Guignol

29 avril 2001
03m 44s
Réf. 00849

Notice

Résumé :

En 2001, le festival lyonnais Moisson d'Avril veut dépoussiérer Guignol : en salle ou en plein air, enfants et adultes réunis assistent aux spectacles de la compagnie Les Zonzons, du Théâtre Chignolo, des Petits Bouffons de Paris. Jean-Guy Mourguet, descendant du créateur de Guignol, évoque la genèse locale de son compère Gnafron, alors que pour Simone Blazy, conservateur du musée Gadagne, les marionnettes ont le talent de refléter toutes les préoccupations humaines.

Date de diffusion :
29 avril 2001
Source :

Éclairage

L'ancien canut lyonnais, Laurent Mourguet (1769-1844), a créé le personnage de Guignol au début du XIXe siècle. Aucun document n'atteste 1808 comme année de naissance, mais cette date a été choisie pour la célébrer. Au chômage, Laurent Mourguet devient marchand forain puis arracheur de dents et utilise la marionnette de Polichinelle pour séduire la clientèle. Son jeu attirant plus de personnes que sa pratique dentaire, il se consacre au théâtre de marionnettes en s'adjoignant les services de Grégoire Lambert Ladré, dit le père Thomas, amuseur public et violoniste, pour dialoguer avec Polichinelle comme le voulait la coutume. Le père Thomas, porté sur la bouteille, est souvent absent au moment voulu, ce qui aurait conduit Mourguet à sculpter la marionnette de Gnafron à son image – il sera affublé d'un gros nez rouge. Gnafron est savetier (gnafre, en parler lyonnais). Quelques années plus tard, Mourguet crée Guignol, véritable autoportrait d'un jeune homme au visage rond, petit nez, et larges yeux en amande, dont le métier change selon les histoires mais qui est le plus souvent domestique.

Le costume de Guignol est toujours le même, une redingote, un gilet marron avec des boutons dorés et un bonnet de cuir. Il est aussi caractérisé par son « salsifis », une tresse de cheveux enrubannée. Son accessoire préféré est très célèbre : un long bâton, appelé tavelle mais aussi racine d'Amérique, ou éventail à bourrique, ou suc'de pomme, ou picarlas, fendu sur la longueur pour claquer fortement lorsqu'il est frappé sur l'étroite surface horizontale de la scène, la « bande ». Guignol s'en sert surtout contre les voleurs, les propriétaires, ou les gendarmes à la grande joie des spectateurs.

Sur le plan technique, c'est une marionnette à gaine lyonnaise : elle n'a pas de jambes et le marionnettiste glisse sa main dans l'étui de tissu qui lui tient lieu de corps en enfilant ses doigts dans des cônes de cuir pour manipuler les bras et la tête – le pouce pour le bras gauche, l'index pour la tête, le majeur, l'annulaire et l'auriculaire pour le bras droit. Cette technique s'est imposée rapidement dans toute la France au XIXe siècle et le terme de guignol a souvent été employé comme synonyme de marionnette à gaine.

Le succès de Guignol fut immédiat, le public populaire se reconnaissant dans ce nouveau personnage naïf et rusé qui partage ses préoccupations et parle sa langue. Plusieurs générations de marionnettistes descendants de Laurent Mourguet ont improvisé, chaque soir, devant les ouvriers et les dockers lyonnais en intégrant les événements locaux aux canevas de leurs histoires. Puis Guignol connaît bien des aléas : la censure du Second Empire, l'éloignement de sa région natale, les changements de public, un répertoire édulcoré... Jusqu'à ce que Jean-Guy Mourguet lui redonne, à Lyon, dans les années 50, son esprit mordant d'origine et refasse quelques adeptes parmi des professionnels convaincus de sa survie nécessaire.

Evelyne Lecucq

Transcription

(Musique)
Comédien 1
Ouh la la ouh la la ouh la la ouh la la ouh la la, que des amis partout, on m’a mis des amis partout, ouh la la !
Filip Auchère
Guignol est la tête de proue de ces marionnettes en France notamment, et connu mondialement. Donc il me semblait normal qu’après toute ces années où on n’en parlait plus, où on le décriait, où on le trouve ringard, il prenne un peu, pas une revanche parce que ça lui va pas ; mais il montre qu’il existe et qu’il existe bien fort et qu’il peut fédérer, fédérer des compagnies.
Comédien 1
Ouh là, la sale bête ! [Inaudible]. Atchoum ! Nettoyez le trou de la narine !
Gui Baldet
La rencontre de la marionnette s’est faite tout bêtement à l’école communale où j’avais à peu près 10 ans et j’ai rencontré Guignol sous le préau de l’école. Et le lendemain pratiquement, j’ai commencé à en faire un en papier mâché, en plâtre, en bois et le virus a été attrapé.
Comédien 1
Paraît que vous êtes malin ?
Comédien 2
Ah oui, moi, je suis malin !
Comédien 1
Vous êtes intelligent ?
Comédien 2
Oui, je suis intelligent ?
Comédien 1
Comme trois cent kilos de bananes ?
Comédien 2
Oui, au moins ! Mais non !
(Bruit)
Gui Baldet
C’est le propre de Guignol de réunir le petit-fils est le grand-père, sur une place publique, quand il y a tous publics. Tous les deux, tout d’un coup, ils partagent la même chose.
Inconnus
Guignol, Guignol, Guignol, Guignol !
Comédien 3
Attendez ! Oh, mais c'est pas du jeu, il est parti celui-là !
Comédien 4
Minou minou, Minouchet, eh ! Vous avez pas vu Minouchet ?
Inconnus
Non !
Comédien 4
Ben c’est pas vrai ! Minouchet où es-tu ? Minouchet !
Jean-Guy Mourguet
Guignol est né après Gnafron, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai préféré prendre Gnafron puisque c’est le plus, c’est le plus ancien. Mourguet avait un comparse, je dirais pas dans la salle puisqu’il a commencé dans des jardins ou dans des terrains vagues, mais il avait un comparse qui apostrophait les marionnettes, qui était le Père Thomas. Et ce Père Thomas aimait assez le vin rouge et venait ou ne venait pas suivant son état d’ébriété, comme on dit à présent. Et les jours où il ne venait pas, Mourguet était embêté parce que c’était quand même un élément comique qui lui manquait. Il a donc eu l’idée de faire une marionnette pour remplacer ce fameux Père Thomas. Il en a donc fait Gnafron, et c’est pour ça qu’il l’a appelé Gnafron, puisque gnafre en lyonnais, ça veut cordonnier, le Père Thomas était cordonnier j’ai oublié de vous le dire, et Gnafre rond, bien entendu parce qu’il buvait. Et puis ce Gnafron avait l’accent lyonnais, plaisait ou s’est mis à plaire aux lyonnais plus même que le Polichinelle que, avec lequel à cette époque Mourguet jouait ; et il s’est dit ben dans le fond, s’ils aiment mieux l’accent lyonnais, peut-être faudrait-il mettre deux lyonnais face à face.
Comédien 5
Eh bien voilà, eh bien voilà c’est gagné, encore une histoire qui commence bien tiens, c’est toujours pareil avec toi !
Comédien 6
Attends voir, c’est pas rien de ma faute si elle est tombée en panne, bon sang.
Comédien 5
Ça c’est de la mienne, si tu la faisais réviser de temps en temps ta vieille guimbarde, ça n’arriverait pas si souvent, hein !
Comédien 6
Et dis voir, je la révise moi-même ma vieille guimbarde.
Simone Blazy
La marionnette est une forme de théâtre et donc comme telle, elle est l’expression de tous les sentiments, toutes les préoccupations des différentes cultures. Et elle va du répertoire religieux comme celui du wayang golek, que vous voyez ici pour Java avec ces merveilleuses marionnettes à tige, ou bien aux marionnettes africaines avec des pouvoirs magiques. Donc un répertoire religieux mais aussi donc un répertoire ludique, un répertoire d’information, un répertoire pédagogique, c’est l’expression encore une fois de tous les sentiments et de toutes les préoccupations qui peuvent être celles de l’homme, quels que soient sa culture et son pays.