Les Oiseaux, mis en scène par Jean-Louis Barrault

08 avril 1985
04m 51s
Réf. 00313

Notice

Résumé :

Les Oiseaux d'Aristophane sont mis en scène par Jean-Louis Barrault au Théâtre Renaud-Barrault. Avec plusieurs extraits chantés et chorégraphiés du spectacle, qui comporte également acrobates et marionnettistes, alterne une interview du metteur en scène Jean-Louis Barrault, qui insiste sur le travail corporel effectué pour cette mise en scène et met en évidence les fonctions de la comédie satirique dans la société.

Date de diffusion :
08 avril 1985
Source :

Éclairage

Aristophane est un poète comique athénien dont les œuvres s'échelonnent des années 420 aux années 380 av. J.-C. Son théâtre, le principal représentant de ce qu'on appelle aujourd'hui la « Comédie Ancienne », opère une dérision généralisée des institutions et des personnes en vue de la cité (hommes politiques, magistrats, poètes, militaires...) et appelle à une paix favorable à la fête, à la jouissance et au théâtre. Dans cet esprit de dérision et de rupture avec le quotidien, les comédies mettent volontiers en valeur des groupes marginaux de la société (pauvres, vieillards, femmes...), représentés par le chœur et le plus souvent désignés par le titre.

Dans ce contexte, Les Oiseaux constituent une pièce étrange : en donnant à voir la fantaisie d'une cité d'oiseaux, Aristophane moque les utopies et les théories métaphysiques des sectes philosophiques, particulièrement l'orphisme. Il parodie la société athénienne plus indirectement qu'à l'accoutumée, par le biais de deux personnages d'Athéniens qui rejoignent la communauté des oiseaux pour leur proposer de fonder avec eux une cité céleste idéale.

Lorsque Jean-Louis Barrault met en scène la pièce au Théâtre Renaud-Barrault (actuel Théâtre du Rond-Point) en 1985, il reprend la musique et les chants composés par Georges Auric pour une mise en scène de Charles Dullin au Théâtre de l'Atelier en 1928, spectacle auquel Barrault lui-même avait participé en tant que comédien débutant. Fidèle au texte original, il fait cependant appel à l'écrivain Pierre Bourgeade pour adapter le texte d'Aristophane au contexte contemporain. En effet, pour Barrault, Les Oiseaux font écho aux amertumes du monde actuel, où l'on est volontiers tenté de fuir pour échapper à une réalité sombre et décevante. C'est pourtant sous les traits d'un carnaval coloré et jovial, grâce aux décors foisonnants d'Agostino Pace et aux costumes fantaisistes de Jacques Schmidt et Emmanuel Paduzzi, et avec la complicité de marionnettistes et d'acrobates, que Jean-Louis Barrault entend délivrer son message. Il propose là, comme il le revendique, une « comédie musicale satirique ».

Céline Candiard

Transcription

Journaliste
Vous aimez la liberté ?
Intervenante
Oui, oui en ce qui concerne mon métier, j’aime bien.
(Musique)
Jean-Louis Barrault
Je crois qu’Aristophane est d’une grande actualité, aujourd’hui, parce que il suffit de lire les journaux, d’écouter la télévision, d’écouter la radio, de voir ce qui se passe dans tous les pays du monde, et on s’étonne qu’il n’y ait pas au moins cinq à six Aristophane par pays, pour critiquer les gouvernements, les sociétés et tous les gens qui passent leur vie à diviser les êtres humains au lieu de les réunir.
(Musique)
Jean-Louis Barrault
Et je crois que le poème d’Aristophane correspond au désir de tous les êtres humains, c’est-à-dire nos désirs d’avoir des ailes.
Comédien 1
Celui-là aussi porte une aigrette et il a une queue extraordinairement belle. Ses yeux quel éventail ! Pour sûr, il va se marier.
Comédien 2
Celui-là, je le reconnais, c’est le paon.
Comédien 1
Ah !
Comédien 2
Oui, il attend sa fiancée.
Comédien 3
Léon, Léon ?
Jean-Louis Barrault
J’ai réuni pour ce spectacle, des marionnettistes, des acrobates, toute la troupe et nous nous amusons comme des enfants.
Comédien 1
Ça voltige, ça tourbillonne.
Jean-Louis Barrault
Que j’aime bien l’expression corporelle, j’aime bien la respiration de toute une troupe, j’aime bien qu’on meuble l’espace de la scène, alors là, c’est une occasion ou jamais d’avoir des ailes. Les marionnettistes sont merveilleux, les acrobates sont merveilleux, il y en a qui viennent de l’école de cirque d'Annie Fratellini.
(Applaudissements)
Comédien 1
Le pingouin.
(Bruit)
Comédien 1
Le vautour.
(Bruit)
Jean-Louis Barrault
Le côté comédie musicale satirique, n’est-ce pas, correspond à un désir profond et ça nous permet de critiquer la société mais en étant de bonne humeur.
Comédien 4
Oiseaux ! Oiseaux ! C’est nous qui sommes vraiment libres. L’hiver sans manteau près du rocher, l’été à l’ombre du feuillage ou sous les fleurs des prés quand la cigale pousse son cri de feu mais les hommes ignorent la liberté. En sont-ils vraiment dignes ? Ils se soumettent si docilement aux contraintes les plus extravagantes. Ils acceptent avec un sourire de reconnaissance les plus dures lois. Quelques uns d'entre eux se disputent même le triste avantage d’opprimer leurs frères. Au nom de divinités tyranniques qui nomment [inaudible] ?
(Bruit)
Jean-Louis Barrault
J’aime beaucoup la philosophie antique, parce qu’elle est apparemment amorale, mais il y a une responsabilité de l’être humain qui est tout à fait noble et qui n’est pas simplement un dressage humain du sens du bien et du mal à l’usage des gens qui nous dominent, et non pas que de la nature.
(Musique)