Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo

11 juillet 2009
02m 06s
Réf. 00335

Notice

Résumé :

Reportage et interview d'Emmanuel Devos et de Marcial Di Fonzo Bo à propos de la première d'une pièce méconnue de Victor Hugo, lors du Festival d'Avignon 2009.

Date de diffusion :
11 juillet 2009
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Angelo, tyran de Padoue est une pièce très rarement inscrite sur la scène française et dont la présentation lors du festival d'Avignon par Christophe Honoré fait à elle seule événement. La pièce avait été originellement créée à la Comédie-Française en 1835 avec en vedette Mademoiselle Mars dans le rôle de la Tisbé et n'a par la suite trouvé que très peu de metteurs en scène et d'interprètes, mis à part Sarah Bernhardt en 1905 et Jean-Louis Barrault en 1984. Chose étrange, c'est l'opéra qu'en a tiré Ponchielli d'après un livret de Boïto, en 1876, La Gioconda, qui a fait passer ce texte à la postérité, grâce aux voix de Maria Callas, Renata Tebaldi ou encore Montserrat Caballé et Luciano Pavarotti.

Angelo, tyran de Padoue raconte comment la Tisbé – une fille de la rue parvenue dont la mère avait été autrefois sauvée de la pendaison par une jeune fille dont elle ignore le nom –, va reconnaître en Catarina, la femme d'Angelo, celle qui avait obtenu la grâce de sa mère et lui sauver la vie en lui évitant d'être surprise par le cruel et jaloux Angelo dans les bras de son amant, Rodolfo. Mais Angelo, informé de cette infidélité, veut faire décapiter Catarina. La Tisbé intervient, fait mine d'empoisonner la jeune femme en lui donnant un narcotique. Rodolfo, pensant Catarina morte, poignarde la Tisbé qui avoue, dans son dernier souffle, les avoir sauvés tous deux du sort cruel auquel Angelo les préparait, et les pousse à prendre la fuite hors de l'état de Venise.

Dans sa préface, Victor Hugo expose ainsi son sujet : « Mettre en présence, dans une action toute résultante du cœur, deux graves et douloureuses figures, la femme dans la société, la femme hors de la société ; c'est-à-dire, en deux types vivants, toutes les femmes, toute la femme. (...) Enseigner à quelles épreuves résiste la vertu de l'une, à quelles larmes se lave la souillure de l'autre. Rendre la faute à qui est la faute, c'est-à-dire à l'homme, qui est fort, et au fait social, qui est absurde. » Comme on le voit, Hugo fait du poète dramatique un important réformateur social et ambitionne de construire à partir de tous ces éléments un drame qui ne soit ni véritablement un drame royal ou bourgeois, mais un « drame princier et domestique », c'est-à-dire une pièce qui soit d'un même tenant didactique dans son propos sur le progrès social et la place des femmes, et innovante du point de vue de la forme, puisqu'elle mêle le registre sérieux à des pointes de comédie, pour paraître vraie.

On retrouve dans Angelo les ficelles dont Hugo se sert habituellement pour mener son action et ses pièces historiques : un arrière-plan pittoresque (Padoue au XVIe siècle), des scènes nocturnes, des guet-apens, des duels, des empoisonnements, qui ne sont pas sans rappeler l'intrigue de Roméo et Juliette, mais auquel il ajoute un discours politique militant sur la condition de la femme.

Comme on le voit dans le document vidéo, Christophe Honoré donne de la pièce d'Hugo une lecture tournée délibérément vers une actualisation pour faire résonner l'universalité des propos de l'auteur : les décors, les costumes, le jeu des acteurs, les accessoires (micros, téléphones portables...) déplacent l'action dans une temporalité vague qui couvre les années folles au monde d'aujourd'hui et retraverse des esthétiques qui ne sont pas sans rappeler les mouvements futuristes ou constructivistes du début du XXe siècle : les structures métalliques évoquent notamment l'organisation du plateau à la façon de Meyerhold, mais aussi les échafaudages utilisés par l'industrie du cinéma – dont Christophe Honoré, le metteur en scène, est issu – pour la réalisation de décors illusionnistes.

Céline Hersant

Transcription

Présentatrice
Comme promis, direction à présent le plus grand théâtre du monde. Avignon, 63ème édition dans les rues de la Cité des Papes, des centaines de compagnies pour le In et le Off. Cette année, 2 grandes actrices du cinéma y jouent, Jeanne Moreau et Emmanuelle Devos, qui est notre invitée. Sa pièce Angelo, Tyran de Padoue , signée Victor Hugo et mise en scène par Christophe Honoré. La première aura lieu demain soir à 18 heures en présence de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture. Voyons d’abord ce reportage de Dominique Poncet et Nathalie Berthier.
Journaliste
Incognito dans les rues d’Avignon, Emmanuelle Devos. En cette période de festival, l’effervescence de la cité des Papes est telle que même les comédiens les plus illustres peuvent se promener dans la ville en toute tranquillité. Tranquillité très provisoire, car demain ; Emmanuelle Devos va faire la une de tous les journaux, pour sa participation à la première d’une pièce méconnue de Victor Hugo, Angelo, Tyran de Padoue . Cette première est très attendue, parce que happée par le cinéma, Emmanuelle Devos est devenue plus rare sur les planches. Chacun de ses retours fait donc figure d’évènement pour le public et pour ses partenaires.
Emmanuelle Devos
Pourquoi me suis-je laissé reprendre à ce bonheur qui devait durer si peu.
Marcial Di Fonzo Bo
Je suis très content de travailler avec Emmanuelle, parce que c’est une actrice que j’admire. Quand on la voit à l’écran, on est tout à fait saisi, et on a très envie d’aller plus loin avec ce qu’elle propose. C’est une actrice secrète, je dirais, une actrice calme et d’une grande force.
Journaliste
Dans cette pièce, Emmanuelle Devos incarne la femme du Tyran Angelo, une femme adultère que son mari voudra voir mourir.
Emmanuelle Devos
Vois-tu, il ne faut pas qu’on te laisse [inaudible] sauter à ton cou, c’est que j’ai été saisie.
Journaliste
Elle est dirigée par un homme qui vient pour la première fois au théâtre, le réalisateur Christophe Honoré. Décor proposant plusieurs scènes de jeu, éclairage tout en clair obscur et contre-jour, et surtout direction d’acteurs confondant de naturel. Christophe Honoré a mis là, sur les planches, tout son talent de cinéaste.