Conférence de presse du 14 janvier 1963 (sur l'entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE)
Notice
Les thèmes abordés lors de cette conférence de presse concernent la politique intérieure et extérieure : la réforme constitutionnelle récente, le développement économique, l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun, les relations Est-Ouest, l'indépendance nationale en matière de défense, la conférence des Bahamas, le désarmement et, enfin, les relations Franco-Allemandes. En politique intérieure, le Général revient d'abord sur le récent référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage universel. Il enchaîne ensuite sur la politique économique menée pour transformer la France, et insiste sur l'application du Plan qui fixe les objectifs et donne les moyens d'y parvenir. En politique extérieure, le sujet principal est l'entrée de Grande-Bretagne dans le Marché Commun. De Gaulle explique longuement pourquoi l'entrée de l'Angleterre pose "des problèmes d'une très grande dimension". Sur l'accord des Bahamas entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, de Gaulle répète, une nouvelle fois, que sans rejeter l'alliance atlantique, la France "entend avoir en propre sa défense nationale". Enfin, le Général évoque les relations franco-allemandes, et affirme la nécessaire coopération des deux pays, condition et fondement même de la construction de l'Europe.
- Il ne faut pas s'attendre, bien sûr, à ce que les professionnels de la nostalgie, du dénigrement, de l'aigreur renoncent, tout au moins pour le moment, à suer le fiel, à cracher la bile et à lâcher le vinaigre.
- Il y a des pays, en particulier le nôtre, qui sont tout le temps, on peut le dire, en danger de mort subite.
- Pour la première fois depuis maintes générations, les Germains et les Gaulois constatent qu'ils sont solidaires.
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Éclairage
La conférence de presse du 14 janvier 1963 marque la nouvelle phase de l'action du général de Gaulle après les événements majeurs de l'année 1962. La guerre d'Algérie est terminée; un nouveau Premier ministre Georges Pompidou remplace Michel Debré ; le référendum d'octobre a consolidé le système politique de la Vème République et les élections législatives ont procuré au pouvoir une solide majorité.
Aussi de Gaulle commence-t-il par se féliciter que la France dispose désormais d'un Etat efficace, dirigé par un président à l'autorité renforcée. Et il dresse les perspectives qu'il assigne au pays dans la période qui s'ouvre : l'expansion économique, l'élévation du niveau de vie, la justice sociale, le progrès scientifique et technique, la participation des forces actives à la prise de décision.
Mais l'essentiel des questions posées, auxquelles de Gaulle répond longuement, porte sur la poltique étrangère, devenue la grand affaire du Général. En premier lieu, la demande d'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun qui fait l'objet de négociations entamées à Bruxelles depuis novembre 1961 et à laquelle le Général oppose une fin de non-recevoir, au motif que les Britanniques, économiquement liés à l'Amérique et aux Dominions, n'envisagent d'adhérer à l'Europe des Six qu'à condition d'en modifier les règles et l'esprit, ce à quoi la France se refuse absolument (elle mettra d'ailleurs fin aux négociations le 29 janvier). En second lieu, de Gaulle s'explique sur le refus de la France d'accepter la force multilatérale proposée par le président Kennedy aux Britanniques à la Conférence de Nassau (Bahamas) en décembre 1962, par laquelle le Royaume-Uni accepte de verser ses armes nucléaires dans une force multilatérale gérée par l'OTAN sous commandement américain, renonce à construire ses propres fusées pour transporter les ogives thermonucléaires et reçoit en échange des fusées Polaris construites par les Etats-Unis. Pour la France qui n'entend pas laisser aux Etats-Unis le soin de la protéger (d'autant qu'elle éprouve des doutes sur le fait que les Américains affronteront l'URSS pour défendre l'Europe, compte tenu de la stratégie de la "riposte graduée") il est absolument nécessaire de posséder une force de dissuasion indépendante et ses propres fusées et sous-marins nucléaires pour la rendre opérante, le tout sous souveraineté nationale. Enfin, de Gaulle exalte l'amitié et la coopération franco-allemande à la veille de la visite à Paris du Chancelier Adenauer, et celle-ci aboutira effectivement à la signature le 22 janvier 1963 du traité de l'Eysée qui pose les bases de cette coopération.