Conférence de presse du 27 novembre 1967
Notice
Lors de la conférence de presse du 27 novembre 1967, le général de Gaulle aborde plusieurs sujets. Il parle d'abord des mutations économiques et sociales que connaît la France, notamment dans l'industrie et l'agriculture, et insiste sur le dynamisme de l'économie française, qui permet d'envisager avec optimisme l'abaissement des barrières douanières dans le Marché Commun. Sur la question du conflit au Moyen-Orient, si de Gaulle affirme la légitimité de l'Etat d'Israël, il condamne l'occupation des territoires palestiniens. Interrogé sur le Québec, le Général revient sur ses déclarations de Montréal, et les explique. Il revient également sur son voyage en Pologne et sur l'amitié franco-polonaise. Sur l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché Commun, il fait l'historique de la politique de la Grande-Bretagne, conclut qu'elle doit se détacher des Etats-Unis et du Commonwealth pour entrer dans l'Europe. Pour conclure, et après avoir répondu par une boutade à une question sur "l'après-gaullisme", le Général termine par l'historique de la IVe République et de la Ve, les institutions, le rôle du chef de l'Etat, "clef de voûte" de l'édifice.
- Politique extérieure > Construction européenne > Entrée de la Grande-Bretagne
- Politique intérieure > Economie > Activité économique > Agriculture
- Politique intérieure > Economie > Activité économique > Industrie
- Politique intérieure > Vie politique > Institutions
- Politique intérieure > Vie politique > Pouvoirs > Rôle du chef de l'Etat
- Afrique > Algérie > Mers-el-Kébir
- Afrique > Egypte
- Amérique du Nord > Canada > Montréal
- Asie > Chine
- Asie > Japon
- Asie > Vietnam
- Europe > Belgique > Bruxelles
- Europe > France > Ile-de-France > Paris
- Europe > Grande-Bretagne > Angleterre
- Europe > Italie
- Europe > Pologne
- Moyen-Orient > Israël
- Moyen-Orient > Jordanie
Éclairage
La période qui va des élections de mars 1967 à l'automne de cette même année se caractérise par deux phénomènes qui accroissent les tensions à l'intérieur du pays. D'une part, le général de Gaulle s'efforce de montrer que le décevant résultat des élections de mars 1967 où la majorité ne l'a emporté que de quelques sièges, ne saurait en rien infléchir la politique du gouvernement. Aussi accentue-t-il la présidentialisation du régime en prenant sans concertation des décisions qui surprennent ou indignent l'opinion et les milieux politiques. D'autre part, l'opposition, stimulée par le résultat des élections s'efforce de pousser son avantage en multipliant les critiques contre les actes du Chef de l'Etat. La conférence de presse du 27 novembre 1967 doit permettre à de Gaulle de répondre, et en particulier sur ses décisions les plus controversées.
La première question posée au général porte rituellement sur les problèmes économiques et sociaux et vise à savoir si la France est capable d'affronter les défis posés par la mise en oeuvre de la dernière étape du Marché commun qui prévoit la suppression des barrières douanières entre les Six à partir de 1968 et l'abaissement de celles-ci avec le reste du monde, décidée à Genève en mai 1967 dans le cadre des négociations du "Kennedy Round" au sein du GATT. C'est l'occasion pour de Gaulle de dresser un bilan des mutations structurelles de l'économie française et des relations sociales réalisées par la Vème République et de la place éminente de la France qu'il présente comme la troisième puissance industrielle du monde et un pays pionnier en matière d'avancées sociales du fait de la mise en place de l'intéressement des travailleurs aux bénéfices de l'entreprise instauré par une ordonnance du 17 août 1967.
Les deux questions suivantes portent sur les actions de politique étrangère qui ont suscité l'incompréhension d'une partie de l'opinion, la condamnation d'Israël en juin 1967 et la déclaration de Montréal en juillet : "Vive le Québec libre". Or, sur aucun des deux sujets, de Gaulle n'envisage la moindre correction
-Dressant un vaste panorama de l'histoire des Juifs qu'il présente comme "un peuple d'élite sûr de lui et dominateur" (ce qui le fera accuser d'antisémitisme), il épouse assez largement les vues arabes en considérant comme une intrusion leur présence en Palestine et feint de croire, pour justifier le renversement d'alliances qui permet un rapprochement avec les pays arabes, la guerre d'Algérie terminée, qu'Israël a déclenché la Guerre des Six Jours non parce qu'il craignait pour sa sécurité, voire son existence , devant les menaces de Nasser, mais pour effectuer des conquêtes territoriales afin d'accroître sa population, dénonçant au passage la répression exercée par l'Etat hébreu dans les territoires occupés.
-Pour ce qui est du Québec, il rappelle les origines historiques des Canadiens français, abandonnés par la mère-patrie, soumis à la domination linguistique, culturelle et économique des anglophones et leur profond désir d'affranchissement, auquel il a entendu répondre publiquement en promettant aux indépendantistes du Québec l'appui de la France. Il considère en quelque sorte qu'il s'agit là d'un peuple colonisé pour lequel il souhaite l'autodétermination, envisageant à la fois l'indépendance du Québec et la formation de liens étroits entre le futur Etat libre et la France.
-Interrogé sur la garantie aux frontières occidentales de la Pologne donnée lors de son voyage dans ce pays en septembre 1967, il en confirme la teneur, jugeant qu'il n'y a dans cette attitude rien d'inamical envers l'Allemagne à laquelle ces provinces ont été enlevées en 1945
-A la question classique sur l'éventuelle adhésion du Royaume-Uni au Marché Commun, il répond en dressant un large panorama historique de l'hostilité ou de l'indifférence de la Grande-Bretagne envers la construction européenne, jugeant que sa récente décision d'adhérer à la Communauté en demandant l'ouverture de négociations résulte de la crise que connaît l'économie britannique et qui s'est manifestée par la dévaluation du sterling et masque la volonté affirmée du Royaume-uni de transformer la Communauté de l'intérieur, compte tenu du fait que les caractéristiques de l'économie et de la politique britanniques ne sauraient s'accommoder des règles de la CEE. Il attend donc plus que jamais que la Grande-Bretagne devienne européenne et accepte les règles du Marché commun pour accepter son adhésion.
Enfin le Général élude la question qui lui a été posée sur l'après-gaullisme en marquant que le moment n'est pas venu de l'envisager et en faisant un vif éloge des institutions de la Vème République et du rôle majeur qu'y joue le Chef de l'Etat, garant de l'efficacité du système politique.