Thierry Hancisse interprète Le Prince de Hombourg

30 mai 1994
05m 48s
Réf. 00055

Notice

Résumé :

En 1994, Alexander Lang met en scène Le Prince de Hombourg et dirige, au Théâtre Mogador, les acteurs de la Comédie-Française. Dans son émission « Le Cercle de minuit », Michel Field reçoit Thierry Hancisse, interprète du personnage éponyme. Le comédien évoque la lecture de la pièce par le metteur en scène et la complexité du rôle qu'il incarne. Extraits du spectacle.

Date de diffusion :
30 mai 1994
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

En 1994, le metteur en scène allemand Alexander Lang dirige pour la première fois les acteurs de la Comédie-Française. La salle Richelieu étant fermée pour travaux, c'est au Théâtre Mogador qu'est représentée cette nouvelle interprétation du Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist (le spectacle sera repris, la saison suivante, dans les murs de la Comédie-Française). La pièce a été adaptée par Bernard Chatellier. Michel Frantz a composé la musique du spectacle. La scénographie, conçue par Marcel Keller (également créateur des costumes), souligne l'onirisme de la pièce qui s'ouvre sur une crise de somnambulisme vécue par le personnage éponyme.

Dans l'émission « Le cercle de minuit » (France 2) diffusée le 30 mai 1994, Michel Field reçoit Thierry Hancisse. Le comédien, membre de la troupe de la Comédie-Française depuis 1986, a été nommé sociétaire en 1993. Il interprète le rôle du Prince de Hombourg, celui-là même que Gérard Philipe joua en 1951 sous la direction de Jean Vilar. Le présentateur revient sur l'association, faite par le metteur en scène, réunissant Le Cid de Corneille (mis en scène par Alexander Lang au Deutsches Theater de Berlin en 1993) et la pièce de Kleist : les deux œuvres font valoir la commune nécessité de défendre l'épanouissement personnel aux côtés de la raison d'État, l'intrigue se nouant dans chaque cas à la faveur d'une situation triviale. Le comédien évoque également la complexité du rôle qu'il incarne et la dramaturgie non-linéaire d'une figure qui augure l'écriture originale du personnage dans les drames modernes à venir.

Les extraits présentés correspondent aux scènes 2 et 10 de l'acte II de la pièce, au milieu desquelles a lieu une scène de bataille interprétée sur un mode proche du burlesque. La scène 2 suit l'arrivée distraite du Prince de Hombourg sur le champ de bataille aux côtés du colonel Kottwitz (joué par Igor Tyczka). La séquence chantée par les soldats et la présence d'une fanfare composée de six musiciens lors de l'assaut témoignent de l'importance de l'environnement musical dans la mise en scène. Dans la scène 10, le Prince de Hombourg se retrouve, stupéfait, mis aux arrêts sur ordre de l'Électeur : le Prince a certes remporté la victoire sur les Suédois mais n'a pas respecté les ordres de son commandement.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Michel Field
Thierry Hancisse, vous jouez à Mogador cette pièce mise en scène par un dramaturge allemand qui s’appelle Alexander Lang et qui travaille de façon assez systématique ; puisque pour lui, ce spectacle est en quelque sorte le deuxième volet d’un diptyque, puisqu’il a monté Le Cid l’année dernière à Berlin.
Thierry Hancisse
Oui.
Michel Field
Et il y a quelque chose d’extrêmement pensé et élaboré dans sa mise en scène et dans les textes qui entourent son travail.
Thierry Hancisse
Dans les textes qui entourent son travail, oui. Je ne peux pas vraiment en parler, tout ce que je peux dire par rapport au Cid , c’est qu’il y a deux choses qui l’intéressaient fondamentalement. C’est cette espèce de mélange nécessaire à l’heure actuelle, plus encore qu’à n’importe quelle époque, je crois, entre ce que peut être la raison d’Etat, et ce que peut être le sentiment de l’épanouissement individuel. Et ce rapprochement nécessaire entre la raison d’Etat et l’épanouissement individuel, la liberté individuelle, c’est la préoccupation fondamentale du Cid , c’est la préoccupation fondamentale aussi du Prince de Hombourg . Et tout ça ne part qu’à cause d’un fait complètement bête et à la limite du vulgaire, c’est-à-dire une gifle pour Le Cid et une crise de somnambulisme pour Le Prince de Hombourg . Et voilà, donc c’est ça qui a conduit ce rapprochement entre les deux pièces dans son optique. Pour nous, on n’a pas vraiment senti ce mélange du Cid et du Prince de Hombourg .
Michel Field
Le Prince de Hombourg , c’est quand même un des rôles les plus énigmatiques du répertoire, un des plus ouverts, un des plus complexes.
Thierry Hancisse
C’est un rôle très compliqué...
Michel Field
Un rôle plus obscur quelque fois.
Thierry Hancisse
C’est-à-dire qu’il est, je me pose encore la question de savoir si c’est réellement un personnage, ce n’est pas, je n’envisage pas le rôle du prince comme un personnage qu’on peut construire du début jusqu’à la fin du spectacle. C’est un rôle qui est fait de scènes qui sont systématiquement en contrepoint les unes par rapport aux autres, qui sont presque paradoxales ; qui sont finalement une espèce de fresque panoramique de ce que peut être un être humain dans ses aspirations, dans ses violences, dans ses lâchetés. Et j’aimais beaucoup entendre Madame Gordimer tout à l’heure parler, parce que Alexander Lang a énormément fonctionné avec les accidents quotidiens dans sa mise en scène. Et effectivement, je veux dire, toute cette recherche de gloire et cette recherche de, cet assagissement finalement, cette maturité que le prince découvre, héros malgré lui, elle ne vient qu’à cause d’une chose banale, quotidienne. Et la mise en scène reflète ça énormément, c’est-à-dire que le metteur en scène s’est servi aussi bien des accidents de répétition. Systématiquement, un accident de répétition était gardé, était mis en scène, était intégré au spectacle. Et la pièce est complexe effectivement, mais il l’a gérée comme un rêve, en fait, du début à la fin de la pièce. Et je crois qu’elle est principalement compréhensible dans cette optique-là, dans l’optique du rêve, dans l’optique de l’enfance, dans l’optique de la poésie, et voilà, sans proposer de solution, sans vouloir… Ce n’est même pas une idée qu’il impose, il propose des images, et voilà, les acteurs essaient d'y donner corps.
Michel Field
On voit tout de suite un extrait de la pièce.
(Bruit)
Comédien 1
Salut mon jeune et noble prince ! Regarde, pendant que tu étais au village, j’ai disposé les cavaliers dans ce pli de terrain, je crois que tu seras content de moi !
Thierry Hancisse
Tu sais bien que j’approuve tout ce que tu fais, oh !
(Silence)
(Musique)
(Bruit)
Comédien 2
Prince, un conseil, donne ton épée et retire-toi !
Thierry Hancisse
Moi, prisonnier.
Comédien 2
C’est ainsi, vous avez entendu.
Thierry Hancisse
Et on peut en connaître la raison ?
Comédien 2
Pas maintenant, tu t'es jeté trop tôt dans la bataille, nous te l'avons dit tout de suite.
Thierry Hancisse
Aidez-moi mes amis, aidez-moi, je suis…
Comédien 2
Silence, silence !
Thierry Hancisse
Et Brandebourg, aurait-il été vaincu ?
Comédien 2
Qu’importe, il faut obéir au règlement.
Thierry Hancisse
Bon, bon, bon !
Comédien 2
Cela ne te coûtera pas la tête, tu seras peut être libéré dès demain.
(Silence)
Thierry Hancisse
Mon cousin Frédéric veut jouer les Brutus.