Antoine Vitez à propos d'Electre

09 janvier 1972
03m 49s
Réf. 00310

Notice

Résumé :

Electre de Sophocle est mis en scène par Antoine Vitez au Théâtre de la Cité Internationale. Interview d'Antoine Vitez, qui explique avoir traduit lui-même la pièce de Sophocle et y avoir introduit, à plusieurs moments de la pièce, des poèmes de Yannis Ritsos dits en grec moderne. Extrait du 1er épisode, avec le dialogue entre Electre et Chrysothémis.

Date de diffusion :
09 janvier 1972
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Electre est la seule pièce que Sophocle consacre au cycle des Atrides, choisissant, à l'inverse d'Eschyle dans son Orestie, de centrer sa tragédie sur la plainte d'Electre. La majeure partie de la pièce donne en effet à entendre ses cris de deuil pour son père assassiné et son frère qu'elle croit mort, accompagnés des chants de douleur et de consolation du chœur des jeunes Mycéniennes.

Dans sa mise en scène de 1971-1972, qui fait suite à une précédente mise en scène de la pièce en 1966, Antoine Vitez met la pièce en écho avec l'actualité politique de la Grèce des colonels. Pour cela, il insère dans le dialogue de Sophocle des poèmes de Yannis Ritsos, comme autant de commentaires à l'action tragique. Pour figurer le passage entre les temps anciens et le monde contemporain, des textes en grec moderne viennent répondre à des extraits de Sophocle dits en grec ancien. La scénographie, qui prévoit une répartition bi-frontale du public, de part et d'autre de la scène, réduit la distance qui sépare traditionnellement les spectateurs de l'action tragique. L'effet est encore renforcé par le jeu expressionniste et violent des comédiens.

Seul élément mis à distance de l'action, les parties chorales sont assumées tour à tour par les acteurs du spectacle sous la forme d'une profération psalmodiée et hiératique, comme les paroles rituelles d'une liturgie. Les longues tuniques portées par les comédiens et leur maquillage doré, semblable à un masque, donnent à voir l'ensemble de l'action tragique comme les gestes réglés d'une cérémonie.

Céline Candiard

Transcription

Antoine Vitez
Le spectacle que nous jouons c’est le texte intégral de Sophocle. Donc je n’ai rien retiré à Sophocle. A un texte intégral traduit de Sophocle. Je n’ai rien retiré et j’ai ajouté les poèmes de Ritsos, des poèmes de Ritsos que j’ai choisis et que j'ai choisis par association d’idées. Ritsos, je crois que c’est un des plus grands poètes actuellement vivant au monde, c’est un homme d’une soixantaine d’années, qui a eu beaucoup d’ennuis comme vous le savez avec le régime dit des colonels et qui est actuellement en Grèce en liberté, enfin, après avoir été déporté à la suite du putsch. Dans la scène que nous allons voir tout de suite, on voit Chrysothémis porter des fleurs sur la tombe de son père Agamemnon, ce père justement qui est amené à assassiner avec son amant et Electre va intervenir sur ces fleurs et va détruire les fleurs. Il y a tout un jeu de la vie et de la mort avec les fleurs. Les fleurs étant une chose vivante, que l’on peut précisément tuer publiquement.
Inconnue
(Paroles en grec)
Evelyne Istria
Non, ma sœur, crois-moi ! Ces offrandes que tu tiens dans les mains, ne va pas les poser sur le tombeau. Ni la piété ni la justice ne te permettent, au nom de sa pire ennemie de rendre les honneurs funèbres à notre père ou de verser l’eau qui purifie. Jette au vent tout cela ! Ou enfouis le profondément dans la poussière afin que rien d’elles, jamais ne parvienne jusqu’à lui. Quand elle sera morte, elle trouvera ces offrandes conservées pour elle sous la terre. Et d’abord, si elle n’était pas la plus ignoble des femmes, jamais elle n’aurait offert ces libations insultantes à celui qu’elle a tué. Ecoute ! Crois-tu que le mort, dans son tombeau, les recevra d’une âme bienveillante ? Lui, mort, sous ses coups à elle, ignominieusement, inutile et comme un ennemi, bras et jambes coupés, liés sous les aisselles, et elle essuyait pour se purifier l’arme sanglante sur sa tête. Non !
(Silence)
Evelyne Istria
Les dons que tu portes n’effaceront pas le crime.
Inconnue
(Paroles en grec)
Evelyne Istria
Jette au vent tout cela !
Inconnue
(Paroles en grec)