Un fil à la patte de Georges Feydeau

28 décembre 2010
02m 25s
Réf. 00383

Notice

Résumé :

Extraits du spectacle accompagné d'une interview du metteur en scène Jérôme Deschamps et des acteurs de la Comédie-Française, Christian Hecq et Guillaume Gallienne en 2011 ; ce document comprend également un extrait de la mise en scène historique de Jacques Charon en 1961.

Date de diffusion :
28 décembre 2010
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 journal )
Thèmes :
Fiche CNT :

Éclairage

Le Fil à la patte a été créé en 1894 dans une mise en scène de Feydeau lui-même, qui avait alors choisi de distribuer les rôles de la pièce parmi la crème des acteurs de la troupe du Palais-Royal (Raimond, Saint-Germain, Milher...). Dès les premières représentations, la pièce remporte tous les suffrages et Feydeau se voit couronné, après le triomphe de Monsieur chasse, d'un nouveau succès.

Depuis la fin du XIXe siècle, la pièce a fait le tour de tous les grands théâtres parisiens : le Théâtre Antoine, la Renaissance, le Vaudeville, l'Athénée, le Théâtre lyrique, les Bouffes du nord, l'Odéon... En 1961, elle est portée sur la scène de la Comédie-Française par Jacques Charon et, comme la salle ne désemplit pas, elle sera reprise jusqu'en 1973. Il faut dire que la palette d'acteurs retenue par Charon valait le détour : Robert Hirsch, Jean Piat, Georges Descrières, Jacques Sereys, Jean-Paul Roussillon, Michel Aumont, Catherine Samie, Michel Duchaussoy... Pierre Sabbagh fera un enregistrement télévisé de ce spectacle en 1970 pour « Au théâtre ce soir », à Marigny. Plus proche de nous, comptons aussi la mise en scène de Lavaudant à l'Odéon en 2001, celle de Jérôme Deschamps à la Comédie-Française, en 2010, retransmise en direct sur France 2 en février 2011 et qui raflera près de 13% de part d'audience. Notons aussi le travail de Francis Perrin, qui mit en scène la pièce aux Variétés pour un prime time en direct sur France 2 avec une distribution exclusivement composée des animateurs du groupe France Télévision [1].

Le Fil à la patte reste, on le voit, largement représenté sur la scène française. C'est un modèle exemplaire du vaudeville, où Feydeau déroule avec brio une intrigue infiniment compliquée de péripéties en même temps qu'il brosse un tableau des mœurs pertinent de la fin de son siècle, avec toutes les figures sociales archétypales qui font le charme de la comédie : la chanteuse de music hall, le coureur désargenté, un général idiot avec un accent étranger à couper au couteau, une baronne, un clerc de notaire ridicule faiseur de vers, des domestiques malicieux... Toute cette petite société se retrouve prise dans un enchaînement vertigineux de quiproquos et de courses-poursuite : Bois d'Enghien, le héros ou le dindon de la farce, selon d'où l'on se place, vient dîner chez Lucette Gautier, que courtise le très riche général Irrigua, dans l'idée de rompre son aventure avec elle. Il doit en effet épouser Viviane, la fille de la Baronne Duverger.

Feydeau use largement de toute la panoplie du vaudevilliste : amant caché dans une armoire, mensonges, clés perdues, parapluie oublié, portes qui claquent, personnages coincés en caleçon sur le palier, descente de police... et un même un pistolet truqué avec lequel Lucette menace de se suicider et qui servira à Bois d'Enghien à voler des vêtements. Mais toutes ces ficelles sont habilement relevées non seulement par un jeu de circulation dans l'espace qui montre la capacité de Feydeau à habiter l'intégralité du plateau et à tirer parti du moindre recoin pour constituer du hors champ (étages, escaliers...), mais aussi par une construction très alerte du dialogue : phrases courtes, questions, exclamations, bons mots et déformations linguistiques, et nombreux apartés qui scellent une grande complicité avec le public.

[1] Thierry Beccaro, Marie-Ange Nardi, Gérard Holtz, Sophie Davant, Patrice Laffont, Nelson Monfort Michel Drucker, Bernard Pivot...

Céline Hersant

Transcription

Présentatrice
C’est un grand classique de Vaudeville, et bien sûr, il est indémodable, inusable pour les comédiens comme pour le public, le célèbre Fil à la patte de Feydeau est à l’affiche de la Comédie-Française jusqu’en juin. La mise en scène est signée Jérôme Deschamps évidemment. C’est drôle, très drôle même. Dominique Poncet, Georges Pinol.
Journaliste
Des applaudissements à en briser le cristal des lustres de la salle. Sans jamais reprendre leur souffle, les spectateurs de la Comédie-Française viennent de se tordre de rire pendant deux heures d’horloge.
(Bruit)
Journaliste
Ce phénomène d’hilarité irrépressible, il n’y en a qu’un pour le déclencher, il s’agit de l’as de Vaudeville, un nommé Georges Feydeau. Pour faire rire aux larmes, cet auteur-là avec ses quiproquos, ses portes qui claquent, ses extravagances en tout genre, franchement depuis le Second Empire, on n’a jamais eu mieux. En plus, pour des comédiens un peu inventifs, il est sans équivalent pour susciter toutes sortes de facéties. Pourquoi vous adorez jouer Feydeau ?
Christian Hecq
Parce que c’est drôle, comme à Guignol, on sait que le méchant est derrière, enfin, l’acteur, la marionnette ne sait pas que le drame qui va arriver mais le spectateur le voit, et ça c’est toujours assez jouissif à faire.
Guillaume Gallienne
Le départ est plutôt… on est des gens comme vous et moi, et puis après, on est embarqué dans cette mécanique folle de situations qui s’additionnent tout aussi folles les unes que les autres et qui rend dingue autant les personnages que les spectateurs.
Journaliste
Cette contagion de la folie, elle a toujours gagné les spectateurs. Ecoutez les rires que déclenchait Robert Hirsch dans ce Fil à la patte monté par Jacques Charon en 1961.
(Bruit)
Journaliste
En 2010, Christian Hecq suscite les mêmes questions de fluidité et de rythme.
Jérôme Deschamps
Il faut mettre cela en scène un peu musicalement légèrement, complètement, et faire en sorte que comme cela, il y ait ce sentiment délicieux dans la salle, de courir un tout petit peu après l’action pour ne rien perdre.
Journaliste
Feydeau, paraît-il, était un paresseux. On a du mal à le croire quand on écoute ses pièces si finement ciselées.
Christian Hecq
Ah Monsieur Bois-d'Enghien, je vous en supplie !
Hervé Pierre
Non, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Voulez-vous vous cacher !