Antoine Vitez à propos de son projet à Chaillot

10 mai 1982
02m 12s
Réf. 00148

Notice

Résumé :

Antoine Vitez, directeur du Théâtre National de Chaillot, répond à Dominique Jamet au sujet de son projet théâtral. Il explicite notamment sa phrase « Un théâtre élitaire pour tous ». Un extrait d'Hippolyte de Robert Garnier, mis en scène par Antoine Vitez.

Date de diffusion :
10 mai 1982
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Artistes et personnalités :
Fiche CNT :

Éclairage

Antoine Vitez (1930-1990) devient directeur du Théâtre National de Chaillot en 1981. Il succède à André-Louis Perinetti. Le Théâtre National de Chaillot est le cinquième théâtre à obtenir le titre de théâtre national, après la Comédie-Française, le Théâtre National de Strasbourg (TNS), le Théâtre National de l'Odéon et le Théâtre National de la Colline. Depuis 2005, un sixième théâtre, l'Opéra Comique à Paris, a obtenu ce titre. Très attaché à la formation, Antoine Vitez crée dès son arrivée une école au sein du théâtre, l'école du Théâtre National de Chaillot. Fermée en 2006, cette école a contribué à former nombre d'acteurs, dont Valérie Dréville ou Philippe Girard. Parallèlement, Antoine Vitez continue d'enseigner au Conservatoire National d'Art Dramatique (CNSAD) où il est entré en 1968.

Durant son mandat, il annonce un « théâtre élitaire pour tous », c'est-à-dire un théâtre qui va à la rencontre d'un public large, sans pour autant faire de compromis sur son exigence. Sa conception de l'art dramatique le rapproche de l'esprit que Jean Vilar a voulu insuffler au TNP (Théâtre National Populaire), lorsqu'il était à Chaillot. Il accueille également l'art de la marionnettes au sein du théâtre, en collaborant notamment avec Alain Recoing. Il ouvre la programmation à la danse et au cinéma. Un de ses plus grands succès au Théâtre National de Chaillot sera Le Soulier de satin de Paul Claudel, qu'il met en scène en 1987. Il quitte la direction de Chaillot en 1988, pour devenir administrateur de la Comédie-Française, où il reste jusqu'à sa mort deux ans plus tard. C'est Jérôme Savary qui lui succède au Théâtre National de Chaillot jusqu'en 2000.

À partir de 2000, avec l'arrivée d'Ariel Goldenberg, le cahier des charges du théâtre change ; il est désormais orienté plus spécifiquement vers la danse. Dominique Hervieu et José Montalvo dirigent Chaillot depuis 2008, avec une programmation majoritairement dédiée à la danse.

Sidonie Han

Transcription

Journaliste
A sa manière.
Antoine Vitez
Le théâtre que j’ai appelé élitaire pour tous, il y a quand même là une petite provocation et une malice dans cette expression. Parce que les deux termes sont contradictoires. Si c’est élitaire, c’est pour quelques-uns, la [inaudible] dont parlait Stendhal. Si c’est pour tous, alors ce n'est pas élitaire. Et bien, c’est cette contradiction, ce paradoxe exactement, c'est ce paradoxe que je voudrais développer. Et euh... je voudrais simplement témoigner de mes sentiments ici démocratiques. C'est-à-dire que, euh... en quoi consiste, à mon avis, la démocratie en matière d’art ? Il s’agit non pas de nier que l’art du théâtre est un art de connaisseurs et demande des connaisseurs, mais d’élargir le cercle des connaisseurs. C’est ça le mouvement démocratique du travail théâtral, ce mouvement auquel je suis moi-même attaché ; auquel je pense que grâce au changement politique en France également, depuis le 10 mai, on doit pouvoir parvenir et élargir le cercle des connaisseurs.
Comédien
Ma mère, fiez-vous à moi de vos ennuis.
Comédienne
Laissez ce nom de mère Hippolyte, je suis votre sœur. Et encore humble, je me contente de n’avoir désormais que le nom de servante, de servante [Voirmon]. Je vous ferai l’honneur que doit une servante à son propre seigneur. Je vous suivrai partout, fusse au travers des ondes, fusse au... des rochers, dans les neiges profondes, fusse au travers du feu au gloutonnement ardent, et fusse [inaudible] périssable dardant le visage baissé dans le fer [inaudible], fusse au plus profond des caves plutoniques. Prenez le sceptre en main, mettez-vous sur le front. Le royal diadème ainsi que les rois font.
Antoine Vitez
Brecht a dit, je trouve que c’est magnifique, que le bon théâtre doit diviser le public et non l’unir. C’est vraiment pour moi un credo cela, et j’espère continuer à diviser le public et non pas à unir, a fortiori, surtout à ne pas l’unir contre moi naturellement.