Création à Avignon du Boléro de Béjart par Duska Sifnios

03 novembre 1966
02m 42s
Réf. 00715

Notice

Résumé :

Au festival d'Avignon 1966, Maurice Béjart prône un théâtre qui réunirait « toutes les tendances et qui ne serait plus du théâtre parlé, ni du ballet ni de la musique ou de l'opéra, mais où il y aurait tout cela à la fois ». En seconde partie du documentaire nous assistons à une répétition dans la Cour d'Honneur du Boléro, de loin ou en plans rapprochés, dansé ou seulement marqué, sur la fameuse table ronde par Duska Sifnios entourée de tous les garçons des Ballets du XXe Siècle.

Date de diffusion :
03 novembre 1966
Source :

Éclairage

Document historique puisqu'il nous montre un chorégraphe de 39 ans, assuré et en pleine forme physique, l'année ou Jean Vilar crée l'évènement en faisant entrer la danse au Festival d'Avignon avec Maurice Béjart. Une grande année dans la carrière du chorégraphe puisque cette même année 1966 il remplit le Cirque Royal de Bruxelles avec Roméo et Juliette, la Deutschlandhalle de Berlin et le Palais des Sports de Paris avec sa monumentale IXe symphonie de Beethoven. Maurice Béjart sort définitivement la danse du temple doré des théâtres d'opéra, pour toucher les grandes masses populaires.

Le chorégraphe présente pour la première fois dans l'immense Cour d'Honneur du Palais des Papes deux programmes en dix jours : le premier s'achève par Boléro, dansé par Duska Sifnios, la créatrice en janvier 1961 à Bruxelles de ce chef d'œuvre dont le succès fut décisif pour la fondation des Ballets du XXe siècle au Théâtre de la Monnaie.

Duska Sifnios n'est pas inconnue des français. En 1957 cette étoile yougoslave de 23 ans a l'insigne honneur d'inaugurer le 29 mars la première saison du Théâtre des Nations fondé par A-M. Julien au Théâtre Sarah Bernhardt. Après avoir envoûté les parisiens dans un mémorable Mandarin Merveilleux de Bartok, chorégraphie de Dimitrije Parlic, cette belle brune devient l'étoile des Ballets de la Monnaie de Bruxelles en 1960. C'est sur elle que Béjart règle son Boléro, et c'est Duska Sifnios qui révèle ce chef d'œuvre aux parisiens, le 29 mai 1961 au Théâtre des Nations, quatre mois seulement après sa création à Bruxelles.

Le programme du Théâtre des Nations présente de façon très instructive la compagnie : « Le Ballet du XXe Siècle est le Ballet du Théâtre Royal de la Monnaie. Maurice Béjart en assure la direction. Il y a un an, les artistes qui formaient sa compagnie l'ont suivi et se sont mêlées aux danseurs de la Monnaie pour ne former qu'une troupe. Le Ballet s'est encore enrichi de recrues nouvelles et compte aujourd'hui une cinquantaine de danseurs. Leur entraînement est dirigé par M. Assaf Messerer, professeur du Théâtre Bolchoï, dans la plus pure tradition académique. Le titre « Ballet du XXe Siècle » exprime une volonté de présenter des œuvres actuelles et de faire appel à la musique des grands compositeurs contemporains ».

Tradition et modernité sont bien les mots clefs, comme le prouve Prospective également présenté en 1966 au festival d'Avignon, et constitué de quatre pièces dont L'art de la barre - musique de Bach - et Variations pour une porte et un soupir sur les grincements et bruitages de Pierre Henry.

Des débuts fracassants à Avignon qui valent à Maurice Béjart d'être réinvité l'année suivante. Il y crée dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes Messe pour le temps présent, une « cérémonie » en neuf tableaux qui mêle maillots académique et blue-jeans, musique indienne, marche nazie et jerk électronique. Le tout entrecoupé de longs textes de Bouddha, du roi Salomon et de Nietzsche (dont la célèbre profession de foi : « Je ne pourrais croire qu'en un Dieu qui saurait danser »). Maurice Béjart se targue d'avoir, avec ce spectacle, anticipé les aspirations de la jeunesse française et leur révolution de Mai 1968.

Toute sa vie, le chorégraphe a milité pour un « théâtre total » sans toujours convaincre le grand public qui juge ses tentatives théâtrales trop intellectuelles, de La Reine Verte (musique de Pierre Henry) au théâtre Hébertot comme La Tentation de Saint-Antoine à l'Odéon avec la compagnie Renaud- Barrault.

En revanche Maurice Béjart rallie tous les suffrages avec Boléro et ses ballets de danse pure, comme La IXe Symphonie, L'Oiseau de feu, Bhakti, Ce que l'Amour m'a dit et Le Chant du Compagnon errant, qui témoignent d'une haute spiritualité, d'un humanisme et d'une émotion comme on n'en a encore jamais ressenti jusqu'à ce jour dans l'histoire de la danse.

René Sirvin

Transcription

Maurice Béjart
Le théâtre est un art baroque, est un art multiple qui demande le plus grand nombre de discipline possible et lorsque je fais du théâtre, lorsque je prépare une oeuvre, comme vous venez de parler de la Tentation de Saint Antoine que je monterai chez Barrault la saison prochaine, je cherche à réunir toutes les tendances pour faire du spectacle qui ne sera plus du théâtre parlé, qui ne sera pas du ballet, qui ne sera pas de la musical comedy, qui ne sera pas de l’opéra, mais il y aura tout ça à la fois.
(Musique)