Réaction après les représailles allemandes suite aux attentats de la Résistance

23 octobre 1941
04m 45s
Réf. 00304

Notice

Résumé :

Le propos gaullien est organisé en cinq temps. Tout d'abord, et quoi qu'en dise "la voix tremblante du vieillard" Pétain, l'Allemand est et demeure l'ennemi, un ennemi dont il ne faut douter ni de la "haine" ni de la "férocité". A ce titre, affirme de Gaulle, "il est absolument normal et il est absolument justifié que les Allemands soient tués par les Français" ; en tout état de cause, la destinée normale de tout soldat allemand est l'état de cadavre ou celui de prisonnier. Cela posé, le chef du Comité national français marque une nette réserve vis-à-vis de la tactique des attentats individuels ; étant donné la disproportion des forces, de tels gestes ne peuvent que déboucher sur des représailles auxquelles ils sera impossible de s'opposer et sur un affaiblissement de la résistance. Aussi de Gaulle invite-t-il à la "patience", la "préparation", la "résolution" avant de passer "tous ensemble, à l'attaque par l'extérieur et par l'intérieur" selon un vaste plan d'ensemble coordonné avec les Alliés. L'homme du 18 Juin conclut en stigmatisant les "collaborateurs de l'ennemi", c'est-à-dire "tout ce qui est de Vichy".

Type de média :
Date de diffusion :
23 octobre 1941
Type de parole :

Éclairage

Le 21 août 1941, le militant communiste Pierre Georges - le futur colonel Fabien - abat l'aspirant de marine allemand Moser à la station de métro Barbès, à Paris. Le 19 octobre, à Nantes, le lieutenant-colonel Hotz, Feldkommandant de la Loire-Inférieure, tombe sous les balles de Gilbert Brustlein, membre d'un commando de jeunes communistes parisiens de l'Organisation spéciale. Le 22 octobre, en représailles, les Allemands fusillent 16 otages à Nantes, 27 à Châteaubriant et 5 au mont Valérien. S'il ne revendique pas les attentats officiellement, le parti communiste français donne un large écho à l'exécution des otages et appelle à la grève générale. De son côté, Vichy, dont le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Pierre Pucheu, a collaboré à la désignation des otages exécutés, se garde de condamner les fusillades, mais intervient néanmoins pour éviter l'exécution de 50 autres otages. De Londres, de Gaulle perçoit l'émotion provoquée en France par ces exécutions. Le 23 octobre, il prononce un discours dans lequel il invite les Français à la "patience", la "préparation" et la "résolution". Le 11 novembre suivant, il décerne la plus haute distinction de la France libre, la Croix de la Libération, à la ville de Nantes, "ville héroïque qui, depuis le crime de la capitulation, a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l'ennemi".

Guillaume Piketty

Transcription

Charles de Gaulle
Nous savions bien que l'Allemand est l'Allemand. Nous ne doutions pas de sa haine ni de sa férocité. Nous étions certains que ce peuple déséquilibré ne contraindrait pas longtemps sa nature et qu'il irait tout droit au crime à la première crise de peur ou de colère. Parce que deux des bourreaux de la France ont été abattus à Nantes et à Bordeaux, au beau milieu de leurs canons, de leurs chars et de leurs mitrailleuses par quelques courageux garçons, l'ennemi prend, au hasard, à Paris, à Lille, à Strasbourg, Caen, deux cent, trois cent Français et les massacre ? Naturellement, les malheureux qui, à Vichy, s'épouvantent eux-mêmes, des horreurs qu'ils ont causées par leur capitulation se répandent en imprécations, non point du tout contre l'ennemi mais contre ceux qui le frappent. Nous avons entendu, hier, la voix tremblante du vieillard que ces gens ont pris comme enseigne qualifier de " crime sans nom " l'exécution de deux des envahisseurs. Dans cette phase terrible de sa lutte contre l'ennemi, il faut que le peuple français reçoive un mot d'ordre. Ce mot d'ordre, je vais le lui donner. Il vient du comité national français qui dirige la nation dans sa résistance. Voici. Il est absolument normal et il est absolument justifié que les Allemands soient tués par les Français. Si les Allemands ne voulaient pas recevoir la mort de nos mains, ils n'avaient qu'à rester chez eux et ne pas nous faire la guerre. Tôt ou tard, d'ailleurs, ils sont tous destinés à être abattus, soit par nous, soit par nos alliés. Ceux d'entre eux qui tombent, en ce moment, sous le fusil, le revolver ou le couteau des patriotes ne font que précéder de peu tous les autres dans la mort. Du moment qu'après deux ans et deux mois de bataille, ils n'ont pas réussi à réduire l'univers, ils sont sûrs de devenir, chacun et bientôt un cadavre ou au moins un prisonnier. Mais il y a une tactique à la guerre. La guerre des Français doit être conduite par ceux qui en ont la charge, c'est-à-dire par moi-même et par le comité national. Il faut que tous les combattants, ceux du dedans comme ceux du dehors, observent exactement la consigne. Or, actuellement, la consigne que je donne pour le territoire occupé, c'est de ne pas y tuer d'Allemands. Cela pour une seule mais très bonne raison. C'est qu'il est, en ce moment, trop facile à l'ennemi, de riposter par le massacre de nos combattants et de nos combattantes momentanément désarmés. Au contraire, dès que nous serons en mesure de passer, tous ensemble, à l'attaque par l'extérieur et par l'intérieur, vous recevrez les ordres voulus. Jusque-là, patience, préparation, résolution. Cependant, avant de pouvoir attaquer dans de bonnes conditions, il faut définitivement arracher toute autorité aux collaborateurs de l'ennemi. Vichy qui a livré nos armes, Vichy qui a interdit à la flotte et à l'empire de bouger sauf pour combattre les Français et leurs alliés, Vichy qui collabore avec les assassins, Vichy qui tient les mains de la France pendant que l'ennemi l'égorge doit rencontrer, dans tous les domaines, l'opposition complète et incessante du peuple français. Jusqu'à ce que la justice nationale ait pu s'abattre sur Vichy, tout ce qui est de Vichy n'a droit qu'au mépris sublime, à commencer, bien entendu, par le principal responsable du désastre militaire, de l'armistice déshonorant et du malheur de la France, le Père-la-défaite de Vichy. La France, avec nous !