Le bal des débutantes

22 mars 1992
10m 11s
Réf. 00700

Notice

Résumé :

Comme tous les ans, à Vienne, a lieu le bal des débutantes qui permet aux jeunes gens de la bonne société de faire leur entrée officielle dans le monde. Nous suivons Catherina et Barbara préparant cette fastueuse soirée. L'organisatrice de la manifestation explique comment se fait le choix des danseurs et de leurs cavalières. Le professeur de danse, pendant les répétitions de la valse et de la révérence, explique l'importance de l'apprentissage de l'étiquette dans une telle société.

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Date de diffusion :
22 mars 1992
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Éclairage

La guerre n'est toujours pas finie, pour savoir où la valse est née. Certains défendent encore l'origine italienne. On trouve, en effet, dans le ballo liscio (l'équivalent de nos danses musettes, ou rétros), la valse, la polka et la mazurka. Mais les Viennois en réclament aussi la paternité, comme les Allemands et les Français enfin ! Aujourd'hui, on appelle valse viennoise une valse rapide qui se danse à grands pas glissés sur les parquets de larges salles de bal, comme celui du bal des Débutantes chaque année à Vienne. Comme ce le fut en France, savoir danser fait encore partie, en Autriche et en Allemagne, du savoir-vivre européen, de « l'étiquette », comme le furent la science équestre ou l'art du fleuret.

Au début du XIXe siècle, l'institutionnalisation de la valse fut déjà une révolution. En effet, à l'inverse des bals précédents, le couple, tout en restant au milieu d'autres couples, tournoyait à son gré et il pouvait être difficile à suivre dans l'espace. Il pouvait tout aussi bien disparaître quelques minutes pour s'isoler dans un petit salon, et réapparaître quelques minutes après sans que personne ne s'en aperçoive.

De plus, à l'intérieur du couple tournoyant rapidement, pouvaient se dire des secrets, d'amour surtout, avoir lieu d'élégantes et intimes séductions qui échappaient au contrôle de la société, et en particulier des parents. Il suffit d'observer comment, au cinéma par exemple, il est difficile de suivre le dialogue d'un couple valsant. Dans le film My Fair Lady, lors du grand bal, des dialogues importants et pas seulement amoureux se produisent à l'intérieur des couples ; il faut alors que la valse tournoyante se transforme en pas balancés pour que la caméra, et le spectateur, puissent suivre de très près l'histoire qui se trame dans le courant de la danse.

Cette révolution fut si forte pour notre société française qu'elle occasionna de nombreuses discussions et disputes. Certains prétendirent alors que cette façon de tourner, longuement et rapidement, enivrait les cavalières, et que c'était abuser d'elles que de les emporter dans ces tourbillons dangereux. Une expression masculine de l'époque est restée célèbre : « Je n'épouserai jamais une jeune fille qui aura déjà valsé ! ».

Mais, progressivement, le savoir-valser devint une obligation de la culture mondaine. Une autre célèbre anecdote raconte que, dans un bal, une dame d'un certain âge invitée par un jeune homme fougueux et passionné de valse, lui donna ce conseil tout en dansant : « Jeune homme, si vous aimez tant la valse, il est maintenant temps de l'apprendre ! ».

Dans cette vidéo, observez le merveilleux « carré » de pas très bien expliqué par l'enseignant de ces couples (« Eins, zwei, drei, vier, fünf, sechs ») de l'une des trois écoles de danse les plus célèbres de Vienne, l'école Elmayer : c'est une parfaite illustration d'un système de deux fois trois pas en carré pour tourner facilement.

Mais la valse a voyagé, tout d'abord parce que la musique à trois temps a germé partout dans le monde, et que la rotation va parfaitement bien avec le rythme à trois temps, et cela biomécaniquement parlant. C'est un système logique. On trouve ainsi des valses anglaises, des valses américaines, des valses mexicaines, brésiliennes... Signalons aussi le boston, qui est une valse ralentie qui permet de nouvelles figures, et qui, revenue vers l'Europe, début XXe, fit enrager les professeurs de danse, car, selon eux, à partir de ce moment-là, trop de gens se mirent à « bostonner » toutes les danses, c'est-à-dire à inventer de nouvelles figures. Personne ne respectait plus rien... ! Déjà ! Même la valse !

Un fait est à noter : les compositeurs argentins ont créé de sublimes valses argentines. Mais, contrairement aux Européens, il ne vient pas à l'idée des Argentins, sur ces magnifiques mélodies à trois temps, de valser. Pris par le tango sous toutes ses formes, ils marchent et dansent le tango sur ce trois temps, comme s'ils dansaient non plus au temps, mais à la mesure. L'effet est très beau, stupéfiant pour un Européen, et, la plupart du temps, d'un magnifique résultat. Cela aussi est un métissage extraordinaire après les échanges entre l'Europe et l'Argentine.

Christian Dubar

Transcription

Présentateur
Alors, quand on vit à Vienne et qu’on est autrichien, il y a une seule façon, forcément, d’y penser, c’est à la valse. Un peu comme l’adouberie, l’adoubement pour la chevalerie. Et alors, chaque année en février, une grande institution se reproduit, c’est le Bal des Débutantes. Il faut que vous vous laissiez entraîner dans la poésie de ce que vous allez voir, grâce à Elisabeth Cooper et Laurent Champenois qui ont rencontré deux de ces jeunes filles, de ces jeunes débutantes quelques jours avant le grand moment.
(Musique)
Laurent Champenois
Elles s’appellent Catarina et Barbara. Dans quelques jours, ces deux étudiantes feront leur entrée officielle dans la haute société viennoise, au Bal de l’Opéra.
(Musique)
Laurent Champenois
Parmi des centaines de jeunes autrichiennes, Catarina et Barbara ont été choisies pour leur grâce et leur maîtrise de la valse.
(Musique)
Intervenante 1
Sur les 800 couples qui se présentent pour faire l’ouverture, je ne peux en retenir que 190. Il y a, bien sûr, beaucoup d’enfants de célébrités et de diplomates, ainsi que des étrangers que nous favorisons d’ailleurs un peu. Tous doivent être entièrement disponibles une semaine avant le bal pour s’entraîner jusqu’à savoir parfaitement danser la valse à gauche. Je me souviens d’ailleurs d’une mère qui s’était affolée en constatant que sa fille avait perdu quatre kilos en cinq jours !
(Bruit)
Laurent Champenois
Depuis un siècle, à l’Ecole Elmayer, on enseigne aux débutantes révérences, polka et valse à gauche.
(Bruit)
(Musique)
Intervenant 1
Ici, nous apprenons vraiment ce que nous appelons pour la vie, quelque chose qu’on peut avoir après, qui est très utile dans la vie sociale. Ce n’est pas seulement la danse, qui est très important ici en Autriche, mais aussi l’étiquette.
(Bruit)
(Musique)
Laurent Champenois
Le port du frac et de la robe du soir est obligatoire au bal de l’Opéra. Pour Catarina et Barbara, débutantes, l’étiquette est intraitable, la robe sera blanche.
(Musique)
(Bruit)
Laurent Champenois
Là, où d’habitude on chante Mozart et Verdi, est installée pour une nuit la plus grande piste de danse de la ville. Le rêve se construit.
(Bruit)
Intervenante 1
Un célèbre poète allemand disait : "il n’y a pas que les enfants qui se nourrissent de contes de fée. Tout le monde a besoin d’histoires merveilleuses". Et bien, c’est cela et rien d’autre le Bal de l’Opéra, ça a très peu avoir avec la réalité. C’est un conte de fée.
(Musique)
(Bruit)
(Musique)
Intervenante 1
Le Bal de l’Opéra est, bien sûr, ce qu’on appelle la bonne société, mais 7000 personnes seront présentes le soir du bal et voyez-vous, ne m’en voulez pas mais je ne crois pas qu’il existe 7000 personnes élégantes au monde !
(Bruit)
Intervenante 2
Chaque loge coûte 80000 Francs. Il y a des gens qui achètent des billets à 200 Francs, ce qui leur donne le droit de regarder le bal. Ils sont installés en haut dans la galerie, mais ils n’ont pas le droit de descendre danser, ils doivent se contenter de regarder. Bien entendu, beaucoup essaient de resquiller car c’est beaucoup plus fascinant d’être sur la piste de danse.
(Musique)
Intervenante 3
Pour moi, qui suis viennoise, être présente au Bal de l’Opéra, ça fait partie du jeu. C’est merveilleux d’ouvrir ce bal dans une longue robe blanche. C’est comme un jeu pour moi, comme un conte de fée et je m’en souviendrai toute ma vie.
(Musique)
(Bruit)
(Musique)
(Bruit)
Intervenant
Tout le monde valse !
(Musique)
Laurent Champenois
Dans ce bal de conte de fée, les débutantes ne sont princesses qu’une seule nuit.
(Musique)
Laurent Champenois
D’autres Catarina, d’autres Barbara revivront l’an prochain cet instant, dans ce lieu où renaissent pour un soir les fastes de l’Empire.
(Bruit)