Parcours thématique

De Gaulle et l'Afrique noire

Aude Vassallo

Introduction

Pour de Gaulle, il existe une communauté de destin entre la France et les pays africains de l'Empire, restés fidèles tout au long de la Deuxième Guerre mondiale. La politique de grandeur qu'il entend mener à son retour au pouvoir, en 1958, exige d'achever la décolonisation française, mais sans pour autant abandonner à leur sort les jeunes États africains.

1939-1945 : l'indispensable Empire

Pendant la Guerre, nombre d'Africains s'engagent pour défendre la France et l'Empire. L'Afrique joue alors un rôle crucial dans la victoire des Alliés : zone stratégique, c'est une "base de départ" pour les troupes chargées de gagner, puis de libérer la Métropole. Le 30 janvier 1944 s'ouvre à Brazzaville - capitale de l'AEF - la "Conférence africaine française" placée sous l'égide du général de Gaulle. Il y exprime sa gratitude envers le fidèle Empire et évoque déjà les orientations futures qu'il compte lui offrir (des entités unies dans le cadre d'une communauté, entretenant des rapports de coopération). S'il propose l'émancipation des territoires français d'Afrique, il ne conçoit pas moins que celle-ci se fasse à l'extérieur du "bloc français".

La conférence de Brazzaville (1)

Discours de Brazzaville

Discours de Brazzaville

Du 30 janvier au 8 février 1944 se tient la "Conférence africaine française" à Brazzaville, capitale de l'Afrique Equatoriale française. Cette conférence, tenue devant les hauts fonctionnaires coloniaux d'Afrique noire et de Madagascar, vise à clarifier la position de la France quant à l'avenir de ses colonies africaines. Dans cet extrait, le Général met en avant l'idée de progrès, rendu possible par la "participation" de la population autochtone à la gestion de ses affaires.

30 jan 1944
01m 07s

La conférence de Brazzaville (2)

Discours de Brazzaville

Discours de Brazzaville

Les territoires africains de l'Empire sont maintenant réunis sous l'autorité du Comité national, et de Gaulle convoque à Brazzaville (Congo français) une conférence des gouvernements pour jeter les bases des rapports futurs entre la France et ses colonies.

30 jan 1944
03m 01s

1958-1960: la Communauté, transition vers l'indépendance

À son retour au pouvoir, le général de Gaulle inscrit sa politique africaine dans la continuité de celle ses prédécesseurs : la loi-cadre Defferre de 1956 attribue aux pays de l'AEF et de l'AOF un régime d'autonomie interne (avec des assemblées locales élues au suffrage universel et des Conseils de gouvernement chargés de l'exécutif). Mais ce n'est qu'un semblant d'indépendance, qui ne peut satisfaire longtemps les revendications politiques africaines qui émergent ici et là (comme le Rassemblement démocratique de l'Afrique (RDA) de Houphouët-Boigny).

La Communauté de 1958

Ainsi, en 1958, le général de Gaulle doit-il faire face aux interrogations de plus en plus pressantes des nouvelles élites africaines. Redoutant la sécession de ces territoires - qui serait synonyme d'un affaiblissement de la France dans le monde - il propose aux Africains l'autodétermination : l'indépendance immédiate (mais sans aide de la France) ou le choix de la Communauté, entité inscrite dans la Constitution de la Ve République, et composée d'États indépendants solidement amarrés à la République.

En août 1958, le Général réalise une tournée africaine à travers les capitales de l'Empire afin de convaincre les populations d'adhérer à son projet, et l'accueil des Africains est enthousiaste. Le 28 septembre 1958, onze colonies d'Afrique noire (plus Madagascar) acceptent la nouvelle Constitution et intègrent la Communauté (seule la Guinée refuse et devient immédiatement indépendante, sans accord de coopération avec Paris).

Cette Communauté présente une forme politico-juridique hybride : présidée par le général de Gaulle, l'exécutif y est représenté par un Conseil composé du Premier ministre et des chefs de gouvernement des États membres. Mais la France conserve l'essentiel de ses prérogatives dans les domaines de la défense, de la diplomatie, de la monnaie, du commerce extérieur... Pourtant, l'article 86 laisse la possibilité à ces États de devenir indépendants, occasion qu'ils ne tardent pas à saisir.

De Gaulle propose la Communauté aux Africains

Discours à Dakar

Discours à Dakar

Du 20 au 29 août 1958, le Général effectue un voyage à Madagascar et dans les territoires africains pour présenter à ces pays le choix devant lequel ils se trouvent : ou s'intégrer dans une communauté française, ou prendre le chemin de l'indépendance. Une manifestation des indépendantistes est organisée lors du passage de De Gaulle à Dakar, capitale du Sénégal.

26 aoû 1958
04m 21s

Une Communauté enchâssée dans la nouvelle République

Conférence de presse à Matignon

Conférence de presse à Matignon

Avant l'ouverture de la campagne pour l'élection de la nouvelle Assemblée nationale, le général de Gaulle convoque la presse à Matignon. La conférence est diffusée dans le cadre du JT de 20 heures. Le général revient d'abord sur le référendum du 28 septembre, et souligne l'importance des élections législatives à venir. Il aborde ensuite la question de l'Algérie, le rôle qu'y tient l'armée française, les actions menées par le FLN. Il évoque ensuite le problème du désarmement et la question de l'arme atomique en France.

23 oct 1958
43m 12s

Vers l'indépendance

Au début de l'année 1959, tous les États se placent sur le terrain de l'accession à la souveraineté nationale. Une nouvelle génération d'hommes politiques prône une transformation radicale des rapports avec la France. Ainsi, à l'automne 1959, le Sénégal et le Soudan français, unis en une Fédération du Mali, réclament solennellement l'indépendance totale au général de Gaulle, tout en aspirant à rester attachés à la Communauté. Réaliste et lucide, de Gaulle reconnaît le droit de ces peuples à disposer d'eux-mêmes, inaugurant ainsi une nouvelle Communauté, essentiellement basée sur la coopération.

De la décolonisation en Afrique noire

Conférence de presse du 10 novembre 1959

Conférence de presse du 10 novembre 1959

Lors d'une conférence de presse donnée à l'Elysée le 10 novembre 1959, le général de Gaulle aborde plusieurs points de politique intérieure et extérieure : la nouvelle situation politique en URSS avec Nikita Khrouchtchev et les possibilités d'une conférence au sommet Est-Ouest, le déséquilibre nucléaire et la décision française d'être une puissance atomique, et la situation en Algérie. Sur ce point, il rappelle les principes essentiels de l'autodétermination qu'il a posés le 16 septembre. Il aborde ensuite d'autres thèmes, au gré des questions des journalistes, la décolonisation en Afrique noire, et la position à l'égard des anciens combattants de la Grande Guerre.

10 nov 1959
01h 03m 42s

De Gaulle accepte l'indépendance de la Fédération du Mali

Discours à Saint-Louis du Sénégal

Discours à Saint-Louis du Sénégal

A Saint-Louis du Sénégal, le général de Gaulle exhorte les pays africains à rester unis, et à rester étroitement liés à la France dans la Communauté.

12 déc 1959
01m 13s

1960-1969 : La coopération franco-africaine

La loi constitutionnelle du 4 juin 1960 consacre l'instauration de nouveaux rapports franco-africains à caractère bilatéral. C'est un système de coopération entre États souverains, mais ayant pour but d'imposer l'influence de la France en Afrique. En quelques mois, tous les États de la Communauté accèdent à l'indépendance. En 1961, les institutions communautaires disparaissent.

Ainsi, se consacre-t-on à la conclusion d'accords et de traités de coopération dans les domaines politique, militaire, économique, financier et monétaire, judiciaire, technique et culturel, permettant à la France de conserver une influence majeure sur ses anciennes colonies.

De 1960 à 1969, le général de Gaulle invite successivement chacun des chefs d'État à réaliser une visite officielle à l'Élysée, où ils sont reçus avec tous les fastes de la République, marquant ainsi solennellement le soutien de la France aux jeunes États africains. L'aide hexagonale s'exerce par exemple sous la forme de crédits au développement, ou d'appui militaire comme en février 1964, auprès du président Léon M'Ba, renversé par un putsch.

Indépendance et coopération avec la France

Conférence de presse du 5 septembre 1960

Conférence de presse du 5 septembre 1960

Le général de Gaulle débute la conférence de presse du 5 septembre 1960 par une introduction sur la période agitée actuelle, agitation entretenue par certains dirigeants "totalitaires" et par quelques chefs de pays nouvellement indépendants. Il répond ensuite aux questions des journalistes, qui portent d'abord sur la décolonisation. Le général développe son idée de l'indépendance, mais dans la coopération avec la France. Il parle ensuite de l'Algérie : à nouveau il réaffirme le principe de l'autodétermination, refuse la rupture, condamne les attentats, appelle à l'arrêt des combats ; il insiste sur l'indépendance de la politique française en Algérie face aux ingérences de l'ONU. Sur la question de l'Europe, le général de Gaulle plaide pour une Europe des "réalités", c'est-à-dire des Etats. Il aborde ensuite diverses questions : sur le Sénégal, le Soudan et le Mali ; sur la position de la France au sein de l'OTAN ; sur la "fédération maghrébine" prônée par Bourguiba ; sur les relations franco-soviétiques et plus largement sur les relations Est-Ouest. Il conclut en se félicitant de la cohérence nationale en France, et lance la célèbre phrase : "Après vous, la pagaille ! ".

05 sep 1960
01h 08m 32s

La coopération : une relation privilégiée

Conférence de presse du 31 janvier 1964

Conférence de presse du 31 janvier 1964

Au cours d'une conférence de presse donnée à l'Elysée le 31 janvier 1964, le général de Gaulle aborde plusieurs points importants : les institutions, l'Europe, la coopération de la France avec d'autres pays du monde, et l'ouverture de relations normalisées avec la Chine.

31 jan 1964
01h 31m 33s

De Gaulle reçoit le président Bokassa

Allocution de bienvenue adressée à Jean-Bedel Bokassa

Allocution de bienvenue adressée à Jean-Bedel Bokassa

Le général de Gaulle accueille à la gare de Bry-sur-Marne le président de la République centrafricaine, qui accomplit en France un voyage officiel.

11 fév 1969
03m 55s

Conclusion

Le général de Gaulle mène en Afrique noire une politique réaliste : pour assurer une zone d'influence française dans cette partie du monde, et appuyer ainsi la politique de grandeur qu'il poursuit, il accepte d'accorder progressivement l'indépendance aux pays d'Afrique noire. C'est une décolonisation pacifique qui s'achève avec la coopération, instituant un cycle de relations privilégiées entre la France et les pays de son Empire disparu.