Le Malade imaginaire de Molière, mis en scène par Jean-Marie Villégier

29 décembre 1990
07m 12s
Réf. 00267

Notice

Résumé :

Extrait de la scène 5 de l'acte II : introduit chez sa bien-aimée Angélique et son père Argan sous le costume d'un maître à chanter, le jeune Cléante emploie le détour d'un petit opéra impromptu pour faire connaître ses sentiments à la jeune fille et apprendre d'elle ses intentions.

Date de diffusion :
29 décembre 1990
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Dernière comédie de Molière, qui mourut à l'issue de la quatrième représentation, Le Malade imaginaire vient clore la période la plus douloureuse de la carrière du dramaturge : malade des poumons, agité d'une toux permanente, il s'est brouillé avec Lully, qui avait signé avec lui une longue série de comédies-ballets couronnées de succès. C'est donc avec Marc-Antoine Charpentier, par ailleurs auteur d'un célèbre Te Deum, que Molière s'associe en 1673 pour ses retrouvailles avec le genre. Mais l'intervention de Lully, qui obtient du roi un monopole sur les spectacles musicaux, l'oblige à réduire les partitions à douze instrumentistes et six chanteurs, et empêche la création de la pièce à la Cour. C'est donc un Molière physiquement et socialement diminué qui crée le rôle d'Argan, passant outre les recommandations des médecins qui lui prescrivent le repos.

La partition de Charpentier, que l'on avait crue perdue, est retrouvée dans les archives de la Comédie-Française à la fin des années 1980. William Christie décide alors d'en diriger l'exécution avec son orchestre baroque Les Arts Florissants. Il s'associe avec le metteur en scène Jean-Marie Villégier, avec lequel il venait de présenter avec succès Atys, l'opéra de Lully et Quinault. Le Malade imaginaire est donc joué au Théâtre du Châtelet, avec l'intégralité de ses ballets et de ses parties musicales, en 1990, en costumes d'époque et sur des chorégraphies baroques de Francine Lancelot, dans une démarche de reconstitution archéologique des spectacles parisiens au temps du Roi-Soleil.

Céline Candiard

Transcription

(Silence)
Comédien 1
Voici le sujet de la scène.
Comédien 2
Un berger était attentif aux beautés d’un spectacle qui ne faisait que de commencer, lorsqu’il fut tiré de son attention par un bruit qu’il entendit à ses côtés. Il se retourne et voit un brutal qui de paroles insolentes, maltraitait une bergère. D’abord, il prend les intérêts d’un sexe à qui tous les hommes doivent hommage. Et près avoir donné au brutal le châtiment de son insolence, il vient à la bergère et voit une jeune personne ; qui des deux plus beaux yeux qu’il eût jamais vus versait des larmes qu’il trouva les plus belles du monde. Hélas, dit-il en lui-même, est-on capable d’outrager une personne si aimable ? Et quel inhumain ? Quel barbare ne serait touché par de telles larmes ? Il prend soin de les arrêter ses larmes qu’il trouve si belles. Et l’aimable bergère prend soin en même temps de le remercier de son léger service, mais d’une manière si charmante, si tendre, et si passionnée que le berger n’y peut résister. Et chaque mot, chaque regard est un trait plein de flamme dont son cœur se sent pénétré. Est-il, disait-il, quelque chose qui puisse mériter les aimables paroles d’un tel remerciement ? Et que ne voudrait-on pas faire, à quels services, à quels dangers ne serait-on pas ravi de courir pour s’attirer un seul moment des touchantes douceurs d’une âme si reconnaissante ? Tout le spectacle passe sans qu’il y donne aucune intention. Mais il se plaint qu’il est trop court parce qu’en finissant, il le sépare de son adorable bergère. Et de cette première vue, de ce premier moment, il emporte chez lui tout ce qu’un amour de plusieurs années peut avoir de plus violent. Le voilà aussitôt à sentir tous les maux de l’absence, et il est tourmenté de ne plus voir ce qu’il a si peu vu. Il fait tout ce qu’il peut pour se redonner cette vue dont il conserve nuit et jour une si chère idée. Mais la grande contrainte où l’on tient à sa bergère lui en ôte tous les moyens. La violence de sa passion le fait résoudre à demander en mariage l’adorable beauté sans laquelle il ne peut plus vivre. Et il en obtient d’elle la permission par un billet qu’il a l’adresse de lui faire tenir. Mais dans le même temps, on l’avertit que le père de cette belle a conclu son mariage avec un autre, et que tout se dispose pour en célébrer la cérémonie. Juger quelle atteinte cruelle au cœur ce triste berger. Le voilà accablé d’une mortelle douleur. Il ne peut souffrir l’effroyable idée de voir tout ce qu’il aime entre les bras d’un autre. Et son amour au désespoir lui fait trouver moyen de s’introduire dans la maison de sa bergère pour apprendre ses sentiments, et savoir d’elle la destinée à laquelle il doit se résoudre. Il y rencontre les apprêts de tout ce qu’il craint, il y voit venir l'indigne rival que le caprice d’un père oppose aux tendresses de son amour. Il le voit triomphant ce rival ridicule auprès de l’aimable bergère, ainsi qu’auprès d’une conquête qu’il lui est assurée. Et cette vue le remplit d’une colère dont il a peine à se rendre le maître. Il jette de douloureux regards sur celle qu’il adore. Et son respect et la présence de son père l’empêchent de lui rien dire que des yeux. Mais enfin, il force toute contrainte. Et le transport de son amour l’oblige à lui parler ainsi.
(Musique)
Comédien 2
Belle fille, c’est trop, c’est trop souffrir. Rompons ce dur silence et m’ouvrez vos pensées. Apprenez-moi ma destinée : faut-il vivre ? faut-il mourir ?
Comédienne
Vous me voyez, Tircis, triste et mélancolique aux apprêts de l’hymen dont vous vous alarmez. Je lève au ciel les yeux, je vous regarde, je soupire, c'est vous en dire assez.
Comédien 1
Oué !