Allocution du 6 janvier 1961

06 janvier 1961
06m 34s
Réf. 00070

Notice

Résumé :

Avec ce discours, prononcé l'avant-veille du référendum pour l'autodétermination en Algérie, le général de Gaulle entend peser de tout son poids en faveur du "oui". Il explique que la victoire du "oui" serait un gage du soutien massif de l'opinion publique à sa politique algérienne, et lui permettrait de s'affranchir des pressions des militaires tenants de l'Algérie française. Le général se montre très net dans son discours pour faire du résultat du référendum une affaire personnelle. Il conclut sur la formule célèbre de l'appel à un "oui franc et massif".

Type de média :
Date de diffusion :
06 janvier 1961
Type de parole :

Éclairage

Le 6 janvier 1961, deux jours avant le référendum organisé par le général de Gaulle pour demander à la population d'approuver son projet d'autodétermination pour l'Algérie, il lance un ultime appel aux Français pour préciser, voire dramatiser les enjeux de la consultation. Il rappelle donc le caractère capital pour la vie politique nationale du conflit en cours, affirmant que le vote "oui" signifiera un succès pour la France et l'Algérie alors qu'un vote négatif conduira à rendre toute solution impossible et que l'abstention serait aveu d'impuissance. Mais surtout, ajoute-t-il, une victoire du "non" briserait l'unité nationale et conduirait la France au chaos. Enfin, jetant dans la balance sa popularité et son autorité, il rappelle que le référendum est un dialogue entre les Français et lui-même, manière d'affirmer qu'une réponse négative remettrait en cause le contrat passé avec la France "depuis plus de vingt ans" (c'est-à-dire depuis 1940).

Ainsi s'affirment à la fois le caractère spécifique du pouvoir du Général, fondé sur un rapport charismatique au peuple et la fonction du référendum qui n'est pas seulement réponse à une question posée, mais vérification de la pérennité de ce rapport, source de la légitimité de son pouvoir aux yeux du Général

Serge Berstein

Transcription

Charles de Gaulle
Françaises, Français, Je vous ai exposé déjà les motifs, le contenu et la portée du projet de loi, qu'en ma qualité de président de la République, je soumets à votre approbation au sujet de l'Algérie. Aujourd'hui, je dois appeler votre attention sur l'étendue des conséquences qu'aura la réponse du pays et sur le fait que chacun, qu'il vote oui, qu'il vote non ou qu'il s'abstienne, y prendra, en personne, une responsabilité directe. C'est là, sans nul doute, un des événements principaux de notre histoire. D'abord, parce que l'affaire d'Algérie est, en elle-même, capitale. Non point par l'intensité même des combats qui s'y traînent encore, grâce à l'effort de nos soldats, on s'y tue, en moyenne, huit fois moins qu'il y a deux ans. Mais à cause du caractère passionnel du conflit, de l'emprise politique, militaire, financière qu'il exerce sur notre vie nationale, de la résonance qu'il trouve à l'étranger, et surtout, de ce qu'il présente, à notre époque, d'absurde et de périmé. La solution, conforme au bon sens, à la justice, au génie de la France est proposée à la décision du pays. Y répondre par la négative, pour quelque raison que ce soit, c'est refuser que le problème soit jamais résolu par la France. S'abstenir, c'est choisir l'impuissance pour la France. Voter le projet, c'est vouloir que la France puisse gagner en Algérie, pour l'Algérie, avec l'Algérie, la cause de la paix et de la raison. Mais ce qui est en question dans le référendum du 8 janvier 1961, ce n'est pas seulement le fait de reconnaître aux populations le droit de choisir leur sort, de les engager, en attendant, dans la voie de l'Algérie algérienne unie à notre pays, de viser à obtenir, dans les moindres délais possibles, la confrontation pacifique de toutes les tendances afin d'organiser librement l'autodétermination. Autant que du sujet lui-même, il s'agit, en réalité, de notre propre destin, car la nation française voit s'offrir à elle l'occasion solennelle soit de prouver son unité, soit d'étaler sa division. Après avoir, hélas, payé bien cher les déchirements lamentables d'autrefois, notre pays doit savoir que si, par malheur, sur un pareil sujet et en dépit de mon appel, il laissait briser la cohésion de sa masse sous les impulsions, d'ailleurs, contradictoires de plusieurs et très diverses sortes d'agitateurs ou de partisans, il courrait tout droit au chaos et à l'abaissement. Au contraire, il peut être certain que si, dimanche prochain, devant le monde qui regarde et qui écoute, il manifeste la volonté immense et positive d'un grand peuple, alors, rien ne pourra prévaloir contre lui, ni au-dedans, ni au-dehors. Françaises, Français, vous le savez. C'est à moi que vous allez répondre. Depuis plus de vingt années, les événements ont voulu que je serve de guide au pays dans les crises graves que nous avons vécues. Voici que, de nouveau, mon devoir et ma fonction m'ont amenés à choisir la route. Comme la partie est vraiment dure, il me faut, pour la mener à bien, une cohésion nationale, c'est-à-dire une majorité qui soit en proportion de l'enjeu. Mais aussi, j'ai besoin, oui, j'ai besoin de savoir ce qu'il en est dans les esprits et dans les coeurs. C'est pourquoi, je me tourne vers vous par-dessus tous les intermédiaires. En vérité, qui ne le sait ? L'affaire est entre chacune de vous, chacun de vous et moi-même. Françaises, Français, tout est simple et clair. Le oui franc et massif. Je vous le demande pour la France. Vive la République ! Vive la France !