Roland Petit et Nicolas Le Riche répètent Clavigo

26 novembre 1999
03m 30s
Réf. 00725

Notice

Résumé :

Dans ce reportage consacré à la création de Roland Petit pour Nicolas Le Riche à l'Opéra de Paris, les deux hommes répètent Clavigo en présence de Clairemarie Osta, épouse de Nicolas Le Riche et créatrice du rôle de Marie dans le ballet. Depuis qu'il a confié en 1993 Le Jeune Homme et la Mort au tout jeune Nicolas, Roland Petit désirait créer un ballet pour lui. Nicolas Le Riche vante les mérites de Roland Petit non seulement comme chorégraphe, mais comme grand directeur d'acteur et metteur en scène.

Date de diffusion :
26 novembre 1999
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Éclairage

Après être entré comme danseur en 1933 à l'Opéra de Paris, Roland Petit en est parti à vingt ans, en 1944, pour créer ses propres ballets. Il ne revient au Palais Garnier qu'en 1965, en chorégraphe célèbre. Et pour un coup d'essai il réussit un coup de maître : Notre Dame de Paris d'après Hugo, puissante musique de Maurice Jarre, décors monumentaux de René Allio et costumes colorés d'Yves Saint-Laurent. Un chef d'œuvre toujours au répertoire.

A l'exception de Cyrano de Bergerac en 1959, Roland Petit, suivant l'exemple de Diaghilev, ne propose depuis ses débuts que des programmes comprenant trois ou quatre courts ballets, en s'attachant pour chacun les plus grands musiciens, peintres, décorateurs et couturiers de son époque. Avec Notre Dame de Paris il revient au grand spectacle de toute une soirée. Pour l'Opéra de Paris il réalise par la suite une douzaine de grands ballets dont l'année suivante un chef d'œuvre hélas perdu, Turangalila, sur la musique de Messiaen et dans des décors de Max Ernst. Suivront entre autres Nana et Le Fantôme de l'Opéra. Clavigo, fin 1999, est sa dernière création au Palais Garnier. Mais Roland Petit remonte encore quelques uns de ses anciens ballets à succès pour les danseurs de l'Opéra, dont Proust où les intermittences du cœur en mars 2007.

De son côté, le Ballet National de Marseille qu'il a dirigé pendant vingt cinq ans, présente en 1997 au Palais Garnier une merveilleuse version de Coppelia (la dernière prestation de Roland Petit comme danseur, dans le rôle de Coppelius) et Le Guépard déjà conçu pour Nicolas Le Riche et créé à l'Opéra de Palerme trois ans plus tôt.

Dans tous ces spectacles épiques, le chorégraphe prouve ses dons innés pour caractériser un personnage jusqu'au tréfonds de son âme, laisser transparaître la noirceur de ses intentions, sa générosité, son innocence, ses vices ou sa sensualité. Un regard (le noir Frollo), une épaule plus haute que l'autre (le difforme Quasimodo) suffisent parfois à camper un individu. Chacun possède aussi un vocabulaire chorégraphique qui le définit. Ces qualités, ainsi que son sens du suspense, du détail pittoresque et inattendu, font de Roland Petit un des plus grands narrateurs de l'histoire du ballet.

Clavigo, d'après la première pièce écrite par Goethe, bénéficie des splendides décors aux lignes épurées de l'architecte Jean-Michel Wilmotte, et des costumes XVIIIe siècle extrêmement raffinés de Luisa Spinatelli. Gabriel Yared collaborateur de longue date de Roland Petit en signe la musique.

Dans son drame, Goethe s'inspire d'un fait réel : l'abandon par l'aventurier Espagnol José Clavigo y Fajado de sa jeune épouse, Marie, qui n'est autre que la sœur de notre Caron de Beaumarchais. A ces trois personnages réels Goethe ajoute une diabolique créature de son invention, Carlos, et Roland Petit une séduisante Etrangère. En tout cinq rôles pour mettre en valeurs les danseurs de l'Opéra, Nicolas Le Riche en tête, tous traités avec habileté : variations de bravoure, duos passionnés, affrontements mortels... Il anime les grands ensembles, bals, scènes de jeux ou de débauche, traités comme de luxueux tableaux vivants. Enfin le sexe est partout, esquissé, suggéré sans vulgarité, mais présent à tous les tableaux.

Fortement influencé par les toiles du peintre Füssli, Roland Petit imagine une spectaculaire descente des cintres de Clavigo roulé en boule, comme une araignée sur son fil, pour se glisser dans le lit de Marie endormie. Une vision marquante, significative de l'invention toujours en éveil de Roland Petit.

René Sirvin

Transcription

Inconnue
Alors qu’est-ce qu’il a écrit ? Clavigo.
Journaliste
Clavigo, son rôle griffonné sur les murs, un graffiti de plus. En 1933 Roland Petit avait oublié de laisser sa signature le jour où il entrait ici pour la première fois. A 75 ans, il revient pour Nicolas Le Riche.
Roland Petit
Rien ne doit être pire, quand on prend de l’âge, que de ne plus avoir envie de rien. Cocteau m’avait dit quand j’étais tout jeune, je l’ai connu à l’âge de 12 ans, il m’a dit, Roland souviens toi toute ta vie que si tu veux rester jeune il faut être entouré de jeunes. Moi je fais ce que je peux pour eux, et eux m’apportent…. Je suis comme Dracula, j’ai l’impression que c’est le… le sang tout neuf tout frais là !
Journaliste
Il a été le premier, en 1993 à donner à un Le Riche encore inconnu un grand rôle. Dans Le jeune homme et la mort , Nicolas avait gagné là ses galons d’étoiles. Depuis, Roland Petit avait toujours créé avec et pour lui, un ballet à la mesure de son talent.
(Musique)
Journaliste
Pendant un an il compose, ces trois derniers mois, il a réglé avec Nicolas sa création, la dernière du siècle à l’Opéra de Paris.
Roland Petit
Créer sur lui c’est de voir en même temps que l’on dessine la chorégraphie, la voir se faire en même temps presque. Au lieu que ce soit plus tard. Vous voyez ce que je veux dire, y a un décalage en général, vous dites à un artiste, je voudrais que tu fasses ça et puis tu attends, non pas comme ça, comme ça ! Oui peut-être tu as raison, non, pas comme ça, comme ça ! Et puis ça prend du temps et puis il faut y arriver, puis il faut travailler pour y arriver. Nicolas on lui dit j’aimerais que tu fasses, tu vois comme. Ça y est c’est fait.
Journaliste
Plus de 50 chorégraphies à son actif et toujours la même méthode, douceur et écoute. Pas d’ordre lancé de vive voix, ou de crise d’autorité, encore moins d’hystérie.
Nicolas Le Riche
C’est un grand chorégraphe français, mais c’est aussi un grand directeur de danseurs, d’interprètes. J’allais presque dire c’est un grand metteur en scène, c'est-à-dire qu’il sait vous mettre en confiance, pour tirer le meilleur de vous-même. Alors, quelque part vous allez penser que c’est presque vous qui découvrez les choses, alors qu’en fait c’est un guide qui est très, très subtil et qui arrive à vous amener à où lui le souhaite mais vous avez l’impression que c’est vous qui avez fait le cheminement. Donc, c’est une situation qui est très, très confortable pour l’interprète, parce que… en définitive on a l’impression de découvrir les choses ensemble et donc d’avoir un même cheminement.