Parcours thématique

Le mot à l'œuvre

Introduction

Avec l'art conceptuel apparaît dans les années 1960 une nouvelle catégorie d'œuvres, qui place le langage au cœur du processus artistique – que les mots soient le médium principal de l'œuvre ou que le projet, écrit, de l'œuvre, en soit la forme définitive. Ce rapprochement du mot de l'œuvre, jusqu'à se fondre en elle, est avec l'art de la performance ou l'immersion de la vie dans l'art – l'art comme vie quotidienne ou la biographie comme art – une des formes de la dématérialisation de l'objet d'art. Longtemps exclues du discours sur l'art, les femmes artistes considèrent tôt le mot comme un enjeu : elles investissent le discours critique, retournent le mot en leur faveur, en font un nouveau matériau de l'œuvre, réinventent des modes de narration. La conscience de " qui fait l'œuvre ", de qui constitue sa présence, est véhiculée alors par de nouveaux moyens, engageant les langages du " je " autobiographique à l'œuvre, tant par la photographie légendée, la vidéo narrative, le livre d'artiste, que par la carte postale. S'écrivent alors des pages paysages, des mots comme des images, des discours incrustés dans le visible.

Chronologie

1971  : Annette Messager débute la série des " Pensionnaires " (1971-1972) où apparaissent les thèmes essentiels de son travail : la fiction autobiographique, la collection, la marionnette. Eleanor Antin conçoit le projet 100 Boots (1971-1973), pour lequel des bottes mises en scènes en divers lieux et photographiées sont transformées en héros de roman ; les images, éditées sous forme de cartes postales, sont envoyées à plus de mille personnes.

1978  : Utilisant les espaces d'affichage publicitaire légal, Tania Mouraud pose dans l'Est parisien 54 affiches représentant le mot " Ni ", critique radicale de la société de consommation. Après les Truisms (1977), Jenny Holzer commence les Inflammatory Essays, séries de posters au contenu politique qu'elle placarde dans la ville de New York.

1979  : Barbara Kruger commence à superposer des textes sur des photographies existantes, tirées pour la plupart de magazines ou de manuels, qu'elle re-photographie et agrandit au format d'affiches. Karen Knorr consacre son travail photographique à des séries, en noir et blanc puis en couleurs, comme un nouveau type de documentaire sociologique ou de narration critique.

1981  : Ouverture de la Galerie-Librairie des Femmes à Paris, lieu d'exposition et maison d'édition, consacrée aux femmes.

1984  : À l'occasion d'une bourse d'étude de trois mois au Japon, Sophie Calle vit une rupture sentimentale qui donnera lieu, presque vingt ans plus tard, à Douleur exquise, installation de grande ampleur présentée lors de son exposition " Sophie Calle. M'as-tu vue " au Centre Pompidou, en 2003-2004. Comme la plupart de ses travaux, cette œuvre repose sur les archives de ses expériences personnelles et intimes.

1989  : Le troisième et dernier numéro d' Eau de Cologne, édité par la galeriste Monika Sprüth, paraît à Cologne. Lancée en 1985, cette publication se présente comme un forum et une alternative au monde artistique très masculin des années 1980. Liée au programme de la galerie et conçue comme un livre d'artiste, elle présente aussi bien les artistes femmes que les théoriciennes importantes de la période (parmi lesquelles Louise Bourgeois, Jenny Holzer, Barbara Kruger, Cindy Sherman, Andrea Fraser, Rosemarie Trockel et Jutta Koether).

2000  : Un an après que le Pavillon allemand de la Biennale de Venise l'a invitée, le Musée national d'art moderne consacre une exposition aux dessins de Rosemarie Trockel - son domaine de prédilection - et acquiert à cette occasion un ensemble unique au monde des œuvres de l'artiste.

2008  : Dominique Gonzalez-Foerster est la neuvième artiste à investir le Turbine Hall de la Tate, à Londres, avec T.H. 2058, une gigantesque installation où films, sculptures, livres et lits de fortune évoquent un monde post-apocalyptique.

Grande galerie

Karen Knorr, <i>Sans titre</i> (de la série <i>Gentlemen</i>, 1981-1983) (Détail)

Karen Knorr, Sans titre (de la série Gentlemen, 1981-1983) (Détail)
[Oeuvre exposée]

26 épreuves gélatino-argentiques

50,8x40,6 cm.

1981
-

" Il faut rattraper le temps perdu. Nous avons beaucoup à rattraper ; il faut remonter le courant. Nous ne connaissons même pas nos écrivains féminins. Nous ne connaissons pas nos artistes. Nous commençons à peine à découvrir les femmes. Donc, il y a beaucoup à faire et j'espère que les hommes se montreront patients pendant ce temps. "

Anaïs Nin, A Woman Speaks / Ce que je voulais vous dire, Chicago, Swallow Press, 1975

Salle 18. Tacita Dean, Kodak ; Nan Goldin, Hearthbeat

Tacita Dean, <i>Kodak</i>, 2006 (Extrait)

Tacita Dean, Kodak, 2006 (Extrait)
[Oeuvre exposée]

Installation cinématographique : film 16 mm, noir et blanc et couleur, sonore, 44'

Édition 3/4

2006
18s
Nan Goldin, <i>Heartbeat</i>, 2000-2001 (Détail)

Nan Goldin, Heartbeat, 2000-2001 (Détail)
[Oeuvre exposée]

Projection de 245 diapositives couleurs par séquence de 4 plateaux avec accompagnement sonore sur la chanson "Prayer of the Hearts" de John Tavener, interprétée par Björk et le Brodsky Quartet

Durée 15'08''

2000
-
Nan Goldin

Nan Goldin
[Archive]

Exposition Honey on a razor blade de la photographe Nan Goldin à la galerie Yvon Lambert à Paris.

01 juil 2004
01m 12s

" Je veux une écriture féministe du corps qui remette en valeur les métaphores visuelles, parce que nous avons besoin de reconquérir ce sens pour trouver notre chemin au milieu de toutes les ruses et de tous les pouvoirs de représentation visuelle des sciences et des technologies modernes qui ont métamorphosé les débats sur l'objectivité. "

Donna Haraway, "Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective," Feminist Studies 14, 1988 / Manifeste cyborg et autres essais, Exils Éditeur

Salle 19.

Annette Messager, <i>L'ombre portée sur le mur</i>, (Détail) 1971-1972

Annette Messager, L'ombre portée sur le mur, (Détail) 1971-1972
[Oeuvre exposée]

Un élément de l'ensemble Les Pensionnaires, 1971-1972

Oiseau emmailloté transpercé par une pique terminée par une plume, fiché au mur

Dimensions variables

1971
-
Marina Abramovic, <i>Boat Emptying, Stream Entering [...]</i>, 1989

Marina Abramovic, Boat Emptying, Stream Entering [...], 1989
[Oeuvre exposée]

Installation en 3 objets : 1) "assis" : 250 x 52,5 x 35 cm 2) "debout" : 250 x 52,5 x 46 cm 3) "couché" : 52,5 x 250 cm

Cuivre platiné, quartz, obsidienne

1989
-
Marina Abramovic

Marina Abramovic
[Portrait]

Portrait de l'artiste réalisé à l'occasion de l'accrochage "elles@centrepompidou".

2010
01m 25s
Annette Messager

Annette Messager
[Portrait]

Portrait de l'artiste réalisé à l'occasion de l'accrochage "elles@centrepompidou".

2010
01m 30s

" La femme jouit plus du toucher que du regard, et son entrée dans une économie scopique dominante signifie, encore, une assignation pour elle à la passivité : elle sera le bel objet à regarder. "

Luce Irigaray, Ce sexe qui n'en est pas un, Paris, Minuit, 1977

Salle 20. Autobiographies

Un art narratif, souvent autobiographique, en partie hérité de la performance et des arts de la scène, permet à l'artiste de se mettre en jeu, littéralement : son corps et/ou sa vie, sa vie rêvée et/ou son corps rêvé, sont intimement impliqués dans des œuvres étayées par des récits biographiques ou fictionnels. Ainsi, la charge émotive des performances de Gina Pane se nourrit de son homosexualité et de la relation avec sa mère, mais elle ne s'y réduit pas : la personne qui est en jeu dans son Action : Autoportrait(s) est moins l'artiste qu'un corps souffrant et ritualisé, qui pourrait être le nôtre. Comme s'il s'agissait de déjouer l'image, l'autobiographie à l'œuvre permet de présenter le point de vue par excellence, à la fois compréhensible par tous et tout aussi aisément démontable : l'artiste, le sujet, est déjà là, le principe de production est évident – relevés chronologiques d'un journal intime, histoires d'amour, auto-identifications, exils de soi ou dédicaces à soi-même –, les langages, les narrations, les ravissements du "je" peuvent se révéler infiniment modulables.

Gina Pane, <i>Action Autoportrait(s) : mise en condition / contraction / rejet</i>, 11 janvier 1973

Gina Pane, Action Autoportrait(s) : mise en condition / contraction / rejet, 11 janvier 1973
[Oeuvre exposée]

Constat photographique de l'action réalisée à la galerie Stadler, Paris

3 panneaux de 12 épreuves couleur collées sur bois

100x300 cm (dimensions totales) ; 100x100 cm (chaque panneau)

Photographie : Françoise Masson

11 jan 1973
-
Gina Pane

Gina Pane
[Archive]

Rétrospective de l'oeuvre de Gina Pane, artiste peintre de renommée internationale, décédée en mars 1990. Gina Pane a enseigné le dessin à l'école des Beaux-Arts du Mans. Sa technique originale - elle se mutilait les membres et utilisait sa propre souffrance - a rendu ses oeuvres d'une approche parfois difficile.

22 fév 1991
02m 57s
Sophie Calle, <i>Douleur exquise</i>, 1984-2003 (Détail)

Sophie Calle, Douleur exquise, 1984-2003 (Détail)
[Oeuvre exposée]

9 polyptyques composés d'un texte brodé sur panneau de lin gris, d'une photographie couleur, d'un texte brodé sur panneau de lin blanc et d'une photographie noir et blanc ou couleur

135x62 cm (texte brodé avec cadre) ; 50x62 cm (photographie avec cadre)

(Ici, détail de 3 polyptyques)

1984
-
Sophie Calle à la Biennale de Venise

Sophie Calle à la Biennale de Venise
[Archive]

A la Biennale d'art contemporain de Venise, c'est l'artiste Sophie Calle qui a été choisie pour représenter la France. Elle présente Prenez soin de vous : 107 femmes réinterprètent une lettre de rupture, que l'artiste a reçue de l'homme qu'elle aimait.

13 juin 2007
02m 19s
Gina Pane

Gina Pane
[Portrait]

Portrait de l'artiste réalisé à l'occasion de l'accrochage "elles@centrepompidou".

2009
01m 30s

" Et l'identité c'est drôle être toi-même c'est drôle car tu n'es jamais toi-même pour toi-même sauf quand tu te rappelles toi-même et alors bien sûr tu ne te crois pas toi-même. C'est vraiment ça le problème de l'autobiographie tu ne te crois pas bien sûr tu ne te crois pas vraiment toi-même pourquoi te croirais-tu, tu sais bien oui tu sais très bien que ce n'est pas toi, ce ne peut être toi parce que tu ne peux pas te rappeler au juste et si tu te rappelles au juste ça ne sonne pas juste et bien sûr ça ne sonne pas juste parce que ce n'est pas juste. Tu n'es bien sûr jamais toi-même."

Gertrude Stein, Everybody's Autobiography, New York, Random House, 1937

Salle 21. Correspondances

Virginia Woolf, qui appelait de ses vœux une réinvention de la langue par les femmes, a ouvert la voie d'une recherche de nouveaux territoires d'écriture, de formes nouvelles de jouissance du texte. Désormais, le mot est à l'œuvre par de multiples moyens : à la photographie légendée, la vidéo, l'affiche, l'installation, le livre d'artiste, s'ajoute la correspondance, la lettre, lieu par excellence de la relation, ici revisitée par des stratégies inédites. Interactif, introduisant un rapport au corps, à la lecture et à cet "autre" qui est au centre de la préoccupation des artistes présentées, le principe de correspondance permet d'envisager différents liens possibles du texte à l'image, divers types de narration et de formes d'écriture induits par le découpage du temps de l'échange entre l'expéditeur et le destinataire. La correspondance est d'abord une adresse, la figure même d'un désir d'altérité, d'un questionnement de l'identité.

Eleanor Antin, <i>100 Boots <i>on the Way to Church</i></i>... (Détail)

Eleanor Antin, 100 Boots on the Way to Church... (Détail)
[Oeuvre exposée]

Titre complet : 100 Boots on the Way to Church, Solana Beach, California. February 9, 1971 11:00 a.m., 1971

(de la série 100 Boots, 1971-1973)

Ensemble de 51 cartes postales noir et blanc

Impression photomécanique sur papier carte

11,5x17,8 cm (chaque)

1971
-

Salle 21 bis. Eija-Liisa Ahtila, Tuuli

Eija-Liisa Ahtila, <i>Tuuli / The Wind</i>, 2001-2002

Eija-Liisa Ahtila, Tuuli / The Wind, 2001-2002
[Oeuvre exposée]

Installation audiovisuelle

3 vidéoprojecteurs, 1 synchroniseur, 1 amplificateur, 5 H. P.,3 bandes vidéo, PAL, 16/9, couleur, son dolby (Finl. sous-titré angl.), 14'20''

2001
-

" Comme j'écrivais, il fallait éviter de parler des livres. Les hommes ne le supportent pas : une femme qui écrit. C'est cruel pour l'homme. C'est difficile pour tous."

Marguerite Duras, Écrire, Paris, Gallimard, 1993

Salle 28. Cristina Iglesias, Untitled (Passage II)

Cristina Iglesias, <i>Sans titre (Passage II)</i>, 2002

Cristina Iglesias, Sans titre (Passage II), 2002
[Oeuvre exposée]

Installation : 17 nattes en raphia tressé suspendues à l'horizontale par des cordes en sisal, projecteurs de lumière

1x298x126 cm (chaque natte)

2002
-

" On ne peut donc prétendre que dans cette société française si imprégnée d'influences féminines, l'Académie ait été particulièrement misogyne ; elle s'est simplement conformée aux usages qui volontiers plaçaient la femme sur un piédestal, mais ne permettaient pas encore de lui avancer officiellement un fauteuil. Je n'ai donc pas lieu de m'enorgueillir de l'honneur si grand certes, mais quasi fortuit et de ma part quasi involontaire qui m'est fait ; je n'en ai d'ailleurs que plus de raisons de remercier ceux qui m'ont tendu la main pour franchir un seuil. "

Marguerite Yourcenar, Discours de Réception à l'Académie Française, 22 janvier 1981

Salle 29. Rosemarie Trockel

Cristina Iglesias, <i>Sans titre (Passage II)</i>, 2002

Cristina Iglesias, Sans titre (Passage II), 2002
[Oeuvre exposée]

Installation : 17 nattes en raphia tressé suspendues à l'horizontale par des cordes en sisal, projecteurs de lumière

1x298x126 cm (chaque natte)

2002
-

Salle 31. Dominique Gonzales-Foerster, Shortstories

Dominique Gonzalez-Foerster, <i>Shortstories</i>, 2000-2008 (Détail)

Dominique Gonzalez-Foerster, Shortstories, 2000-2008 (Détail)
[Oeuvre exposée]

Installation composée de :

Gloria, 2008,

Marquise, 2007,

Parc Central, Taipei, 2000-2008

Installation audiovisuelle, Édition 1/3 + 1 EA

3 vidéoprojecteurs, 3 amplificateurs, 8 H. P., 2 bandes vidéo HD, 16/9e, 1 bande vidéo numérique 16/9, PAL, couleur, son stéréo et 5.1, 5', 5', 9'

2000
-
Dominique Gonzalez-Foerster

Dominique Gonzalez-Foerster
[Archive]

Dominique Gonzalez-Foerster, lauréate du Prix Marcel Duchamp en 2002, est l'invitée des Matins de France Culture, et présente son installation Exotourisme au Centre Pompidou.

28 oct 2002
18m 15s

Liste des artistes exposées

  • Aballéa Martine
  • Abramovic Marina
  • Ahtila Eija-Liisa
  • Antin Eleanor
  • Benglis Lynda
  • Benning Sadie
  • Calle Sophie
  • Dean Tacita
  • Geiger Anna Bella
  • Gonzales Forsters Domnique
  • Grau (groupe)
  • Holzer Jenny
  • Iglesias Cristina
  • Knorr Karen
  • Kruger Barbara
  • Kubelka Bondy Friedl
  • Lesueur Natacha
  • Lublin Léa
  • Messager Annette
  • Melikian Nathalie
  • Mouraud Tania
  • Pane Gina
  • Smith Alexis
  • Trockel Rosemarie
  • Thurnauer Agnès
  • Vergier Françoise
  • Yalter Nil