La Paix d'Aristophane à La Criée

09 mars 1991
02m 45s
Réf. 00320

Notice

Résumé :

Entrecoupée de plusieurs brefs extraits du spectacle, interview du metteur en scène Marcel Maréchal, qui compare la force comique d'Aristophane à celle d'un Rabelais et explique le travail de transposition qu'il a fallu effectuer pour inscrire la pièce dans le contexte contemporain. Il souligne également la poésie et l'universalisme de ce théâtre, qui exalte la vie et la fête.

Date de diffusion :
09 mars 1991
Source :
FR3 (Collection: Atr1 )
Fiche CNT :

Éclairage

Aristophane est un poète comique athénien dont les œuvres s'échelonnent des années 420 aux années 380 av. J.-C. Son théâtre, le principal représentant de ce qu'on appelle aujourd'hui la « Comédie Ancienne », opère une dérision généralisée des institutions et des personnes en vue de la cité (hommes politiques, magistrats, poètes, militaires...) et appelle à une paix favorable à la fête, à la jouissance et au théâtre. Contrairement à ce que les interprétations modernes de ses œuvres ont souvent laissé entendre, il ne s'agit pas véritablement d'un engagement politique personnel de la part d'Aristophane, mais plutôt d'une position logique de défense des intérêts du théâtre et des célébrations religieuses dont il fait partie.

Il n'est donc guère surprenant qu'Aristophane écrive La Paix en 422, au plus fort de la guerre entre Athéniens et Spartiates. La pièce, dont le chœur représente tous les peuples de la Grèce, tourne en dérision la guerre sous les traits du personnage allégorique Polemos et présente un fantasme de paix universelle, jouisseuse et festive, célébrée sous les traits d'une jolie fille sensuelle qui réunit toute la Grèce autour d'elle.

Marcel Maréchal, en présentant cette pièce au Théâtre de la Criée à Marseille en 1991, n'entend pas simplement honorer un répertoire deux fois millénaire : le choix de cette pièce, en pleine Guerre du Golfe, est aussi de sa part un acte militant en faveur de la paix. C'est pourquoi il ne s'est pas contenté d'utiliser la traduction très vivante de Victor-Henri Debidour, mais l'a adaptée avec soin au contexte contemporain afin de l'inscrire dans le quotidien des spectateurs. Une telle actualisation du théâtre d'Aristophane n'est pas isolée : on peut citer notamment l'adaptation féministe et pacifiste de Lysistrata proposée en 1968 par le dramaturge canadien Michel Tremblay en protestation contre la Guerre du Vietnam. Pour autant, Maréchal ne trahit pas l'esprit comique de la pièce, dont il cultive et accentue la drôlerie verbale par le recours à un jeu stylisé et masqué rappelant celui de la commedia dell'arte. Il revendique ainsi pour son spectacle une portée universelle qui dépasse les cas particuliers de l'actualité et célèbre les valeurs de la fête.

Céline Candiard

Transcription

Présentateur
Qui ont été reportés à la rentrée prochaine, il faut dire que c’est une pièce assez antimilitariste. La Paix écrite en 421 avant Jésus-Christ, c’est-à-dire en plein siècle de Périclès à l’issue de la guerre opposant Athènes et Sparte.
Comédien 1
A mort ! Les pathétiques ! [Inaudible]
Comédien 2
Ah voici le marchand d’armes, ce par qui le malheur arrive !
Journaliste
Lorsqu’on est un peu anar, et qui plus est dans un camp qui n’est pas encore assuré de la victoire ; comment promouvoir la paix entre Athènes, cité de l’esprit et de la liberté entre gauche branchée et libéralisme avancé dirait-on aujourd’hui, et Sparte Etat militaire puritain et totalitaire. Aristophane auteur comique est le Coluche du siècle de Périclès.
Marcel Marechal
Il parlait de choses graves mais en faisant rire les gens c’est-à-dire il pensait qu’il valait mieux rire par exemple de la guerre ou de la paix que d’en pleurer. Et c’est alors, c’est tout à fait coloré, c’est énorme même. C’est un comique énorme à la limite d’ailleurs de par moment... c'est quelque fois, c’est scatologique. Il y a des scènes paillardises, disons que c’est plutôt rabelaisien et quelquefois aussi, ça oscille entre ce côté rabelaisien qui est proprement grec aristophanesque et aussi une poésie, une tendresse, un lyrisme, agreste, poétique comme ça. C’est très, très beau.
Comédien 3
Ah, tu me gênes beaucoup là.
(Bruit)
Comédien 3
Ah tout de même, il y a du travail dans la vague de cirage, je t’en donnerai trois mesures de noix.
Comédien 4
Cash ?
Comédien 3
Cash !
Comédien 4
OK.
Comédien 3
OK?
(Bruit)
Comédien 5
Tous aux abris.
Comédien 3
Et c’est du matériel soviétique ton truc ?!
Comédien 4
Oui mais la poudre est française.
Comédien 3
Allez, au vestiaire, déblaie.
Marcel Marechal
Les pièces d’Aristophane sont une espèce de squelette, si vous voulez, très fort, très charpenté, mais qu’il faut nourrir presque d’une chair actuelle, enfin.
Comédien 4
Ils achetaient mes armes. Tous. Les spartisans, les athéniens, les tyrans, présidents, amis, ennemis, les corinthiens, les béotiens.
Comédiens
Les irakiens, les iraniens... Et hop passez la monnaie !
Marcel Marechal
C’est surtout une exaltation de la vie. De la vie, de la fête et ça... de la vie dans sa plénitude, dans la vie dans son intelligence, dans sa compréhension d’autrui, et ça je crois que c’est un message qui est universel et qui est pas un message de circonstance.
Comédien 5
Alors tu vas t’asseoir sur mille écus pour lâcher ta crotte ?
Comédien 3
Et mon cul, tu crois que je le céderai pour le même prix ?