Voyage dans le Vaucluse

25 septembre 1963
10m 54s
Réf. 00087

Notice

Résumé :

Résumé de la deuxième journée du voyage du général de Gaulle dans le sud-est, hier 25 septembre 1963. Au cours de cette journée, après avoir passé la nuit à Cadarache, le Général s'est rendu à Orange, Carpentras, Pernes les Fontaines, L'Isle sur Sorgue, Apt, Cavaillon, et enfin Avignon. A Orange, de Gaulle évoque l'indépendance de la France. Il continue ensuite sa tournée dans le Vaucluse (interview d'un rapatrié et d'anciens combattants africains), jusqu'à Avignon où il évoque l'arme atomique, et à nouveau l'indépendance de la France.

Type de média :
Date de diffusion :
25 septembre 1963

Éclairage

De février 1959 à juin 1965, le général de Gaulle réalise un gigantesque tour de France qui le conduit d'un bout à l'autre de la métropole, dans toutes les provinces, dans toutes les régions. C'est pour lui l'occasion de créer un contact direct avec les Français, de " récolter des moissons d'impressions et de précisions pratiques " sur les grandes questions de l'heure. L'un de ses vingtièmes voyages en province - du 25 au 29 septembre 1963 - le mène du département du Vaucluse à celui du Rhône, en passant par l'Ain puis la Drôme. Le document nous permet de suivre l'itinéraire de cette deuxième journée à travers tout le département du Vaucluse (il avait visité la veille les sites de Cadarache et de Pierrelatte).

À l'aéroport d'Orange, il est accueilli par le préfet Escande, par le sénateur de gauche Pellenc, par le député UDR Bérard et par des généraux et colonels. Dans la ville, devant une foule qui semble nombreuse et enthousiaste, il évoque - pour la première fois - la question de sa candidature à l'élection présidentielle de 1965 ; il parle alors de lui à la troisième personne, comme s'il appartenait désormais tout entier à la France : " L'essentiel, pour le général de Gaulle, président de la République, c'est ce qui est utile au peuple français " : " je suis résolu, puisque j'en ai encore la force, à continuer à le faire ".

Reprenant la route du Vaucluse, le Général marque un arrêt à Jonquières où, accueilli par le maire Roger Martin, il signe le livre d'or de la commune. Puis c'est l'arrivée à Carpentras. Avant que de Gaulle ne prenne la parole, le journaliste de la RTF interviewe un rapatrié qui a quitté l'Algérie deux mois plus tôt ; il dépeint une situation presque idyllique où tous les métropolitains sont toujours " très accueillants " et où la majorité des rapatriés ont trouvé du travail (la situation était en réalité plus difficile pour certains). Puis de Gaulle, à la tribune, évoque la puissance atomique de la France - " critérium immédiat de l'indépendance " : en effet, un mois auparavant, la France avait, tout comme la Chine, rejeté le traité de Moscou - interdisant les essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace et sous l'eau.

Reprenant son épuisant périple, le Général visite ensuite les villages de Pernes-les-Fontaines et de l'Isle-sur-la-Sorgue, puis il arrive à Apt, où des petites filles lui lancent un " Bonjour mon Président " auquel le Général répond, amusé : " Merci, vous êtes bien gentilles ". Puis le journaliste interroge ces " visiteurs un peu particuliers ", des anciens combattants camerounais et mauritaniens, vivant à Marseille, et ayant lutté aux côtés du général de Gaulle pendant la guerre.

Après une brève allocution au marché des primeurs de Cavaillon (où il est reçu par le maire SFIO Fleury Mitifiot), le Général réalise une visite technique au Marché-Gare d'Avignon, en compagnie du maire de la ville, le socialiste Henri Duffaut. Il achève sa journée en prenant la parole place de l'Hôtel de ville où une foule " nombreuse, enthousiaste et sympathique ", selon les mots du journaliste, l'attend. Comme à Narbonne, trois ans plus tôt, il réaffirme la volonté d'une France forte et indépendante qui a pour mission de lutter en faveur de la paix dans le monde ; il rappelle enfin la place du pays dans les grandes organisations internationales.

Diffusé au journal télévisé, ce long reportage est commenté en direct par Charles Finaltéri. Les nombreux plans de foules enthousiastes et compactes sont alors l'objet de critiques de la part de certains observateurs et journalistes qui rendent compte d'un accueil un peu plus mitigé que celui qui est représenté à la télévision.

Aude Vassallo

Transcription

Journaliste
Arrivant par hélicoptère de Cadarache, où il avait passé la nuit, le général De Gaulle devait arriver en début de matinée à Orange afin d'entamer la visite du premier des quatre départements dans lesquels il doit se rendre d'ici la fin de la semaine. Parmi les personnalités, il y avait Monsieur Bérard, député, Monsieur Pellinc, sénateur, le préfet du Vaucluse, Monsieur Escande, et de nombreuses autres personnalités civiles et militaires. A Orange même, le Président de la République recevait le premier accueil de la population. C'était son premier contact direct, il devait aussi prononcer sa première allocution et dès le début le thème était dessiné, l'indépendance de la France dans les différents domaines, international, national, et cela vis-à-vis des deux mondes. Et il a expliqué alors sa pensée en ce qui concerne l'intérieur même
Charles de Gaulle
Eh bien, que la politique présente les choses à sa façon, mais de cela, le général de Gaulle ne s'est jamais beaucoup occupé. L'essentiel ... l'essentiel pour lui ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule, le comité Hyppolite, l'essentiel pour le général De Gaulle, Président de la République française, c'est ce qui est utile au peuple français ce que sont, ce que veut le peuple français. J'ai conscience de l'avoir discerné depuis bientôt un quart de siècle. Et je suis résolu puisque j'en ai encore la force, à continuer de le faire.
Journaliste
Après avoir pris congé de Monsieur André Bruey le maire d'Orange, C'est la route du Vaucluse, premier petit arrêt à Jonquières.
Maire
Je suis heureux Monsieur le Président de la République, au nom de mon conseil municipal et de notre commune de vous souhaiter la bienvenue à Jonquières.
Journaliste
Puis la première sous préfecture de la matinée, que nous allons voir dans quelques instant, tandis que le général de Gaulle signe le livre d'or de Jonquières après l'avoir reçu en hommage deux fauteuils de la part de la municipalité qui ont été construit par des artisans, donc nous arrivons à Carpentras la sous préfecture importante et là nous avons fait une rencontre. Monsieur, vous avez été invité en tant que notabilité à participer à la présentation des corps constitués au général de Gaulle. Mais je crois savoir que vous êtes un rapatrié.
Rapatrié
Effectivement, je suis rapatrié et j'ai accepté l'invitation, justement par devoir, de venir présenter mes respects et au chef de l'Etat. Et je suis replié d'Algérie depuis le 15 juillet avec de nombreux parents dans le département du Vaucluse, où la population de cette région a été très accueillante à notre égard. Ce qui m'a fait plaisir, depuis notre installation, j'ai constaté que la majorité des rapatriés ont trouvé de l'embauche dans le bâtiment et principalement dans la branche agricole où les agriculteurs que je fréquente journellement ont été très aimables à leur égard. J'ajouterais en plus pour nos enfants qui ont eu moins de soucis que les parents, ont trouvé d'excellents camarades ouvriers, et de nombreux amis étudiants, dans les différents lycées et collèges du département.
Journaliste
Et vous-même, est-ce que vous présenterez les doléances tout à l'heure au Président de la République ?
Rapatrié
Ben si le Chef de l'Etat me demande, me pose des questions, je serais très heureux d'y répondre.
Journaliste
Des questions furent ensuite évidemment posées au général de Gaulle et à l'issue de ce petit entretien, le Président de la République devait dire à ce rapatrié : "je pense à vous, vous savez".
Charles de Gaulle
Il y a du reste un criterium, du moment un criterium immédiat de cette indépendance, cela est dans le domaine atomique. Il s'agit de savoir si pendant que les autres se sont faits et continuent de se faire des armes capables de détruire l'univers et nous aussi, il s'agit de savoir si nous aurons ou si nous n'aurons pas nous aussi de quoi nous défendre. Nous avons décidé d'avoir ce qu'il nous faut, et d'autant mieux et d'autant plus, que cette puissance nucléaire comme on dit, est liée directement à l'énergie atomique elle-même qui est comme vous le savez tous, le fond de l'activité de demain. Vive de Gaulle
Journaliste
Comme vous l'avez entendu, le Président de la République avait développé le thème de l'indépendance de la France, en matière atomique. Et là à Carpentras, la foule était nombreuse, il y avait aussi une voiture de la [INCOMPRIS] à Madame de Gaulle qui a, tout à l'heure, salué des jeunes filles en costume régional. Autour du Président de la République, Monsieur Frey, ministre, il y avait aussi Monsieur Palewski et Monsieur [Missoff]. Et puis en reprenant la route encore, ce fut l'arrêt à Pernes-les-Fontaines, le maire, Monsieur Moutte est de tendance progressiste. Puis, l'Ile-sur-Sorgue, un charmant village, le maire est là lui aussi ainsi que la population. Enfin Apt pour la fin de matinée, Apt une grande sous-préfecture aussi, Apt une ville qui est importante, qui a eu un passé de résistance glorieux, elle a la Croix de guerre. Son maire, Monsieur Fernand Jean,
Rapatrié
Très heureux de vous accueillir,
Charles de Gaulle
Je suis venu exprès
Rapatrié
Mes petites filles
Charles de Gaulle
Vous êtes gentilles, je vous remercie, vous êtes bien gentilles.
Petite fille
Bonjour Monsieur le Président
Charles de Gaulle
Merci beaucoup
Journaliste
Comme à l'accoutumée, le Président va dans la foule. Et parmi cette foule, vous verrez des visiteurs un peu particuliers.
Charles de Gaulle
Vive De Gaulle
Journaliste
Messieurs là vous êtes un groupe qui vient d'assez loin je crois, d'où êtes-vous ?
Camerounais
Du Cameroun.
Journaliste
Et vous aussi Monsieur ?
Mauritanien
De Mauritanie. Je suis marseillais
Journaliste
Et vous habitez Apt ?
Mauritanien
Non. J'habite à Marseille.
Journaliste
Et vous êtes venu spécialement pour la visite
Mauritanien
Général De Gaulle,
Journaliste
Vous le connaissiez déjà ?
Camerounais
Il est venu chez moi en 40 à Douala, au Cameroun
Journaliste
Et vous aussi vous le connaissiez déjà ?
Mauritanien
Il connaît toute la famille,
Journaliste
Ah bon.
Mauritanien
le fils, la femme et les toutes
Journaliste
Et vous Madame, vous êtes de Marseille aussi ?
Inconnue
Non. Je suis d'Avignon mais j'habite Marseille, maintenant. Oui.
Journaliste
Ah bon. Il y a beaucoup de gens qui sont venus de Marseille vous avez vu tout un groupe. Et vous Monsieur d'où êtes-vous ?
Camerounais
Moi je suis du Cameroun, j'habite Marseille et je suis ancien combattant, je le connais depuis 40. On a fait la guerre ensemble.
Journaliste
Puis c'est Cavaillon, le grand marché des primeurs où le chef de l'Etat s'arrête quelques instants, prononçant une brève allocution.
Foule
De Gaulle, De Gaulle, De Gaulle, De Gaulle,
Journaliste
Et le cortège officiel repart en direction d'Avignon, siège de la préfecture du Vaucluse et terme de cette première journée. Là, le chef de l'Etat visite en premier lieu le marché-gare d'intérêt national, il est accueilli là par Monsieur Henri Duffaut, député-maire d'Avignon. Il est 17 heures 30 quand le Président de la République arrive dans la ville même d'Avignon. La foule est là nombreuse, enthousiaste, sympathique. Et c'est à Avignon que le Président de la République devait prononcer sa dernière allocution de la journée, reprenant je vous disais ce thème de l'indépendance sur le plan international aussi bien à l'égard d'ailleurs de l'Ouest que de l'Est plus exactement. Et le Président de la République devait rappeler aussi l'indépendance de la France en matière économique, en matière nucléaire. Il devait faire allusion évidemment au problème de [INCOMPRIS]. Il a souvent parlé d'hégémonie possible des deux grands blocs mondiaux. Mais après avoir évoqué le bloc soviétique, c'est d'un autre aspect du problème qu'il parle.
Charles de Gaulle
Il y a aussi l'autre camp du monde, celui dans lequel nous sommes, celui des peuples libres. Eh bien, dans ce camp là nous avons des amis et nous avons des alliés, mais nous entendons qu'ils soient seulement nos amis, nos alliés, non pas nos dirigeants, non pas nos protecteurs, nous avons
Foule
Vive De Gaulle
Charles de Gaulle
Nous avons l'intention et la prétention d'être un peuple indépendant. Aujourd'hui comme toujours, nous voulons jouer notre rôle à nous, nous voulons être la France, toute entière. Cela implique un certain nombre de conditions, qu'il s'agisse de la politique, qu'il s'agisse en particulier de notre place dans certains organismes internationaux, indispensables et dont nous sommes, par exemple l'Organisation des Nations Unies ou l'Alliance Atlantique avec son organisation actuelle ou bien l'Europe à laquelle nous travaillons, qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces organisations là, nous voulons y être la France et nous le sommes.
Journaliste
Demain, le Président de la République se rendra dans la Drôme et notamment dans le massif du Vercors, haut lieu de la résistance, et ce sera sa deuxième journée. Ici Avignon, Charles [INCOMPRIS], François [Gay], à vous Paris.