Le cirque à l'ancienne selon Alexis Gruss

18 septembre 1982
03m 10s
Réf. 00785

Notice

Résumé :

Le Cirque à l'ancienne, lors de sa première tournée présente à Toulon un spectacle, essentiellement équestre. Parmi des extraits notons le numéro de La Poste réalisé par Martine Gruss. Alexis Gruss interviewé précise quelques points de son engagement en tant que directeur de troupe.

Date de diffusion :
18 septembre 1982

Éclairage

Depuis plusieurs générations, la famille Gruss se distingue dans le domaine équestre, dans leur pratique des arts forains ou du cirque. Notons entre autres, qu'en 1949, Alexis Gruss Senior et Louis Jeannet, associés pour constituer le Grand Cirque de France, sont choisis par Jean Coupan et Louis Merlin pour fournir l'ossature du Radio-Circus ; en 1967, ils présentent le Circorama d'Achille Zavatta ; en 1972, ils accueillent « La Piste d'or » de Roger Lanzac [1].

La rencontre, en 1974, avec la comédienne Sylvia Monfort, qui invite Alexis Gruss à installer son chapiteau dans la cour de l'Hôtel Salé, est à l'origine de la création du Cirque à l'ancienne. C'est pour l'équipe l'occasion de se poser en un lieu fixe et d'avoir du temps, afin de « réfléchir », se « documenter », « discuter davantage » [2] et s'engager dans la création de spectacles originaux. Pour Ronan Desforges, leur travail s'inscrit « dans l'axe d'une étrange modernité, en rompant [...] avec l'esthétique voyante et tapageuse commune alors aux établissements traditionnels » [3]. Les consignes qu'A. Gruss fournit à son créateur de costumes Jean Eden sont significatives : « [...] pas trop de rouge, ni de paillettes, ni de strass - pas d'estomac à l'air - non plus. Du noir, du brun, du beige : le style anglais, vous voyez, la classe » [4]. A. Gruss propose des tableaux qui cadrent avec son projet et avec une certaine idée du cirque qu'il cherche à retrouver (celle du début du XIXe siècle, lorsqu'il offrait des spectacles équestres entrecoupés de prestations de clowns, de jongleurs ou d'acrobates afin de créer de la variété). Leur enchaînement produit un programme homogène, ils sont autant d'écrins pour les numéros dont la permanence est conservée, de « scènes qui construisent un acte dans une pièce de théâtre » [5]. Ainsi, est reconnu et mis en valeur le travail de chaque artiste. R. Desforges voit dans ce projet davantage « une restauration » qu'« une rénovation, mais la qualité de la production est telle qu'elle s'assimile désormais à une véritable création » [6].

A. Gruss contribue à la sauvegarde du patrimoine circassien en retravaillant des classiques tels Le Courrier de Saint-Pétersbourg [7], Le Double jockey et l'augmente de créations originales tel Le Triple jockey [8]. Il réintègre l'écuyère à panneau et compose des poses équestres. Exceptionnellement, La Poste sera présentée par une femme, Martine Gruss, et ce, avec neuf chevaux, en 1981. Le numéro présenté par Stephan Gruss, revendiqué comme une spécialité de la famille, du jonglage sur cheval, permet d'obtenir le Grand Prix National du Cirque en 1995.

En 1984, le Ministère de la Culture propose de lier le Cirque à l'ancienne par un contrat, en fondant l'association Le Cirque national français, présidée par Dominique Mauclair. En 1987, des mesures prises par François Léotard, Ministre de la Culture et de la Communication, limitent les portées de cette labellisation.

[1] Données fournies par Adrian, « Le Label Gruss », dans Jean-Pierre Vivier (dir), Alexis Gruss, Cirque National à l'Ancienne, Pont L'abbé, Couleur Cirque, 1996, p. 15.

[2] Alexis Gruss et Joëlle Chabert, Rêver les yeux ouverts, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, p. 84.

[3] Ronan Desforges, « Alexis Gruss, une tradition revisitée », Paris, Arts de la piste, n° 20, HorsLesMurs, juillet 2001, p. 36.

[4] Jean Eden, « Du Gradin à la piste, ou les souvenirs inspirés d'un pantre devenu "pro"... », dans Jean-Pierre Vivier, Op. cit. , p. 27.

[5] Alexis Gruss et Joëlle Chabert, Op. cit., p. 120.

[6] Ronan Desforges, Op. cit., p. 36.

[7] Autrement dénommé Le postillon de Longjumeau, La fuite du Pacha ou La poste. L'écuyer est debout sur deux chevaux et les maintient suffisamment éloignés l'un de l'autre pour laisser le passage à d'autres chevaux dont il doit saisir les rênes de façon à constituer un attelage.

[8] Numéro créé par la famille Gruss, qui présente trois cavaliers côte à côte, sautant sur le dos d'un cheval tournant dans la piste.

Martine Maleval

Transcription

Présentateur
Maintenant tout à fait autre chose, nous allons parler de cirque avec l’amoureux du cirque de notre maison. c’est Pierre Dangas qui a rencontré à Toulon un cirque pas comme les autres, le cirque Grüss est un cirque à l’ancienne mais hélas, ce cirque est déjà parti, il a repris la route.
(Musique)
Pierre Dangas
Comme si elle sortait d’une gravure d’autrefois, l’écuyère romantique danse sur un panneau. Un des derniers et grands Auguste du répertoire lui, se maquille en piste tandis que tourne un superbe pas de six à cheval. Voilà le cirque à l’ancienne tel que nous l’offre la famille Grüss. Un spectacle 100% français qui n’est pas une suite de numéros mis bout à bout mais qui est un tout, la recherche des costumes et de la mise en scène ajoutant à la beauté des exercices les plus difficiles.
Alexis Grüss
Je fais du cirque tel que je l’aime, je pense que le cirque que j’aime, c’est le cirque d’autrefois. Cirque à l’ancienne ne veut pas dire vieux cirque. Le cirque à l’ancienne, c’est un cirque moderne ne serait-ce que par les moyens techniques, par les éclairages mais c’est dans la plus pure tradition. La pure tradition ne veut pas dire non plus de faire toujours la même chose, il faut innover, il faut remettre les choses au goût du jour parce que les modes changent, le public change et il faut s’adapter. Le cirque, c’est un spectacle en direct hein, c’est un spectacle vivant, c’est un spectacle où on n’a pas besoin de dire, c’est unique au monde, c’est sensationnel. C’est je crois que c’est le public qui doit juger la qualité des numéros et on n’a pas besoin de leur dire. Si c’est bon, il le voit tout de suite.
Pierre Dangas
Finalement ça va être plus difficile ?
Alexis Grüss
Ah, c’est pas facile. Quand vous voulez changer les choses, vous savez pour partir cette année, c’est la première tournée du Cirque National cette année. Et bien, pour partir en saison, je me suis entouré de gens qui n’étaient pas des gens de cirque. Du palefrenier à l’administrateur, ce sont des gens qui aiment le cirque, qui s’intéressent au cirque depuis des années et qui ont eu l’occasion cette année de partir avec un cirque. Ce sont des gens que j’ai formés.
Pierre Dangas
Partenaire de l’homme, le cheval tient une place très importante dans ce spectacle. Un spectacle où la voltige, le double jockey ou les poses équestres sont autant de numéros presque oubliés que l’on retrouve avec un plaisir qui n’a pas de prix. Grâce à l’aide du Ministère de la Culture, le Cirque Grüss devenu peu national, est le seul à pouvoir nous l’offrir. Le coût de ce spectacle exceptionnel, le voici. C’est la poste à 7 chevaux, numéro rarissime en raison de sa difficulté et de la résistance physique qu’il demande. Martine Grüss, debout sur 2 chevaux fait passer entre eux et donc entre ses jambes 5 autres chevaux dont elle saisit les rennes jusqu’à former un attelage. Rien que pour cette prouesse, le Cirque à l’ancienne Grüss mérite le déplacement à Toulon, Toulon où il est installé pour une semaine encore. Et c’est de l’ensemble du spectacle que se dégage un véritable bonheur pour tous les amoureux du cirque bien sûr mais surtout pour ceux qui, trop souvent déçus ont perdu l’habitude de venir au cirque. Le cirque est avant tout un art. Merci Alexis Grüss d’être là pour nous le rappeler.
(Musique)