Cirque Ici, le cirque de Johann Le Guillerm

13 avril 1997
02m 12s
Réf. 00550

Notice

Résumé :

Johann Le Guillerm a planté son chapiteau intimiste jaune et vert à la Cartoucherie de Vincennes. Refusant que soit filmé le spectacle ou même des instants de répétition, il consent cependant à s'exprimer parcimonieusement et à laisser la caméra glisser sur son campement et dans les coulisses, lors d'une séance d'échauffement.

Date de diffusion :
13 avril 1997
Compagnie :
Artistes et personnalités :

Éclairage

Johann le Guillerm a tout d'abord immergé sa silhouette en cours de maturation dans les productions d'Archaos qui pratique un mélange des arts débridé où règne un foisonnement d'éléments puisés dans le réel. Il s'engage, ensuite, avec d'anciens élèves du CNAC de sa promotion (la 1ère, 1985-1989) dans l'aventure quasi expérimentale du Cirque O (1991-1993) qui revendique le dépouillement, dans un cercle vide, étanche au monde, à la quête de l'essence du Cirque.

Fort de ses expériences diverses, Johann Le Guillerm fonde sa compagnie Cirque Ici en 1993 et intitule son spectacle Où ça ? (1995). Seul en piste, il fouille cette question qui touche à la forme. Sa recherche est symptomatique de la problématique à laquelle doivent répondre les artistes de cirque qui désirent s'inscrire dans la contemporanéité. La piste qu'il construit est en fait un dodécagone de treize mètres de diagonale qui tient plus de la place que du cercle. Chacun de ses angles est relié au centre par un sillon qui projette une ligne de fuite, une faille perméable au monde. Johann Le Guillerm, sur ce territoire brisé, éclaté, expose / incarne, dans la souffrance et dans la joie, une pluralité de passages, qui sont autant d'impossibles et de périlleuses traversées.

Dans son chapiteau intimiste l'artiste, en maître des lieux, maintient une tension palpable par la détermination de son regard. Un regard conquérant, un temps obstrué par des bandes de papier collant qui condamnent l'artiste à errer à tâtons, ayant pour seul guide les rythmes sonores proposés par le quartette complice Monsieur le Baron. Venu de nulle part, en partance pour un ailleurs non défini, l'artiste traverse inlassablement cette piste prometteuse. Où ça ? Ici ! La proposition pourrait apparaître postmoderne, mais, le poids de l'Histoire non dite est à ce point imprimé dans les torsions / tensions du corps de l'artiste que la dimension critique transpire. Il peut bien se voiler la face ou se scotcher les yeux et ainsi, tenter de fuir, le monde affleure, il en est traversé, imbibé et, dès lors, ne peut oublier les folies des hommes. Loin de la piste du cirque traditionnel aseptisée par des années de repli, celle de Johann Le Guillerm crie son besoin de vie, que seule la fiction peut lui apporter. Le merveilleux se mêle au vrai et l'épopée, telle une chanson de geste, plonge l'homme circassien dans une succession de défis à surmonter. Le funambule sur corde souple, le jongleur au sabre ou au mouchoir, le dresseur d'oiseau de papier, l'équilibriste sur chaise ou en sabot sur bouteilles de verre part en quête d'équilibre dans chaque collision du corps – dont l'énergie vitale se consume jusqu'à la dernière goutte de sueur – et de la matière des objets. Rythmant le spectacle des sculptures animées, rigoureusement domptées, ouvrent la piste et suggèrent des messages : de paix, pour le canon hissant le drapeau blanc ; d'espoir, pour la pieuvre bariolée crachant des confettis dans une cacophonie de pleurs de bébés... [1]

De retour d'un tour du monde, qui l'a amené à partager ses pratiques avec des publics handicapés ou aux cultures différentes, il affirme ses références plastiques autour d'une démarche conceptuelle partie du point. Ainsi, l'artiste circo-plasticien peuple son univers de constructions sculpturales qui sont autant d'occasions de poursuivre l'exploration du déséquilibre. Son projet Attraction se décline en un spectacle, Secret (2003), un phénomène de cirque, La Motte (2007) (structure en partie végétale douée de vie autonome), complétée d'une exposition Monstration. Anne Quentin écrit : « Ces machines ou objets ont vocation à rendre visibles d'invisibles connaissances », celles d'un « "idiot" assumé [qui] explore les relations existantes d'un système, en autodidacte doué de ses propres lumières » [2].

[1] Des photos du spectacle sont publiées dans Le Cirque ici présente « Où ça », Pantin, Association attraction/Cirque ici, 1999.

[2] Anne Quentin, « Attraction, phénomène de cirque », Stradda, n° 1, Horslesmurs, 2006, p. 61.

Martine Maleval

Transcription

Présentateur
Un martien tombé sur la scène de la cartoucherie à Paris, son nom Johann Le Guillerm. Il est un ancien grand prix national du cirque, son spectacle insolite nécessite des talents d’acrobate, de jongleur, d’équilibriste et de poète. Personnage loufoque et pas très bavard, il a accepté de rencontrer Rosanne Avanissian et Virginie Delahautemaison lors d’une séance d’échauffement.
Journaliste
De son spectacle vous ne verrez rien, pas un numéro, pas une acrobatie, rien qu’une séance d’échauffement. Cet homme là, du haut de ses presque 28 ans, est un ascète, un vénusien tombé du ciel sur la piste d’un modeste chapiteau. Loin des archétypes du cirque, il conte l’histoire de ceux de sa race, celle des gens du voyage, Johann Le Guillerm est un acrobate, funambule, équilibriste, inventeur d’une sidérante sculpture de piste.
(Musique)
Johann Le Guillerm
Le spectacle a un déroulement, mais laisse une large place à l’improvisation, aussi bien de la musique que, comme aussi tout est aléatoire. Tous les jours, c’est.... Je dirais que c’est tous les jours nouveau. Tout est fragile dans ce spectacle.
(Musique)
Johann Le Guillerm
Je ne suis pas sédentaire, je ne tiens pas en place très longtemps.
(Musique)
Johann Le Guillerm
Et le fait d’être toujours chez soi, quand on se promène avec un chapiteau. Et ensuite, j’ai du plaisir à faire ce que je fais, je ne l’explique pas, c’est ce qui m’intéresse de faire.
Journaliste
Il n’est pas bavard Johann Le Guillerm, mais son spectacle à la Cartoucherie est hallucinant de poésie. Vous n’en verrez rien, pas un numéro, pas une acrobatie, c’est dommage mais c’est ainsi !