Discours prononcé sur l'esplanade Gambetta à Tunis

27 juin 1943
14m 59s
Réf. 00406

Notice

Résumé :

Devant une foule enthousiaste, le général de Gaulle prononce un vibrant éloge de la France qui combat, qui souffre et qui se renouvelle dans l'épreuve. Elle demeurera aux côtés de ses alliés, comme il y a vingt-cinq ans, dans le respect réciproque et jusqu'à la Libération.

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Date de diffusion :
27 juin 1943
Type de parole :

Éclairage

Bientôt disponible.

Transcription

(Bruits)
Charles de Gaulle
Au point où en est le drame, je ne crois pas qu'aucun Français, à aucun moment, porte sa pensée sur autre chose que sur la France. Et je crois bien que dans le monde, nos amis sont également pénétrés de ce continuel souci. Je crois bien même que nos ennemis ne peuvent pas se défendre de quelque angoisse quand ils sentent la nation qu'ils écrasent remuer sous leurs genoux. Tant il est vrai que notre peuple, malgré ses peurs, conserve une vitalité que rien ne peut atteindre, et au-dehors une dignité sur laquelle passent les vicissitudes du présent. Eh bien, puisque c'est notre commun désir, ne nous contrarions pas nous-mêmes et parlons, si vous voulez bien, de la France.
(Bruits)
Charles de Gaulle
La France combat ! Des misérables ont pu, en croyant que le peuple était à leur mesure, ont pu usurper le pouvoir, décréter la capitulation, pratiquer la collaboration ; amener même certaines fractions de nos épées, en faisant abus de la discipline, à combattre à Dakar, à Beyrouth, à Diégo, à Casablanca, à Tunis, les Alliés de la France. Employer tous les moyens de propagande et de répression pour s'opposer à l'instinct national de conservation, c'est-à-dire à l'esprit de résistance, rien n'y a fait. La France est aujourd'hui engagée dans la lutte avec plus de force qu'elle n'en eut jamais depuis juin 1940. Bien plus, elle est en train de bouillonner d'une force nouvelle et je vous demande, tous ensemble, de porter en ce moment nos pensées sur nos frères de France qui luttent par tous les moyens et de tout leur coeur contre l'ennemi détesté et sur notre cher Conseil de la Résistance National qui dirige leurs efforts sur notre sol en pleine union avec nous.
(Bruits)
Charles de Gaulle
L'ultime combat que la France souffre ! Non seulement parce qu'elle a subi de graves pertes, non seulement parce que ses prisonniers s'étiolent d'année en année, non seulement parce que nos enfants, nos femmes, nos hommes pour beaucoup d'entre eux manquent actuellement du strict nécessaire pour subsister, non seulement parce que nos jeunes gens sont déportés en masse et mis aux travaux forcés pour le compte de l'ennemi, mais aussi, mais surtout parce que la France ressent dans ses profondeurs l'humiliation où elle a été plongée et que l'on éprouve l'outrage et l'injustice. Je dis l'outrage et l'injustice, c'est qu'en effet, notre peuple, d'abord stupéfié par la soudaineté du désastre, s'est redressé dans la guerre sur son sol et dans son Empire. Et bien plus, il est en train, dans ses profondeurs, de bouillonner d'une place nouvelle, de la flamme ardente et secrète de la rénovation nationale. La France se renouvelle ! Des esprits superficiels....
(Bruits)
Charles de Gaulle
Des esprits superficiels et qui s'accrochent aux cendres du passé peuvent bien croire, s'ils le veulent, qu'ils retrouveront le pays tel qu'ils l'ont jadis connu. Ils peuvent bien, s'ils le veulent, considérer nos affaires sous l'angle où ils les considéraient avant le cataclysme, je leur dis, vous leur dites qu'ils en seront pour leurs illusions. La France qui reparaîtra après avoir brisé ses chaînes ne sera plus la France de naguère.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Ah, certainement nos plaines, nos vallées, nos montagnes auront toujours le même aspect. Certainement, nos villes et nos villages garderont leur figure. Certainement notre race conservera ses caractères de vingt siècles. Les Français et les Françaises dans le futur n'auront pas perdu leurs qualités, ni probablement leurs défauts. Et cependant ce peuple aura subi tant de douleurs, ce peuple qui gardera le cadre naturel dans lequel il vit et qui restera à la tête du même Empire, ce peuple, dis-je, aura subi tant de douleurs. Il aura vu tant d'expériences sur lui-même et sur les autres. Il aura comprimé en lui tant d'espoirs et tant de fureurs qu'une fois ses liens brisés, soyons sûrs, il balaiera les vieilles idoles, routines et formules qui ont manqué le faire périr. Il voudra reparaître sous une forme neuve, et notamment dans son Empire, il voudra organiser sur des bases plus justes et plus stables la collaboration entre sa souveraineté et le loyalisme des millions d'homme qu'il a la charge de guider.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Quelquefois, dans le long calvaire que nous avons gravi depuis trois ans et le [inaudible], me disais : mais où est la France ? Et bien, voilà la réponse. La France, la voilà !
(Bruits)
Charles de Gaulle
[inaudible] C'est de Tunis qu'il convient de dire ce qui peut servir aujourd'hui à éclairer la route de demain. [inaudible] à sa collaboration [inaudible]. L'Ennemi n'a à attendre de nous absolument rien que des coups jusqu'à sa chute.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Nous savons, par une cruelle et longue Histoire, que l'Europe n'aurait point de vraie paix si l'une quelconque des grandes nations qui en forment l'ossature devait être condamnée pour toujours à l'abaissement et à la servitude. Nous savons bien que le génie de toutes est nécessaire à l'équilibre. Mais nous savons aussi par la même leçon de l'Histoire que la violence et la tyrannie viennent toujours du même côté. [incompris] si il n'est pas pris les mesures publiques, drastiques, sévères qui sont nécessaires pour empêcher à la fin des fins l'esprit de domination de ruer de nouveau sur le monde, et qu'il n'y a rien à voir dans l'avenir sinon du sang, des larmes et des ruines, et l'Europe perdue pour les démocraties s'il devait être [inaudible] la dernière fois où les crimes commis depuis tant d'années demeureront sans châtiment.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Aux Alliés de la France, nous disons que jamais notre peuple ne s'est trouvé plus étroitement, plus profondément lié avec leur propre peuple. Quand de simples Français se trouvent, par exemple, avec de simples Anglais, ou Russes, ou Américains, tous s'aperçoivent qu'ils sont des hommes tous pareils les uns aux autres, tous prêts à s'aider et tous prêts à s'aimer.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Nous savons bien et nous proclamons d'avance, ce que notre libération devra à l'héroïque Grande-Bretagne qui sauva l'univers.
(Bruits)
Charles de Gaulle
A l'admirable Russie qui porta [...] et porte encore le plus lourd fardeau des batailles. A la puissante Amérique...
(Bruits)
Charles de Gaulle
qui non seulement élève peu à peu, sur tous les théâtres de la guerre, sa belle et terrible force, mais qui encore, prête toujours l'irrésistible concours de ses matières premières et de ses fabrications. Nos Alliés savent bien que il y a vingt-cinq ans, la France s'est dépensée jusqu'à l'épuisement pour la cause commune. Nos Alliés savent bien [inaudible] d'abord dans l'isolement, la patrie se redresse pour la guerre sur son sol et dans son Empire. Nos Alliés savent bien qu'il n'y aurait pas de reconstruction, que cette reconstruction du monde ne serait qu'un mot vide de sens sans l'élément ardent et fidèle que constitue la France éternelle.
(Bruits)
Charles de Gaulle
A la France, à notre dame la France, nous n'avons aujourd'hui qu'une seule chose à dire, c'est que rien ne nous occupe, excepté de la servir. Notre devoir envers elle est aussi simple et élémentaire que le devoir des fils pour la mère opprimée. Nous avons à la délivrer, à battre l'ennemi et à châtier les traîtres qui l'ont jetée dans l'épreuve.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Nous avons...
(Bruits)
Charles de Gaulle
Nous avons à lui conserver ses amis et nous avons enfin à arracher le bâillon de sa bouche et les chaînes de ses membres pour qu'elle puisse faire entendre sa voix et reprendre sa marche au destin. Nous n'avons rien à lui demander, excepté peut-être qu'au jour de la liberté, elle veuille bien nous ouvrir matériellement les bras pour que nous y pleurions de joie.
(Bruits)
Charles de Gaulle
Et qu'au jour où la mort viendra nous saisir, elle nous ensevelisse à notre tour, doucement, dans sa bonne et sainte terre.
(Musique)