Discours de Brazzaville

30 janvier 1944
03m 01s
Réf. 00311

Notice

Résumé :

Les territoires africains de l'Empire sont maintenant réunis sous l'autorité du Comité national, et de Gaulle convoque à Brazzaville (Congo français) une conférence des gouvernements pour jeter les bases des rapports futurs entre la France et ses colonies.

Type de média :
Date de diffusion :
30 janvier 1944
Type de parole :

Éclairage

Le 30 janvier 1944 s'ouvre à Brazzaville - capitale de l'AEF, zone stratégique d'où sont parties les premières forces armées de la France Libre - la "Conférence africaine française" sous l'égide du général de Gaulle. Regroupant les gouverneurs coloniaux d'Afrique noire, de Madagascar, les représentants des intérêts économiques, et des membres de l'Assemblée consultative provisoire, la conférence de Brazzaville doit définir les orientations futures de l'Empire et les rapports qui unissent la France à ses possessions d'outre-mer. Elle est organisée et présidée par René Pleven, commissaire aux Colonies, qui a rejoint le général de Gaulle dès juin 1940. Félix Éboué - le gouverneur général de l'AEF qui a rallié le Tchad à la France Libre à l'été 1940 - et Henri Laurentie - secrétaire général de l'Afrique combattante - sont également à l'origine de ce sommet. Le document sonore présente deux extraits du discours d'ouverture tenu par le général de Gaulle. Celui-ci y rend hommage aux nombreux jeunes Africains qui se sont engagés pour défendre la France et l'Empire, et souligne le rôle crucial de l'Afrique depuis le début de la guerre et alors qu'elle va servir de "base de départ" pour la prochaine libération de la Métropole. Après avoir souligné que l'enjeu de la guerre est bel et bien la "condition de l'Homme", de Gaulle évoque les interrogations sur les "temps nouveaux" que le conflit a fait surgir. S'il propose l'émancipation des territoires français d'Afrique - que "la guerre présente n'a fait que précipiter" - il ne conçoit néanmoins pas que celle-ci se fasse à l'extérieur du "bloc français". Pourtant, cet appel de Brazzaville - qui recevra un large écho à travers tout le continent - ouvrira la voie à l'indépendance, et lancera le processus de la décolonisation des territoires français d'Afrique.

Aude Vassallo

Transcription

Charles de Gaulle
Déjà, au moment où commençait la présente Guerre mondiale, apparaissait la nécessité de placer, sur des bases nouvelles, les conditions de la mise en valeur de nos territoires africains : celles du progrès des hommes qui vivent et celles aussi de l'exercice de la souveraineté française. Est-il besoin de dire que la guerre présente n'a fait que précipiter l'évolution ? D'abord parce qu'elle est, elle fut, jusqu'à ces derniers jours, en grande partie une guerre africaine. Ensuite, et surtout, parce que l'enjeu de cette guerre, c'est, en réalité, la condition de l'Homme. Et que sous l'action des puissances psychiques qu'elle a, partout, déclenché, il n'y a pas une population, il n'y a pas un homme, dans le monde, qui, aujourd'hui, ne lève la tête, ne regarde au-delà du jour et n'interroge son destin. Parmi les puissances impériales, aucune puissance impériale plus que la France ne peut sentir cet appel-là. Aucune ne sent la nécessité de s'inspirer plus profondément des leçons des événements pour engager, sur les chemins des temps nouveaux, les soixante millions d'hommes qui sont liés au sort de ces quarante deux millions d'enfants. Aucune puissance, dis-je, plus que la France elle-même. En premier lieu et tout simplement parce qu'elle est la France, c'est-à-dire la nation dont le génie est comme destiné à élever, pas à pas, les hommes vers les sommets de la dignité et de la fraternité, où tous pourront s'unir un jour. Et aussi parce que dans l'extrémité où la France s'est trouvée refoulée par une défaite du moment dans la métropole, elle a trouvé, dans ses territoires d'outremer, le refuge, le recours. Et maintenant, la base de départ de sa libération est que cela a créé entre elle-même et son empire un lien définitif.