiment sur la bonne voie.
(Musique)
Journaliste
Quant à Pablo et Mariana, ils sont déjà ailleurs.
(Musique)
Journaliste
Demain, les partenaires les plus glamours de Buenos Aires s’envolent pour l’Europe porter la bonne parole du véritable tango argentin.
(Musique)