André Benedetto évoque son parcours : de 1966 à la maison d'arrêt

17 août 1987
02m 53s
Réf. 00113

Notice

Résumé :

André Benedetto revient sur les révoltes de 1968, et sur leur origine qu'il date de 1966. Il parle du premier manifeste écrit par sa compagnie et des événements de juillet 68 au festival d'Avignon. Son travail à la maison d'arrêt d'Avignon, où il présente sa dernière pièce Le Monde est là Mandela est ensuite présenté, avec quelques extraits.

Date de diffusion :
17 août 1987
Source :

Éclairage

André Benedetto (1934-2009) crée la Nouvelle Compagnie d'Avignon en 1961. Il s'installe en 1963 dans ce qui devient alors le Théâtre des Carmes sur la place des Carmes d'Avignon. Dramaturge, il a écrit un grand nombre de pièces - Napalm, essence solidifiée à l'aide de palmitate de sodium (1968), Zone rouge, feux interdits (1969), La Madone des ordures (1973), Le Monde est là, Mandela (1989), etc. - qui seront presque toute jouées par la compagnie. Son histoire théâtrale est intimement liée à celle du festival d'Avignon, sans y être restreinte. Il est à l'origine, involontaire, du festival OFF, en 1966, année où il décide de jouer Statues pendant la période du festival, au Théâtre des Carmes, sans pour autant être programmé par Jean Vilar. Ce dernier parlera d'ailleurs longtemps de « hors festival » plutôt que de « OFF ». Cela ne l'empêchera pas d'être programmé à plusieurs reprises dans le IN, comme en 1973 avec La Madone des ordures.

Tout au long de sa carrière, Benedetto a produit un texte engagé, tant dans son écriture que dans ses mises en scène. Napalm sur la guerre du Viêtnam, Zone rouge ou comment être révolutionnaire, La Madone des ordures autour de la cause occitane, et beaucoup d'autres pièces abordent directement des sujets politiques, s'engageant ouvertement dans les questions qui agitent la cité, sans y sacrifier la poésie ni la dramaturgie. Il a revendiqué, avec sa compagnie, un travail ancré dans la région avignonnaise, poursuivant le travail tout au long de l'année, avant et après le mois de juillet. En 2009, juste avant sa mort, il avait été élu président de l'association « Avignon, Festival et compagnies » pour tenter d'apaiser les conflits dans l'organisation du festival OFF.

Sidonie Han

Transcription

Journaliste
Mai 68, quelqu’un se souvient bien de l’époque où les CRS remplaçaient Arlequin, et où place de l’horloge retentissaient des tirades qui n’étaient pas des répliques de théâtre. On passa à la tondeuse un acteur chevelu, on décida d’entrer au spectacle sans payer, André Benedetto, directeur, auteur, acteur avignonnais était là. Il est encore là ce premier opposant, auteur d’un manifeste contre le théâtre officiel avec une pièce présentée dans le programme off dont il a été le précurseur.
André Benedetto
En fait, la contestation de 68 c’est la suite de 66 parce que la grande année de la contestation, c’est 66. Pas seulement à Avignon mais un peu partout. C’est l’époque où il y avait une jeunesse qui parcourait l’Europe dans tous les sens et qui diffusait les idées comme ça. Alors, nous avions écrit un manifeste en 66 qui a été diffusé un peu partout et donc tout s’est préparé en 66. Et en 68, nous avons eu la suite de ce qui s’est passé partout, mais ça avait aussi commencé en mai, ici. Et bien sur, ça a pris un aspect à la fois très pesant et très amusant, c’est très contradictoire.
Journaliste
L’association Genepi qui se consacre à des animations en prison a demandé à Benedetto de montrer dans la maison d’arrêt situé tout juste derrière le Palais des Papes sa pièce Le Monde est là Mandela, fidèle à ses idées, l’auteur a choisi un héros révolté et prisonnier.
André Benedetto
Le théâtre, vous le savez a toujours pris pour personnages des héros qui ont eu un destin très particulier, un héros de souvent un destin tragique. C’est-à-dire des gens qui sont traversés par quelque chose qui les dépasse, par des forces, et ils accomplissent des actes qu’ils ne voudraient pas accomplir, ils les accomplissent. Et le théâtre s’est souvent occupé de ça. Et parmi tous les héros qui sont dans le monde, il y a Mandela. Et alors Mandela, il est représentatif de l’Afrique, de la situation noire puisqu’il est en prison, c’est un avocat. Depuis 25 ans, il a refusé d’être libéré sous condition, c’est à-dire on lui a dit on vous libère à condition que vous signez que vous ne ferez plus rien contre le gouvernement, vous ne vous révolterez plus. Alors, bien sûr il a refusé sinon il se niait politiquement complètement, donc il est toujours en prison.
Comédien 1
Alors-là, je dis que nous avons des responsabilités.
Comédien 2
Vous croyez ?
Comédien 1
J’en suis sûr !
Comédien 3
Agenouillons-nous et prions côte à côte, les ouvriers noirs avec le patron blanc.
Comédien 1
Oui boss, on s’agenouille avec toi, on ferme les yeux et on prie avec toi.
Comédien 3
Oui, il ferme les yeux, mais à quoi pense-t-il celui-là ?
Comédien 2
Pendant que nous fermons les yeux, il nous avait volé la terre.
Comédien 3
Il ne prie pas [inaudible], je le sens bien qu’il rumine.
Comédien 2
Alors là en ce moment, qu’est ce qu’il est en train de me prendre, de me faucher encore !
Comédien 3
Je ne sais pas ce qu’il mijote exactement mais il ne m’aura pas ce cas !
Comédien 2
Mais ce salaud me prend pour un con !