Le maître du mime Etienne Decroux
Notice
Considéré à juste titre comme le grand rénovateur du mime, Étienne Decroux réalise ici quelques démonstrations et s'explique sur son art de l'acteur.
Éclairage
Etienne Decroux (1898-1991) exerce différents métiers (bâtiment, apprenti boucher...) avant d'être mobilisé pour trois ans en 1917, comme brancardier et aide-soignant, entre autre.
Adepte de Proudhon, il fréquente les milieux libertaires. Se destinant à une carrière politique et voulant devenir orateur politique, il répond à une petite annonce qui propose une formation gratuite pour tenir le rôle de figurant au théâtre du Vieux Colombier. Il est admis en 1923 à l'Ecole du Vieux Colombier, dirigée par Jacques Copeau. Il y découvre, ébloui, des « scènes sans paroles » que les élèves composaient « corps nus, faces voilées » [1].
En 1925, il fait ses débuts au théâtre, chez Louis Jouvet et Gaston Baty. Puis il obtient son premier rôle chez Dullin.
En 1931, il crée son groupe théâtral, « Une graine ».C'est à partir de cette année-là qu'il commence à créer ses premières pièces et à élaborer avec Jean-Louis Barrault, fraîchement arrivé chez Dullin, les bases de son Mime corporel (entre autre la marche sur place).
Acteur de théâtre, il travaille avec Charles Dullin, Louis Jouvet, Antonin Artaud. Il est aussi acteur de radio, et de cinéma. Il tourne entre autre réalisateurs, avec Pierre Prévert, Jean Vigo, Jacques Becker, Henri Georges Clouzot, Claude Autant-Lara, Marcel Carné (pour lequel il incarne aux côtés de Jean-Louis Barrault, le père de Jean-Gaspard Debureau dans Les Enfants du Paradis en 1943).
En 1943, Dullin invite Etienne Decroux à enseigner à l'école de l'Atelier, où Marcel Marceau suivra ses cours (entre 1944 et 1948).
A partir de 1945 il se consacrera à ses recherches et ses créations. Il fait la rencontre d'Edward Gordon Craig et sera très inspiré par ses écrits à propos de la sur-marionnette. L'énigme qui plane sur la définition de cette sur-marionnette a nourri l'utopie d'acteur d'Etienne Decroux. Pour lui sont nécessaires conjointement : une recherche, l'élaboration d'une discipline d'acteur aux bases solides et claires, la création d'une école, et des partis-pris d'analyse, d'articulation du corps, et de décomposition-recomposition du mouvement. Il fera appel aux vertus du masque pour redonner la primauté au corps sur le visage et les mains qu'il juge trop bavards, au silence par une soustraction temporaire de la parole, à la patience dans la durée, à la notion de figure en privilégiant la statue en mouvement plutôt que le personnage.
Dans son livre Paroles sur le mime [1], p41, il énonce : « le théâtre c'est l'art d'acteur », son corps en est le premier matériau : « Dans notre art, le corps de l'homme est la matière, il faut que ce soit lui qui imite la pensée ».
En opposition à la pantomime du XIXe siècle, il élabore l' « ABC » d'un mime qu'il nomme corporel et dramatique, une grammaire, une syntaxe : une véritable anthropologie de l'acteur, active et efficace pour les acteurs contemporains.
Tout au long de sa vie, il créera plus de 80 pièces, dont certaines constituent un répertoire enseigné encore aujourd'hui (par certains de ses anciens assistants, dont, le Théâtre de l'Ange fou, Thomas Leabhart, Jean Asselin et Denise Boulanger...). Les thèmes font référence à l'homme en lutte (Le passage des hommes sur la terre), au portrait de la pensée (Méditation), au travail (L'Usine, Le Menuisier), à l'engagement politique (Le lyrisme politique), aux rapports amoureux (différents duos), à l'absence (Le fauteuil de l'absent)...
Des tournées auront lieu en Israël, Hollande, Suède, Suisse, Scandinavie, Belgique, Angleterre, USA etc...
Il sera invité à enseigner à l'étranger dans des écoles ou des théâtres renommés : au Piccolo Teatro di Milano par Giorgio Strehler (1953-54), à l'Actor's studio à New-York par Lee Strasberg (1957-58), aux Universités de Waco (Texas) et de New-York (1959), et dans les lieux de ses tournées.
[1] Paroles sur le Mime, Librairie Théâtrale, 1963.