Patrice Chéreau met en scène Peer Gynt d'Ibsen

02 octobre 1981
04m 18s
Réf. 00062

Notice

Résumé :

En 1981 est reprise, au Théâtre de la Ville, la mise en scène par Patrice Chéreau de Peer Gynt d'Henrik Ibsen. La pièce relate le parcours initiatique du jeune Peer Gynt qui cherche, à travers le monde, sa véritable identité. Extraits du spectacle et interviews de Patrice Chéreau et de Maria Casarès, comédienne.

Date de diffusion :
02 octobre 1981
Source :
TF1 (Collection: IT1 13H )
Fiche CNT :

Éclairage

Paru en 1867, Peer Gynt est un drame poétique et philosophique en cinq actes écrit par le dramaturge norvégien Henrik Ibsen. Il fut représenté pour la première fois à Christiania en 1876 sur une musique d'Edvard Grieg. Ses très nombreux personnages s'inspirent des traditions populaires et contes norvégiens. Il relate le voyage de Peer Gynt, un jeune homme lâche, menteur et prétentieux, qui partit en quête de sa véritable identité. D'une longueur exceptionnelle, le drame suit son parcours qui le mène notamment au royaume des Trolls puis en Afrique.

En 1981, Patrice Chéreau met en scène la pièce, traduite par François Regnault, au Théâtre National Populaire de Villeurbanne. La scénographie est conçue par Richard Peduzzi, la musique par Fiorenzo Carpi et les costumes par Jacques Schmidt. La représentation dure sept heures. Elle est interprétée par vingt-trois comédiens. Gérard Desarthe, qui travaille régulièrement avec Patrice Chéreau depuis une dizaine d'années, joue le rôle de Peer Gynt. Maria Casarès joue le rôle de Ase, la mère du héros.

Diffusé lors du journal de 13h (TF1) du 2 octobre 1981 à l'occasion de la reprise du spectacle au Théâtre de la Ville, le reportage présente des extraits de la pièce et interroge Patrice Chéreau et Maria Casarès. Le metteur en scène évoque sa première confrontation avec le théâtre depuis son expérience de la mise en scène d'opéra à Bayreuth. Soulignant la dimension épique du drame d'Ibsen, il met en avant la grande théâtralité du spectacle qui représentait un véritable risque pour l'équipe artistique. Maria Casarès témoigne elle aussi de la mise en danger que constitue pareil rôle et de l'engagement qu'il requiert de la part du comédien.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentateur
Et puis un autre combat, celui de Patrice Chéreau, après avoir mené le combat de Beyrouth, le voici de nouveau sur la scène au théâtre avec la mise en scène en deux fois trois heures et demie de l’œuvre d'Ibsen dans une traduction française de François Regnault. Il s’agit de Peer Gynt qui est joué au théâtre de la ville. Un Chéreau de retour de Beyrouth, tout nouveau à Paris.
Comédien
Les chapeaux se lèvent, on le boit des yeux, les femmes s’inclinent, mais tous ont reconnu Peer Gynt empereur flanqué de mille pages. Il pleut de l’argent et des monnaies d’or, tels des cailloux, il les répand sur les cantons. Et les voilà riches, un million.
Journaliste
Peer Gynt est incontestablement un monument de l’histoire de la littérature, un texte de la profondeur de Dante ou de Sophocle. C’est la quête de l’homme, la recherche du soi. Et cette quête de Peer Gynt comme toute quête sera initiatique. Elle s’adresse à tous les publics.
Comédien
[inaudible] si tu vois de quoi j’étais capable.
Patrice Chéreau
Ce n'est pas un spectacle philosophique, c’est un spectacle de théâtre. C'est-à-dire, c’est à la fois une chose et une chose qui tient de l’épopée si vous voulez, et en même temps, bon du conte métaphysique, et en même temps bon sur sept heures de spectacle. C’est une profusion d’une invention théâtrale permanente, qui parle de ça avec tous les moyens du théâtre finalement, c’est ça qui me semble important.
Journaliste
Alors, après Wagner, après Beyrouth, Ibsen était de taille à vous redonner goût au théâtre.
Patrice Chéreau
Oui, disons que j’ai cherché pour reprendre à faire du théâtre. J’ai cherché un spectacle qui puisse m’en donner les moyens en grand si vous voulez, c'est-à-dire d’une façon qui ne soit pas restrictive, et donc de porter et de mettre la barre très haute et de courir un risque très grand que je cours, que nous courons tous, que j’ai horreur de ça que les comédiens courent avec moi. C'est vrai que c’est un spectacle de taille effectivement.
Journaliste
La performance de Desarthe, elle est à tous les niveaux : physique, mental et affective ?
Patrice Chéreau
Ecoutez, la performance de Desarthe, je ne sais pas comment il y arrive. Je sais qu’il y arrive merveilleusement et magnifiquement, je sais que c’est la prolongation normale du travail que j’ai effectué avec lui depuis de nombreuses années. Je suis à la fois muet d'admiration et en même temps, je sais que c’est lui qui tient le spectacle à bout de bras et donc c’est ça l’important.
Journaliste
Face à Desarthe, jeune monstre, un monstre sacré Maria Casarès, comblée par son rôle et par le travail de Patrice Chéreau.
Maria Casares
[inaudible] de chez nous tous les jours à manger et à boire, de quoi m’avoir un goût de sang. Nous avons tendance surtout dans une pièce aussi forte où parfois à certains moments, on passe par des... lieux très étroits, des tunnels comme ça, intérieurs je veux dire. On a tendance, les uns et les autres à vouloir égayer, à vouloir partir, à vouloir alléger le fardeau, et il est là toujours à vous remettre face à face avec le fardeau, mais sans pousser, sans demander, sans exiger.
Journaliste
Sans brusquerie.
Maria Casares
Sans brusquerie, sauf parfois quand il était nerveux. Mais bon, ça arrive à tout le monde.
Journaliste
Mais vous, Maria Casarès, est-ce que dans cette merveilleuse carrière exigeante qu’est la vôtre, car vous avez toujours choisi la qualité ?
Maria Casares
Oui, un peu, c'est pas moi qui l’ai choisie. Je crois que je suis obligée. C’est une nécessité…
Journaliste
Vous êtes vouée à la qualité ?
Maria Casares
Oui, c’est ça, c’est presque un destin et pas toujours heureux. Parce que de temps en temps, j’aurais envie quand même de me détendre un peu quelque part. Mais je ne peux pas faire autrement.
Journaliste
Parce qu’on vous demande.
Maria Casares
Non, parce que je ne peux pas faire les autres choses. Mais ce n'est pas un choix de tête, c’est que les autres…, je ne peux pas. Au théâtre, je ne peux pas, je ne sais pas, c’est peut-être les grands textes qui me…, puis qui pour moi, enfin, confirme l’idée du théâtre. C'est-à-dire que je ne vois pas pourquoi je ferais du théâtre si ce n'est pas pour entrer dans des mondes dans lesquels je peux aller au-delà de moi-même.