Hamlet mis en scène par Antoine Vitez à Chaillot

09 janvier 1983
03m 27s
Réf. 00493

Notice

Résumé :

Présentation au journal télévisé d'Antenne 2 de la mise en scène d'Hamlet par Antoine Vitez, en 1983 au Théâtre National de Chaillot, avec Richard Fontana dans le rôle-titre. Une interview de l'acteur par France Roche est entrecoupée par des extraits de la scène 1 de l'acte 3 (le monologue « Être ou ne pas être... ») où Vitez met en présence Hamlet et Ophélie (Jany Gastaldi). Courte apparition de Vitez à la fin du reportage.

Date de diffusion :
09 janvier 1983
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais fin XVIe siècle / début du XVIIe. Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langue, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de tout âge.

Ecrite aux alentours de 1601, « Hamlet est la pièce de théâtre qui contient toutes les autres, la tragédie grecque comme les formes de théâtre les plus modernes. » a souligné Yannis Kokkos qui a signé la scénographie du spectacle d'Antoine Vitez [2]. Hamlet, jeune prince du royaume de Danemark, porte encore le deuil de son père lorsque le fantôme de celui-ci lui fait une terrible révélation : l'oncle d'Hamlet, qui a succédé à son frère sur le trône et épousé sa belle-sœur, est en réalité le meurtrier de son père. La pièce s'organise autour de la recherche de preuves puis de la vengeance d'Hamlet (« Le temps est hors de ses gonds. O sort maudit / Qui veut que je sois né pour le rejointer ! »), de sa volonté d'agir pour réparer l'injustice, des conflits intérieurs qui agiteront son esprit après la révélation du spectre de son père. C'est par la mort du couple royal et celle d'Hamlet, par la prise de pouvoir légitime de Fortinbras que le Danemark sera lavé de ces péchés et que le temps reprendra son cours.

En 1983, le metteur en scène Antoine Vitez met en scène Hamlet (traduction de Raymond Lepoutre) dans une version avec coupes en semaine. Samedi et dimanche, la pièce est jouée dans son intégralité !). Antoine Vitez (1930-1990) marque profondément la vie théâtrale française de la seconde moitié du XXe siècle. Il se réclame du « Théâtre d'art » : une recherche, une éthique, une volonté d'aller plus loin dans la pratique théâtrale. Tout au long de ce siècle, le besoin de se réclamer du théâtre d'art est venu d'un profond désir de réforme de la pratique : la remise en question ne visait pas l'essence même du théâtre mais sa réalité scénique. Des artistes ont recherché le changement de l'intérieur par l'exploration la plus profonde des moyens qu'offre le théâtre. Des désirs fondamentaux lient ces praticiens : une troupe, un lieu, un répertoire, une école, beaucoup de temps pour les répétitions, un dialogue suivi et intense avec le public (avec notamment une revue). Avec la volonté de faire un « théâtre élitaire pour tous », Antoine Vitez tente de concilier la lisibilité et la plus haute exigence esthétique et intellectuelle.

Le reportage nous montre Richard Fontana disant les premiers mots du célèbre monologue d'Hamlet : « Être ou ne pas être, c'est la question... ». C'est un Hamlet absorbé, grave mais que l'on sent plein d'énergie qui adresse – originalité de la mise en scène d'Antoine Vitez – son discours à Ophélie. Le soliloque habituel (Hamlet, seul en scène, qui se parle à lui-même) est transformé ici en monologue (seul Hamlet parle, mais il s'adresse à une tierce personne).

Antoine Vitez prend le parti d'un Hamlet jeune et vigoureux, loin d'une image plus courante d'un Hamlet accablé, presque sans vie.

Le scénographe Yannis Kokkos explique : « J'ai cherché à faire un espace qui raconte tout ce qui peut être possible à l'intérieur, et que les acteurs, la manière dont ils se déplacent, deviennent les dessins vivants d'un univers clair, que puisse se dessiner un espace ouvert mais qui en même temps imprime une image très forte. » Il a voulu ainsi « donner la primauté au mouvement de l'acteur » [2] qui se détache sur cette perspective blanche, immaculée, épurée.

[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.

[2] Yannis Kokkos, in Actes du congrès 1984, Société Française Shakespeare, « Lieu et Temps », sous la direction de Jean Fuzier, édition électronique.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

Présentatrice
Et puis sans transition, parlons théâtre. Au Palais de Chaillot à Paris, depuis vendredi dernier, Shakespeare et Vitez, Hamlet et Richard Fontana, prêtés pour l’occasion par la Comédie-Française. Cinq heures de vrai bonheur pour les amateurs de théâtre à commencer par France Roche et Daniel Maillot.
France Roche
Après Laurence Olivier, Jean-Louis Barrault, Trintignant, un nouvel Othello : Richard Fontana, 30 ans - l’âge du rôle -, il joue sans perruque blonde une nouvelle traduction qui remplace celle de Gide.
Richard Fontana
André Gide, ce n’est pas une traduction, c’est une adaptation parce que vraiment, il a énormément coupé, il a même transformé des répliques, il a même transformé du sens de la pièce.
France Roche
En tout cas, la réplique la plus célèbre du théâtre mondial est toujours la même question, to be or not to be.
Richard Fontana
Etre ou ne pas être, c’est la question. Est-il ou plus noble pour l’esprit de souffrir les décharges et les flèches d’une fortune déshonorante ou de prendre les armes contre une mer de trouble et en s’y opposant, y mettre fin? Mourir, dormir, pas plus. Les gens nous disent, mais c’est incroyable, il y a des scènes absolument sublimes qu’on ne connaissait pas parce qu’on avait lu la traduction de Gide justement et il y a des scènes incroyables de beauté qui étaient tout à fait inconnues. Et je crois d’ailleurs que en France, je crois que c’est même peut-être la première fois qu’on joue vraiment l’intégrale de la pièce de Shakespeare qui est tout à fait incroyable, quoi. C’est d’ailleurs la plus longue pièce de Shakespeare.
France Roche
Cinq heures de spectacles à Chaillot pour cette intégrale. A Berlin on en joue une autre en allemand en sept heures, en 1600 ça durait la journée. Une autre nouveauté, Ophélie participe au monologue d’Hamlet.
Richard Fontana
Mais c’est formidable d’ailleurs ça.
Antoine Vitez
[Inaudible]
Richard Fontana
Non, non, cette découverte en fait que, que ce n’est pas un monologue, que en fait, c’est écrit avec Ophélie.
Antoine Vitez
Il suffisait de lire le texte.
Richard Fontana
Oui, oui. C’est la réflexion, qui fait au malheur une si longue vie, car qui supporterait les fouets et les mépris du temps, le mal de l’oppresseur, l’insolence de l’orgueilleux, les affres de l’amour bafoué. C’est quelqu’un qui a une énergie farouche et qui se cogne contre des murs, qui a une telle grandeur, une telle intelligence et que tout cela mène à la mort en fait. Mais à présent, adoucis-toi. Oh, belle Ophélie ! Nymphe, dans tes prières, souviens-toi de tous mes péchés.
Jany Gastaldi
Mon cher seigneur, comment se porte votre grâce après tant de jours ?
Richard Fontana
Je vous remercie humblement, bien, bien, bien.