La Servante d'Olivier Py au Festival d'Avignon

26 juillet 1995
02m 15s
Réf. 00016

Notice

Résumé :

En 1995, le Festival d'Avignon accueille La Servante, un spectacle d'une durée de vingt-quatre heures, écrit et mis en scène par Olivier Py. Extraits du spectacle, interviews de spectateurs, de comédiens et de l'auteur-metteur en scène.

Date de diffusion :
26 juillet 1995
Source :
A2 (Collection: JA2 DERNIERE )

Éclairage

Le reportage, diffusé lors du Journal télévisé du 26 juillet 1995, fait le bilan du 49e Festival d'Avignon qui touche à sa fin. Celui a notamment révélé un jeune « homme de théâtre ». Né en 1965, Olivier Py est acteur, auteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra, réalisateur et traducteur. Il a reçu une formation de comédien et poursuivi des études de philosophie et de théologie. Il écrit pour le théâtre depuis 1991. Il est l'auteur de vingt pièces qu'il a, pour la plupart, mises en scène.

En 1995, le Festival d'Avignon accueille pour la première fois une de ses créations (les éditions suivantes le verront régulièrement programmé). Sous-titré Histoire sans fin, La Servante est un spectacle fleuve joué par vingt-huit acteurs sans interruption pendant sept jours et sept nuits au Gymnase Aubanel. Le spectacle en intégralité dure vingt-quatre heures et comprend dix-huit heures de représentation. Il est composé de cinq pièces et cinq dramaticules.

Le titre de la pièce, « La Servante », vient du nom donné traditionnellement à l'ampoule sur pied qui reste allumée sur scène jour et nuit même lors de la fermeture du théâtre.

Au début de la pièce, Marthe reçoit la visite d'un ange. Elle demande à quatre amis de porter la parole de ce mystère : elle enjoint Uzza à « faire parler la beauté » et Pierre à « rejoindre la guerre » ; elle donne à Nour « le droit de tuer » et offre à Oreste le théâtre pour le jour où il « mettr[a] [s]on deuil en scène ». Chaque périple donne lieu à une pièce différente : « L'Architecte et la forêt », « Le Pain de Roméo », « La Panoplie du squelette », « Le Jeu du veuf ». A la fin de chaque partie s'allume en lettres lumineuse la phrase : « Ca ne finira jamais », soit les mots prononcés par Marthe au commencement et à la fin de la pièce.

Pendant toute la durée des représentations, les spectateurs rejoignent le spectacle à des heures variées et pour une durée indéterminée. Tout concourt à l'oubli du temps de l'horloge.

La théâtralité est omniprésente dans l'écriture et la mise en scène qui mêlent poésie et cabaret, tragédie et comédie. Le spectacle reprend des motifs issus des œuvres de Shakespeare, Molière, Claudel, Genet ou encore des tragédies antiques. Tout au long de la pièce est rappelée la puissance du Verbe et du théâtre. Veille artistique et politique, La Servante met au centre de sa dramaturgie le désir et l'espoir.

Le 13 juillet 1995, Srebrenica est occupée par l'armée serbe. Dès le lendemain, une croix noire est tracée sur le décor de La Servante en signe de deuil. Pendant le Festival, Olivier Py signe la « déclaration d'Avignon », et rejoint d'autres artistes tels François Tanguy, Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Patrice Chéreau ou Robert Wilson. Suite à l'annonce des massacres perpétrés en Bosnie, il participe en août 1995 à la grève de la faim organisée à la Cartoucherie et entamée notamment par des artistes, en protestation contre la non-intervention des gouvernements européens.

En 1998, Olivier Py écrit Requiem pour Srebrenica dont il signera la création l'année suivante au Festival d'Avignon.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentateur
Les organisateurs du 49ème festival d’Avignon sont satisfaits à 3 jours de la clôture : 110 000 billets vendus, 12 000 000 de francs de recettes. L’un des moments vibrants cette année à Avignon, a certainement été pour le public la découverte, pas seulement d’un auteur, pas seulement d’un metteur en scène, mais la découverte d’un homme de théâtre trentenaire, Olivier Py. Avec La Servante, il a osé faire du théâtre permanent, en écrivant et en dirigeant 18 heures de vie sur les planches, non-stop. Moment en Avignon, Thierry Hay, Michel Levasseur.
Journaliste
Le régisseur est au piano, les spectateurs prennent le petit déjeuner ou se reposent. 8h du matin, le spectacle a déjà commencé. Discret, dans l’indifférence générale, le soleil s’est levé, sans déranger les acteurs.
Intrevenant
Je fais du 8h-19h non-stop, avec des pauses de une heure, une heure et demie.
Journaliste
Pari fou : du théâtre non-stop 24h sur 24, 11 spectacles mis en boucle.
Comédienne
L’histoire du capitaine fou, à la poursuite d’une île flottante.
Comédien
C’est manger, jouer, dormir, manger, jouer, dormir.
Journaliste
Les acteurs prennent des quarts, comme des marins et les spectateurs essaient de garder le cap.
Inconnu
Ben moi, je n’étais pas parti pour rester si longtemps, je crois qu’on est emporté dans un souffle, dans un flot de quelque chose et puis je n’ai pas pu décrocher.
Comédien
Son but, c’était l’horizon, ragots. Pourquoi ? Efficace. Adieu pépère, les copains du club …
Journaliste
Un regard totalement libre sur la société actuelle et les évangiles. Trois parrains, Claudel, Shakespeare, Pasolini. Capitaine de cette nef des fous, salué par tous les critiques, Olivier Py, 29 ans, 18 heures d’écritures et 18 heures de mise en scène pour dire qu’une émotion dépassera toujours le temps.
Olivier Py
Je crois qu’on peut avoir la sensation, en tenant la main de celui qu’on aime dans sa main, de se dire, moi je vais mourir, lui aussi. Mais cette sensation-là, elle, elle ne finira jamais.
Comédien
Ecoutez les enfants, c’est tout ce qui nous reste [inaudible]. Sauvez les enfants.
Journaliste
Une performance qui n’a pas pour but d’être dans le livre des records, mais d’être fidèle à ses envies. Avignon a découvert un homme de théâtre terrorisé par tout ce qui pourrait ressembler à un point final. Le spectacle du Py des fous : une petite lampe, impertinente et rassurante dans la nuit d’Avignon.