Parcours thématique

De Gaulle et les médias

Aude Vassallo

Introduction

Tout au long de l'épopée gaullienne, les médias, et spécialement les médias audiovisuels, sont les supports essentiels aux actions menées par le général de Gaulle.

La radio, une arme dans la Seconde Guerre mondiale

Dès juin 1940, le général de Gaulle se saisit de la radio de Londres, la BBC, pour lancer ses appels aux Français restés de l'autre côté de la Manche, afin qu'ils poursuivent la guerre. De part les soixante-sept interventions qu'il y prononce - pour susciter et encourager les efforts de résistance - il gagne le surnom de "Général micro" !

Mais il se heurte parfois à la censure britannique, comme au moment du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (de Gaulle a été évincé), où il lui est interdit de protester. Ce n'est qu'à l'été 1944 que les Parisiens découvrent le visage du Général victorieux dont ils avaient si souvent entendu la voix durant ces années sombres.

L'un des 67 messages adressés aux Français par radio

Message de Noël aux enfants de France

Message de Noël aux enfants de France

Message de Noël adressé aux enfants de France alors qu'après l'invasion de l'URSS par le Reich, en juin, puis l'entrée en guerre des Etats-Unis, en décembre, la guerre est bel et bien devenue mondiale.

24 déc 1941
05m

De Gaulle censuré par les Britanniques

Débarquement allié en Afrique du Nord

Débarquement allié en Afrique du Nord

Le général de Gaulle commence par situer le débarquement en Afrique du Nord dans un tableau plus large de la guerre en cours et souligne qu'avec le renfort allié, "notre Algérie, notre Maroc, notre Tunisie" pourront constituer "la base de départ pour la libération de la France". Il souligne que la France combattante a toujours espéré et voulu que l'Afrique du Nord française rentre dans la guerre. Il appelle les militaires, fonctionnaires et colons français installés sur ces territoires à se joindre aux Alliés malgré les objurgations des "traîtres qui voudraient (les) persuader que nos alliés veulent prendre, pour eux, notre empire".

08 nov 1942
03m 01s

Traversée du désert : de Gaulle interdit d'antenne

En 1953, après n'avoir cessé de fustiger la IVe République, le général de Gaulle entame sa "traversée du désert". Il est alors interdit d'antenne par le pouvoir, et ni la radio, ni la télévision d'État ne peuvent lui accorder la parole.

Retour en 1958 : prise en main des médias étatiques

Lorsqu'il revient aux affaires, la Radiodiffusion télévision française (la RTF, composée de quelques radios et d'une seule chaîne de télévision) est toujours placée sous le contrôle du gouvernement. Le général de Gaulle va alors utiliser ces médias au profit de sa politique, considérant que la presse écrite est "contre lui" .

Les allocutions radiotélévisées : s'adresser directement aux Français

L'allocution vise à s'adresser au peuple sans passer par le filtre de la presse indépendante . Elle doit répondre à une actualité immédiate d'évènements nationaux ou internationaux. Le Général écrit : "En chaque occasion, je vise à montrer où nous en sommes collectivement devant le problème du moment, à indiquer comment nous pouvons et devons le résoudre, à exalter notre volonté et notre confiance d'y réussir. Cela dure vingt minutes environ" (Mémoires d'espoir).

Les allocutions télévisées répondent à une mécanique bien rodée, que de Gaulle apprend très vite à maîtriser, comme la gestuelle, le ton, le regard : "pour ce septuagénaire, assis seul, derrière une table sous d'implacables lumières, il s'agit qu'il paraisse assez animé et spontané pour saisir et retenir toute l'attention, sans se commettre en gestes excessifs et en mimiques déplacées" raconte-t-il dans ses Mémoires .

Parfois, l'intervention télévisée fait figure de balise historique, comme le 23 avril 1961 : de Gaulle, vêtu de son uniforme, s'exprime à la radio et à la télévision pour contenir la tentative d'insurrection organisée par "un quarteron de généraux en retraite" . Cette intervention permet de rétablir le calme à la fois dans la métropole, et auprès du contingent basé en Algérie.

C'est aussi le général de Gaulle qui inaugure la tradition des voeux télévisés pour la nouvelle année, toujours en usage aujourd'hui. À chaque fois, il y fait le bilan des douze mois écoulés et décrit les perspectives futures qui s'offrent au pays.

Au moment des élections, ces allocutions pèsent lourd dans la balance électorale. En 1965, l'ORTF (l'Office de radiodiffusion télévision française créé en 1964) est chargée de diffuser les professions de foi télévisées des candidats à l'élection présidentielle. Au premier tour, de Gaulle refuse d'user de l'intégralité de ses deux heures de temps de parole et enregistre deux allocutions qui ne convaincront guère les Français, et le conduiront au ballottage.

De Gaulle, maître des ondes

Discours du 14 juin 1960

Discours du 14 juin 1960

Le 14 juin 1960, le général de Gaulle vient à la télévision prononcer une allocution qui reste célèbre à plus d'un titre. L'allocution commence par "Il était une fois un vieux pays, tout bardé d'habitudes et de circonspection" : par ces mots, le Général appelle à l'expansion et à la rénovation économique et sociale. Le second point abordé est celui de la nécessaire décolonisation ; c'est la fameuse petite phrase faisant allusion au " temps des lampes à huile ". La troisième partie du discours, et la plus importante, concerne l'Algérie. De Gaulle y réaffirme le principe d'autodétermination, renforcé par l'expression " l'Algérie algérienne ", et lance aux " dirigeants de l'insurrection " un appel à déposer les armes.

14 juin 1960
22m 47s

La télévision au service du pouvoir

Discours du 23 avril 1961

Discours du 23 avril 1961

Le samedi 22 avril, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud, avec l'appui du 1er régiment de parachutistes, commettent un coup de force à Alger. Ce putsch fait suite à la conférence de presse du 11 avril 1961, où de Gaulle justifie sur un ton désinvolte la décolonisation de l'Algérie par ce qu'elle coûte à la France. Ceci est ressenti comme une provocation chez les tenants de l'Algérie française, qui tentent de refaire le 13 mai 1958. Par l'allocution du 23 avril, de Gaulle, en uniforme militaire, informe la Nation qu'il assume les pleins pouvoirs prévus par l'article 16 de la Constitution. Diffusé par les postes à transistors en Algérie, ce discours jalonné de formules frappantes encourage la désobéissance des soldats du contingent aux officiers putschistes et intimide les hésitants. Discours capital, l'allocution du 23 avril fait tourner court la rébellion.

23 avr 1961
06m 18s

Voeux aux Français

Voeux pour l'année 1963

Voeux pour l'année 1963

Charles de Gaulle présente aux Français ses voeux pour l'année 1963. S'il fait allusion aux épreuves de l'année qui vient de s'écouler, il se montre confiant pour 1963. Après avoir souhaité vie et prospérité à la jeune République algérienne, il met l'accent, pour la France, sur les thèmes de l'Europe et du progrès social et économique.

31 déc 1962
10m 10s

Profession de foi

Allocution du 30 novembre 1965

Allocution du 30 novembre 1965

Par cette allocution télévisée, le général de Gaulle intervient pour la seconde fois pour présenter aux Français sa candidature à sa propre succession à la présidence de la République. Il n'intervient que deux fois au cours de la campagne du premier tour, alors que ses concurrents ont tous largement utilisé les deux heures hebdomadaires d'antenne autorisées, depuis le début de la campagne électorale le 19 novembre.

30 nov 1965
14m 20s

Les entretiens politiques

Le général de Gaulle n'accorde, tout au long de sa présidence, que cinq entretiens radiotélévisés, tous réalisés avec le fidèle Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro littéraire . Les trois premiers entretiens sont enregistrés à l'occasion du ballottage qui l'oppose, au deuxième tour de l'élection présidentielle de 1965, à François Mitterrand. Dans ceux-ci, le Général y paraît allègre, malicieux et convaincant, ce qui contribue grandement à lui faire remporter l'élection. Ce ne sera pas le cas lors des deux derniers entretiens, en 1968 et 1969.

Entretien politique

Entretien avec Michel Droit, troisième Partie

Entretien avec Michel Droit, troisième Partie

Troisième entretien télévisé entre le général de Gaulle, candidat à la présidence de la République, et Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro littéraire, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Par le dipositif adopté et l'attitude du Général, cette série d'entretiens cherche à faire oublier l'image d'un personnage lointain, voire hautain, et d'un homme vieilli. Ce troisième entretien traite des institutions. Tout au long de l'entretien, le général de Gaulle critique sans relâche le régime des partis, qui ne manquerait pas de s'emparer du pouvoir si lui-même n'était pas réélu le 19 décembre. Il parle également de l'opposition entre droite et gauche, qui lui permet d'évoquer l'image de la ménagère qui veut "le progrès sans la pagaille". Il se défend ensuite face à certaines accusations qu'on lui lance, celle d'exercer un pouvoir personnel, celle de restreindre les libertés publiques, celle de jouer la politique du "Moi ou le chaos", et rappelle à cette occasion le rôle qu'il a joué dans l'histoire du pays. Il donne enfin sa vision de la fonction présidentielle, telle qu'il la conçoit et telle que ses successeurs devront la concevoir, pour conserver la stabilité des institutions de la France. Pour conclure, le Général s'adresse directement aux Français, et termine sur une note positive, rappellant qu'il a toujours "marché droit, quoi qu'il arrive".

15 déc 1965
24m 39s

Les conférences de presse

Les conférences de presse sont destinées, deux fois l'an, à exposer les positions de la France sur les grandes questions qui animent alors le monde. Il s'agit d'exercer ainsi "une pédagogie à double destination : à l'usage des Français, pour obtenir leur soutien, leur expliquer le plan des opérations avant la bataille ; à l'usage des étrangers ensuite, pour faire connaître, de la façon la plus autorisée qui soit, le point de vue de la France, annoncer ou préciser sa position" écrit le Général dans ses Mémoires .

Celui-ci s'informe des principales questions des journalistes, et en "distribue" quelques-unes pour s'assurer qu'elles seront posées. La France entière, grâce à la télévision, assiste à ces conférences. Elles sont diffusées en différé et non en direct, ce qui permet d'éliminer au montage certains "écarts" regrettés par la suite.

Conférence de presse du 9 septembre 1965

Conférence de presse du 9 septembre 1965

Trois mois avant l'élection présidentielle qui doit avoir lieu en décembre, le général de Gaulle a convoqué les journalistes à l'Elysée. Il aborde les questions du développement économique et social de la France, du Marché commun, de la position de la France dans le monde, et des institutions françaises.

09 sep 1965
01h 29m 11s

Les reportages télévisés

Montrer le Général au contact des Français

La couverture télévisée des déplacements du général de Gaulle est contrôlée par le gouvernement . Élaborés par les services de l'Élysée, par le ministère de l'Information et les équipes de télévision, ces reportages se scindent, pour la plupart, en deux temps. Le premier exhibe l'image du contact avec les foules : "Au total, il se produit autour de moi, d'un bout à l'autre du territoire, une éclatante démonstration du sentiment national qui (...) apparaît ensuite partout grâce à la télévision" explique le Général. Le second volet laisse la parole au chef de l'État et extrait quelques passages marquants des discours prononcés. Il peut s'agir de reportages sur les nombreux voyages en province, sur une inauguration ou une commémoration.

Voyage en province

Voyage dans le Vaucluse

Voyage dans le Vaucluse

Résumé de la deuxième journée du voyage du général de Gaulle dans le sud-est, hier 25 septembre 1963. Au cours de cette journée, après avoir passé la nuit à Cadarache, le Général s'est rendu à Orange, Carpentras, Pernes les Fontaines, L'Isle sur Sorgue, Apt, Cavaillon, et enfin Avignon. A Orange, de Gaulle évoque l'indépendance de la France. Il continue ensuite sa tournée dans le Vaucluse (interview d'un rapatrié et d'anciens combattants africains), jusqu'à Avignon où il évoque l'arme atomique, et à nouveau l'indépendance de la France.

25 sep 1963
10m 54s

Commémoration

Voyage à Reims, commémoration de la bataille de la Marne

Voyage à Reims, commémoration de la bataille de la Marne

Le 6 septembre 1964, le général de Gaulle effectue un voyage vers l'Est pour célébrer le cinquantième anniversaire de la bataille de la Marne. Après Meaux, Esternay, et Bar-sur-Aube, le Général s'adresse à la foule depuis le parvis de la cathédrale de Reims.

06 sep 1964
28m 51s

Inauguration

Allocution prononcée lors de l'inauguration de l'usine marémotrice de la Rance

Allocution prononcée lors de l'inauguration de l'usine marémotrice de la Rance

Le 26 novembre 1966, le général de Gaulle inaugure la nouvelle usine marémotrice de la Rance. Une visite officielle des installations est suivie des discours de Pierre Massé, président d'EDF, et du président de la République.

26 nov 1966
13m 38s

Les voyages à l'étranger

La couverture télévisée des voyages à l'étranger du général de Gaulle, que ce soit en Europe, en Amérique, en Afrique ou en Asie, répond à une autre dynamique. Il s'agit d'exposer l'image du président français au contact des peuples étrangers, qui accueillent dans l'enthousiasme le plus haut représentant d'une France qui affiche ainsi une diplomatie forte et indépendante. Il s'agit de créer, chez les Français, grâce à ces images, un sentiment national de cohésion et de puissance, capable de surmonter les traditionnels clivages politiques, et de servir de base à l'acceptation de la politique gaullienne.

Le triomphal voyage du Général en Amérique du Sud

Voyage en Amérique du Sud

Voyage en Amérique du Sud

Du 21 septembre au 16 octobre 1964, le général de Gaulle accomplit un voyage qui le conduit dans les dix Etats du continent sud-américain. Au cours du voyage il prononce des discours en français et en espagnol, dans lesquels il encourage le développement des liens d'amitié et de coopération entre la France et l'Amérique du Sud.

18 oct 1964
30m 46s

Conclusion

Le général de Gaulle passe rapidement maître dans l'art d'utiliser les médias audiovisuels de l'État pour y expliquer directement ses actions, instituant ainsi un rituel nouveau entre l'homme politique et les Français.