Dans la solitude des champs de coton

14 février 1987
02m 01s
Réf. 00002

Notice

Résumé :

En 1987, Patrice Chéreau retrouve pour la troisième fois, au Théâtre Nanterre-Amandiers, l'écriture de Bernard-Marie Koltès. Dans la solitude des champs de coton représente un « deal » entre deux personnages, « le Client » et « le Dealer », sans que jamais ne soit nommé l'objet de l'échange. Extrait du spectacle interprété par Laurent Malet et Isaach de Bankolé.

Date de diffusion :
14 février 1987
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Ecrite en 1985, Dans la solitude des champs de coton est la troisième pièce de Bernard-Marie Koltès mise en scène par Patrice Chéreau (après Combat de nègre et de chiens et Quai ouest). Créé en 1987, le spectacle reprend la scénographie de Quai ouest (voir ce document), conçue l'année précédente par Richard Peduzzi. Elle comprend deux personnages, « le Client » et « le Dealer », respectivement interprétés par Laurent Malet et Isaach de Bankolé. La mise en scène fut reprise l'année suivante (notamment au Festival d'Avignon, avec Patrice Chéreau dans le rôle du « Dealer ») et en 1995 (notamment à la Manufacture des Œillets à Ivry-sur-Seine dans le cadre du Festival d'Automne, avec Patrice Chéreau et Pascal Greggory dans le rôle du « Client », voir ce document). Pour l'écriture de cette pièce, Bernard-Marie Koltès a pris ses distances avec les problèmes techniques de la scène et a confié à Patrice Chéreau le texte achevé. Celui-ci représente un « deal » entre les deux personnages susnommés.

L'extrait présenté est issu d'un reportage diffusé au cours de l'émission « Magazine artistique » du 14 février 1987. Une grande partie du dialogue s'apparente à une succession de soliloques où la parole fonde et invente le jeu de rôles qui semble se mettre en place. La « conversation à double sens » qui occupe toute la situation dramatique s'élabore autour d'un objet qui n'est jamais nommé, si tant est qu'il existe bien un « objet » du deal. La diplomatie de l'échange recouvre difficilement la stratégie déployée par chacun. Les masques tendent cependant à tomber, et il apparaît bientôt que le premier n'a peut-être rien à demander et le second rien à proposer. Là où semblent s'exprimer alternativement les désirs de l'un puis de l'autre se noue un conflit qui ne saurait être résolu autrement que par la violence. Auparavant, les personnages se seront livrés à un véritable combat langagier à partir d'amples phrases dont l'habile rhétorique souligne la tension dramatique.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentatrice
Alors, si vous voulez, on va retrouver un extrait justement de La solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, qui s’est terminé hier, qui reprend…
Bernard-Marie Koltès
Au mois de mars, du 5 au 18.
Présentatrice
Au mois de mars, dans lequel justement les comédiens s’impliquent complètement parce que c’est vraiment un rôle très difficile, Isaac de Bankolé, Laurent Malet.
Comédien 1
Prêt à me satisfaire de tout, dans l’étrangeté de notre approche. De loin, j’aurais cru que vous vous approchiez de moi. De loin, j’aurais eu l’impression que vous me regardiez. Alors, je me serais approché de vous. Je vous aurais regardé. J’aurais été près de vous, attendant de vous trop de choses, trop de choses, non pas que vous deviniez car je ne sais pas moi-même, je ne sais pas moi-même deviner. Mais, j’attendais de vous, et le goût de désirer, et l’idée d’un désir, l’objet, le prix et la satisfaction.
(Silence)
Comédien 2
Il n’y a pas de honte à oublier le soir, ce dont on se souviendra le matin. Le soir est le moment de l’oubli, de la confusion, du désir tant chauffé qu’il devient vapeur. Cependant, le matin le ramasse comme un gros nuage au-dessus du lit. Il serait sot de ne pas prévoir, le soir, la pluie du matin.
(Silence)
Comédien 2
Si donc, par hypothèse, vous me disiez que vous êtes pour l’instant dépourvu de désir à exprimer, par fatigue ou par oubli ou par excès de désir qui mène à l’oubli, par hypothèse de retour ; je vous dirais de ne pas vous fatiguer davantage et d’emprunter celui de quelqu’un d’autre. Un désir se vole mais ne s’invente pas.
Comédien 1
Ah !