Jean-François Sivadier monte Le Roi Lear de Shakespeare à Avignon

22 juillet 2007
02m 18s
Réf. 00491

Notice

Résumé :

En 2007, lors de la 61e édition du Festival d'Avignon, Jean-François Sivadier monte Le Roi Lear. Quelques extraits de la mise en scène alternent avec les interviews du metteur en scène mais aussi des comédiens : Nicolas Bouchaud (le Roi Lear), Norah Krief (Cordelia / le fou).

Date de diffusion :
22 juillet 2007
Source :
A2 (Collection: 20 heures )

Éclairage

William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais du XVIe siècle (début du XVIIe). Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langues, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de toute génération et d'univers artistiques très différents.

Représentée pour la première fois en 1606, Le Roi Lear s'inspire de récits légendaires à propos du roi Leir. Avant même l'avènement de l'empire romain, en Grande-Bretagne, un roi décide de partager son royaume entre ses trois filles, la plus grande part revenant à celle qui l'aime le mieux. Goneril et Regane le flattent tant qu'elles peuvent tandis que Cordelia, sa préférée, ne sait qu'être sincère et lui fait une sincère déclaration, précisant cependant qu'un mari recevra peut-être un jour la moitié de son amour. Blessé, il chasse Cordelia et espère profiter des largesses des deux autres une fois retiré du pouvoir. Mais il est rejeté et méprisé par ses filles et se retrouve errant en son ancien royaume, la raison vacillante, accompagné de son fou. Une deuxième intrigue se tresse autour du comte de Gloucester et de ses deux fils : l'enfant légitime Edgar et le bâtard Edmond. Ce dernier fait croire au père à une conspiration de son frère qu'il fait fuir de la maison familiale. Les intrigues politiques et leurs crimes se multipliant et s'entrecroisant jettent Lear dans un trouble de plus en plus profond, jusqu'à la mort de ses trois filles. Devant le corps inerte de Cordelia, il meurt. C'est résumer ici trop brièvement une intrigue foisonnante d'action et de crimes ainsi que le lent et douloureux apprentissage de l'amour sincère par Lear et son passage par la folie. Le Roi Lear est une des pièces les plus sombres et le plus violentes de Shakespeare.

Acteur et metteur en scène né en 1963, Jean-François Sivadier a été formé au Centre théâtral du Maine et à l'école du Théâtre National de Strasbourg. Sa rencontre avec Didier-Georges Gabily est fondamentale et lui fait concevoir la création théâtrale comme une œuvre collective : acteurs (dont, notamment, Nicolas Bouchaud et Norah Krief que nous retrouvons dans les présents extraits) et techniciens forment autour de lui une équipe artistique qui l'accompagne dans son parcours. « Lear, c'est tout le théâtre à partir de Rien » affirme le metteur en scène, séduit par le défi que représente la mise en scène de cette pièce sur le manque, sur les relations parent/enfant, sur l'identité. C'est ainsi qu'il choisit Nicolas Bouchaud, à peine la quarantaine, pour jouer le rôle-titre et qu'il confie à Norah Krief le rôle de Cordelia et celui du fou qui accompagne le Roi Lear dans son errance. Sivadier joue sur la dualité et le trouble de l'identité qui nourrissent la double intrigue de la pièce. Pour Le Roi Lear, Strehler dessine un cercle au centre de son « théâtre-monde » (voir ce document) et Sivadier, quant à lui, trace un carré de parquet : variation sur le thème de la scène... Le théâtre est l'interrogation première de l'œuvre de Shakespeare.

[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

Présentateur
Le festival d’Avignon qui se tient jusqu’à la fin du mois, coup de projecteur ce soir sur Le roi Lear de Shakespeare. La pièce est mise en scène par Jean-François Sivadier dans la cour d’honneur, beaucoup de burlesque dans cette tragédie. Isabelle Baechler, Guillaume Diard.
Journaliste
Grandiloquence, langue très verte et sang versé en vain, Shakespeare est de retour dans la cour d’honneur du palais des Papes. Le Roi Lear qui veut partager son royaume entre ses trois filles avant la mort, y fait résonner sa folie.
Nicolas Bouchaud
Dites-moi, mes filles, de laquelle allons-nous pouvoir dire qu’elle nous aime le plus ?
Journaliste
L’aînée d’abord, puis la seconde vont se déclarer.
Comédienne 1
Je vous aime !
Nicolas Bouchaud
Oh, arghh !
Norah Krief
J’aime votre majesté comme je le dois, ni plus ni moins.
Journaliste
Mais la plus jeune, sa préférée parle vrai et refuse la flatterie.
Comédien
Allez, va-t-en loin de ma vue. Et que la tombe soit pour moi la paix.
Jean-François Sivadier
L’erreur c’est de demander à ses filles de faire une déclaration d’amour, de mélanger l’intime et le public.
Journaliste
Cordelia est donc déshéritée et bannie, mais le vieux roi ne va pas trouver chez ses filles aînées les preuves d’amour qu’il en attend. Son fou est désormais son seul ami.
(Bruit)
Norah Krief
C’est Cordelia qui revient en fou. Elle suit ce père, son père quoi. Voilà, elle se déguise.
Journaliste
Trahison et fidélité s’entrechoquent. Lear, lui, glisse dans la folie et ne reconnaît pas ses anges gardiens.
Nicolas Bouchaud
Mais le bon plaisir du Duc.
Comédiens
Brrrrr, ptu, ptu…
Journaliste
Il semble définitivement égaré, indifférent aux catastrophes qu’il a provoquées.
Nicolas Bouchaud
La folie dans la pièce, ce n’est pas une source de malheur, c’est le chemin vers la vérité.
Journaliste
Mais la guerre est inévitable et l’hécatombe avec elle.
Nicolas Bouchaud
Elle ne reviendra plus jamais.
Journaliste
Lear, relu par Jean François Sivadier, ou comment par orgueil, on peut rater définitivement le coche de l’amour paternel et filial.