Enregistrement de Sarah Bernhardt déclamant le Phèdre de Racine en 1903

1903
01m 38s
Réf. 00290

Notice

Résumé :

Enregistrée chez Thomas Edison dans le New Jersey en 1903, Sarah Bernhardt déclame la tirade d'aveu de Phèdre à Hippolyte à l'acte II, scène 5 de Phèdre de Racine.

Type de média :
Date de diffusion :
1903
Source :

Éclairage

La tirade de Phèdre déclarant son amour à Hippolyte à l'acte II scène 5 de la tragédie de Racine constitue, à n'en pas douter, l'un des passages les plus célèbres de la tragédie française : le jeu de substitution fantasmatique que la tirade développe entre Hippolyte et son père Thésée, époux de Phèdre, et le recours à l'image du labyrinthe, lieu du danger et du monstre, mais aussi de l'union du couple, disent tout le trouble et toute l'ambivalence de l'aveu de Phèdre.

Il n'est donc guère surprenant que Sarah Bernhardt ait choisi ce passage emblématique pour cet enregistrement, réalisé sur cylindre par Thomas Edison dans le New Jersey, lors d'une tournée de l'actrice en Amérique au cours de l'année 1903. Monstre sacré de la scène parisienne depuis trente ans, Sarah Bernhardt est également, depuis son départ de la Comédie-Française en 1880, la première actrice française à se produire en longues tournées internationales. Quoique Gianni Bettini l'ait déjà enregistrée sur cylindre quelques années plus tôt à New York, la légende veut que Sarah Bernhardt se soit évanouie à l'écoute de cet enregistrement de Phèdre.

L'actrice connaissait bien la pièce de Racine : après avoir assumé à plusieurs reprises le rôle d'Aricie au cours des années 1860, Sarah Bernhardt avait connu le triomphe en 1874, 1879 et 1893 dans le rôle de Phèdre, face au célèbre comédien Mounet-Sully, qui fut un temps son amant, dans le rôle d'Hippolyte. L'enregistrement constitue un document précieux pour la connaissance de la diction tragique de la comédienne : on constate en effet que la prosodie classique de l'alexandrin n'est pas particulièrement mise en valeur et que Sarah Bernhardt dit les vers de Racine de la même manière qu'un texte moderne, à l'exception du nom de « Minos » qu'elle prive de sa consonne finale pour le faire rimer avec « flots ».

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
Phèdre , de Racine, par madame Sarah Bernhardt.
Sarah Bernhardt
Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée. Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers, Volage adorateur de mille objets divers, Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ; Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi,Tel qu'on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous voi. Il avait votre port, vos yeux, votre langage, Cette noble pudeur colorait son visage, Lorsque de notre Crète il traversa les flots, Digne sujet des voeux des filles de Minos. Que faisiez-vous alors ? Pourquoi sans Hyppolyte Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ? Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ? Par vous aurait péri le monstre de la Crète, Malgré tous les détours de sa vaste retraite. Pour en développer l'embarras incertain, Ma soeur du fil fatal eût armé votre main. Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée : L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée. C'est moi, Prince, c'est moi dont l'utile secours Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours. Que de soins m'eût coûté cette tête charmante ! Un fil n'eût point assez rassuré votre amante. Compagne du péril qu'il vous fallait chercher, Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher ; Et Phèdre, au Labyrinthe avec vous descendue, Se serait avec vous retrouvée ou perdue.