Les clowns Motusse et Paillasse

Maripaule B. et Philippe Goudard font partie des premiers élèves du Conservatoire national des arts du cirque et du mime créée par Sylvia Monfort et Alexis Grüss en 1974. Comme pour de nombreux artistes de leur génération, l'acquisition des techniques de cirque vient enrichir une formation artistique initiale : la danse pour Maripaule, le théâtre, notamment la commedia dell'arte, pour Philippe. De 1975 à 1989, ils présentent MOTUSSE ET PAILLASSE – CLOWNS. Tout en s'inscrivant dans la tradition du genre clownesque, ils en proposent une vision renouvelée, sortie du cadre du spectacle traditionnel.

Les noms de scène affirment un parti pris ; « Motus » pour l'invitation au silence et « Paillasse » pour la tradition du bateleur ou du bouffon de foire. L'héritage est accepté et le genre clownesque revendiqué. Leur propos est bien d'être clowns mais non celui du cirque figé et sclérosé qui ne se remet pas de la crise économique et culturelle amorcée dans les années 1950. Ils développent leur projet à une période où, dans de nombreux cours d'art dramatique, est transmise la méthode de Jacques Lecoq sur le travail clownesque, qui consiste à rechercher le « clown qui est en soi ». La compagnie revendique la création d'un « théâtre clownesque en un acte ». Ainsi, est annoncé le désir d'inscrire cette figure dans une dramaturgie qui en dévoile la complexité, afin de l'extraire d'un domaine qui ne lui permet plus d'évoluer et de redonner corps à ce costume qui tout à la fois masque l'apparence physique de celui qui l'endosse et libère l'individu qui accepte de l'habiter avec sincérité.

Le duo s'éloigne de l'opposition stigmatisée entre le clown blanc et l'auguste, en introduisant de la complicité dans la relation qui confronte des personnages à la fois semblables et complémentaires.

Alliant démarche théorique et approche artistique concrète, en 2002, la compagnie crée Anatomie d'un clown, dans le cadre d'une programmation intitulée Clowns en chantier, envisagée comme « une scène ouverte au travail progressif, un manifeste pour une promotion de la lenteur créatrice »1. Le solo de Ph. Goudard, Anatomie d'un clown, en constitue le premier travail inscrit dans ce « chantier en constante évolution, en construction ... le public étant alors partie prenante lui aussi de ce pari artistique ». L'objectif est de déjouer les pièges de l'impératif de la création annuelle imposé par les circuits de distribution qui hors de la piste se calent sur ceux de la danse contemporaine, alors qu'il faut plusieurs années pour mettre au point un numéro. Pour Maripaule B. et Philippe Goudard, « les clowns élaborent toujours leurs œuvres lentement, au fil des représentations, en constante interaction avec le public ».

Maripaule B. et Philippe Goudard ont sans doute participé, au renouvellement et au développement du genre hors de la piste amorcés dès les années 1970 et au-delà à celui du nouveau cirque par leur participation dans les créations, entre autres du Cirque Intérieur, du Cirque Nu, et par l'encadrement de jeunes artistes au CNAC. Parallèlement, ils ont contribué à l'élaboration d'une réflexion théorique sur le cirque au travers notamment de la publication de la revue Ecrits sur le sable [2]. Précisons également, que Philippe Goudard est maître de conférences en études théâtrales, critique et médecin du cirque [3].

[1] Maripaule B., Philippe Goudard, Anatomie d'un clown, Dossier de presse, 2003, p. 3.

[2] Maripaule B., Philippe Goudard, (sous la direction de), Ecrits sur le sable..., n° 1 (1993), n° 2 (déc. 1994), Montpellier, Publication de la Compagnie Maripaule B. – Philippe Goudard – Artistes Associés pour la Recherche et l'innovation au Cirque.

[3] Philippe Goudard est notamment l'auteur de Petit traité du risque au cirque : sur la piste du déséquilibre, de l'instabilité et de l'impermanence, Montpellier, L'Entretemps, 2007 ; et de Le cirque entre l'élan et la chute : Une esthétique du risque, Saint-Gély-du-Fesc, Espaces 34, 2010.