Premier spectacle seul en scène de Pierre Desproges

21 juin 1986
03m 35s
Réf. 00236

Notice

Résumé :

Sketch d'ouverture du premier spectacle seul en scène de Pierre Desproges, enregistré à Quetigny (Côte d'or) en 1984, et diffusé sur France 3 en 1986. On peut voir des retours sur les spectateurs privilégiés de ce spectacle – une concierge d'immeuble, deux enfants, Guy Bedos, qui l'a mis en scène – et leurs réactions. L'ouverture de ce spectacle met en scène un Pierre Desproges qui annonce d'entrée qu'il n'a pas envie d'être là, qu'il n'aime pas cette situation, parfait exemple de l'humour grinçant qui a fait la réputation de ce comique.

Date de diffusion :
21 juin 1986
Thèmes :

Éclairage

Pierre Desproges est né en mai 1930 à Pantin, en région parisienne. Il a été vendeur d'assurances-vie (qu'il avait rebaptisées « assurances-mort »), auteur de roman-photo, rédacteur du courrier du cœur, avant d'être pendant six ans journaliste à L'Aurore. Il fait ses débuts à la télévision dans l'émission de Jacques Martin, Le petit rapporteur, en 1975. Il est « grand reporter » dans cette émission, qui traite l'actualité de manière satirique et humoristique. La même année, il monte pour la première fois sur scène à l'Olympia, invité par Thierry Le Luron. Il fera également la première partie du spectacle de l'imitateur en 1978 à Bobino.

Pierre Desproges est écrivain, homme de radio et de télévision autant qu'homme de scène. Il crée la Minute Nécessaire de Monsieur Cyclopède sur FR3, et participe sur France Inter au Tribunal des Flagrants délires, dans lequel il présente des plaidoiries fantaisistes brossant un portrait parfois acide des personnalités invitées – notamment le portrait de Jean-Marie Le Pen, dans lequel il émet l'idée, devenue célèbre, que l' « on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ».

En 1984, sur les conseils de Guy Bedos, qui l'aidera à préparer son spectacle, il présente son premier one-man-show. Devant le succès de son spectacle au Théâtre Fontaine, à Paris, il part en tournée en 1985. France 3 diffusera le spectacle en 1986, en y ajoutant les réactions de quelques spectateurs privilégiés – une concierge d'immeuble, des enfants, Guy Bedos – incrustées dans la captation du spectacle.

En 1986, il crée Pierre Desproges se donne en spectacle au Théâtre Grévin. Là encore, devant le succès du spectacle, il part en tournée à travers la France.

Pierre Desproges est décédé d'un cancer en 1988. La dépêche annonçant sa mort reprend la formule rituelle qui clôturait chaque Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède : « Etonnant, non ? ».

Pierre Desproges est connu pour un humour corrosif, qui n'hésite pas à s'attaquer aux tabous de la société. Cet humour noir est tout aussi manifeste sur des sujets légers – plaisirs épicuriens, relations homme-femme – que sur des thèmes bien plus sérieux – la mort, dont il parle souvent, ou encore le racisme et particulièrement l'antisémitisme, qui sont des thèmes courants de ses sketches. Pierre Desproges adopte volontiers des postures extrêmes, individualistes, parfois affichant un certain mépris, prenant à son compte des remarques racistes ou antisémites. Loin du « politiquement correct », Desproges n'hésite pas à « rire de tout », même du racisme et de l'antisémitisme. Il élève la dérision au rang d'art, en évoquant avec détachement, voire avec amusement, les choses les plus horribles ou les plus contraires à la morale. Par la dérision, il souligne avec cruauté les travers de son époque. Comique subversif, Pierre Desproges a ouvert la voie à un nouveau type d'humour qui s'attaque à la « haine ordinaire », et exorcise l'inquiétude par le rire.

Anaïs Bonnier

Transcription

(Musique)
(Bruit)
Pierre Desproges
Bonsoir ! Merci d’être venus ! J’espère que vous regretterez pas d’être venus. Enfin, je veux dire, j’espère que vous ne le regretterez pas autant que je le regrette moi-même. Je veux dire que, en ce qui me concerne, j’aimerais être ailleurs puisque je n’ai pas envie de rire et je n’ai pas envie de vous faire rire. A l’heure où je vous parle, je ne sais pas si ça se voit sur mon visage, mais je m’emmerde profondément. Et puis, je me sens... je me sens un petit peu gêné d’être ici, debout comme un con devant vous qui êtes là, assis comme des… . Ayant reçu une éducation bourgeoise, discrète et feutrée, au cours de laquelle m’ont été conjointement inculqués, le respect des bonnes manières et le mépris de toutes les formes de vulgarité, vous comprendrez aisément ce qu’il peut y avoir d’humiliant pour moi dans le fait de m’exhiber ainsi devant un parterre de zozo plus ou moins rigolards. Dont la plupart, si cela se trouve, ne sont même pas de mon milieu. Et puis pour rien arranger, j’ai horreur qu’on m’applaudisse ! Je vous le dis tout de suite, hein. Allez, hop ! Enfin bon, vraiment, j’ai tellement honte pour vous que je crois que le plus raisonnable maintenant, pour moi, ce serait que je m’en aille. Oui, oui, je vais m’en aller ! Merci de me le suggérer. Je pense que je vais aller me détruire. D’ailleurs, il est beaucoup trop tard maintenant pour aller draguer au rayon lingerie des Nouvelles Galeries. Non mais, encore une fois, croyez bien que je regrette de devoir en arriver à cette extrémité mais je ne vous aime pas. Je voudrais bien vous aimer mais je ne peux pas, je suis trop différent, enfin, hein ! Oui ! C’est vrai. Dieu a divisé l’humanité en deux grandes catégories : les juifs et les antisémites et moi je suis limousin alors. Bon, je sais aussi que Dieu a dit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Bon, d’abord, Dieu ou pas, j’ai horreur qu’on me tutoie. Et puis, je préfère moi-même, j’y peux rien. Et puis merde, je n’ai pas tellement envie de me détruire, moi finalement. Puis, je vois pas pourquoi j'irais me foutre en l’air sous prétexte que je n’ai rien à dire à une brassette de désœuvrés qui viennent de mâter mes états d’âme, uniquement parce qu’il n’y a plus de place pour aller voir Nougaro à Dijon.
(Rires)
Pierre Desproges
Vous savez ce que vous êtes tous, là ! Je vais vous dire moi, vous êtes des voyeurs. Et des voyeurs qui payent pour voir un exhibitionniste, ben je vous le dis comme je le pense, c’est petit, hein. Ah oui !