Daniel Sorano dans Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand

25 décembre 1960
03m 37s
Réf. 00331

Notice

Résumé :

La célèbre « tirade du nez » de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand par Daniel Sorano, dans une version théâtrale filmée par Claude Barma en 1960 et qui fait encore autorité aujourd'hui, où l'on peut voir, parmi les seconds rôles, Jean Topart, Michel Galabru et Philippe Noiret.

Date de diffusion :
25 décembre 1960
Source :
Lieux :

Éclairage

Dans les années 1960, Daniel Sorano, qui avait longtemps travaillé avec Vilar, devient un collaborateur de premier choix pour Claude Barma, avec qui il tournera notamment plusieurs adaptations de Shakespeare et Cyrano, qui sera présenté à la RTF le soir de Noël 1960. Le texte n'est pas monté en intégralité mais il est en partie joué en direct (l'acte I et 4 sont préenregistrés aux studios Francoeur) ; ce spectacle, de grande envergure, a nécessité la participation de pas moins de 200 acteurs et figurants ainsi qu'un budget de production conséquent pour la réalisation des décors, dépassant largement les coûts des pièces de théâtre habituellement retransmises pour le petit écran à l'époque. Cet événement télévisuel a remporté dans son temps tous les suffrages du public, conquis par la justesse de l'interprétation de Sorano et par la performance du semi direct.

Cette fameuse « tirade du nez » est souvent considérée par les spectateurs comme un moyen sûr de jauger la prestation de l'acteur qui doit incarner Cyrano. L'essence du personnage s'y trouve en effet concentrée : impertinence et répondant, fanfaronnade gasconne, fol imaginaire et métaphores poétiques, autodérision et fragilité. Le spectateur attend cette réplique comme un morceau de bravoure et de panache, où l'acteur doit pouvoir faire sentir toute la complexité du personnage de Rostand, à la fois drôle, tragique et héroïque.

Voir une rétrospective sur les grands interprètes de Cyrano de Bergerac (1964)

Voir un document sur Cyrano de Bergerac mis en scène par Denis Podalydès (2007)

Céline Hersant

Transcription

Comédien 1
Mais à la fin, ils nous ennuient.
Comédien 2
Ils fanfaronnent !
Comédien 1
Personne ne va donc lui répondre ?
Comédien 2
Personne, attendez, je vais lui lancer un de ses traits. Vous, vous avez un nez... un nez très grand !
Daniel Sorano
Très... ? c’est tout ?
Comédien 2
Mais…
Daniel Sorano
Ah non, c’est un peu court jeune homme. On pouvait dire, oh dieu, bien des choses en somme. En variant le ton. Par exemple, tenez, agressif. Moi, Monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur le champ que je me l’amputasse. Amical : mais il doit tremper dans votre tasse pour boire, faites-vous fabriquer un hanape. Descriptif : c’est un roc, c’est un pic, c’est un cap, que dis-je ? C’est un cap, c’est une péninsule ! Curieux : de quoi sert cette oblongue capsule, d’écritoire, Monsieur, ou de boîte à ciseaux ? Gracieux : aimez-vous à ce point les oiseaux que paternellement, vous vous préoccupâtes de tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? Truculent : ça, monsieur, lorsque vous pétunez, la vapeur du tabac vous sort-elle du nez sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? Prévenant : gardez-vous, votre tête entraînée par ce poids de tomber en avant sur le sol ? Tendre : faites-lui faire un petit parasol, de peur que sa couleur au soleil ne se fane. Pédant : l’animal seul, Monsieur, qu’Aristophane appelle hippocampelephantocamélos dut avoir sur le front tant de chair sur tant d’os ! Cavalier : quoi l’ami, ce croc est à la mode, pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode. Emphatique : aucun vent ne peut, nez magistral, t’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! Dramatique : c’est la mer rouge quand il saigne. Admiratif : pour un parfumeur qu’elle enseigne. Lyrique : est-ce une conque, êtes-vous un triton ? Naïf : ce monument, quand le visite-t-on ? Respectueux : souffrez, monsieur, qu’on vous salue, c’est là, ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! Campagnard : hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain ! C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! Militaire : pointez contre cavalerie. Pratique : voulez-vous le mettre en loterie, assurément, monsieur, ce sera le gros lot. Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot. Le voilà donc ce nez, qui des traits de son maître, a détruit l’harmonie, il en rougit le traître. Voilà, ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit si vous avez un peu de lettres et d’esprit, mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres. Vous n’en eûtes jamais un atome et de lettres, vous n’avez que les trois qui forment le mot sot. Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, me servir toutes ces folles plaisanteries. Que vous n’en eussiez pas articulé le quart de la moitié du commencement d’une, car je me les sers moi-même avec assez de verve. Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.