Rudolf Noureev au travail à la barre
Notice
Noureev est vu ici travaillant seul en studio, à la barre entouré de danseuses, ou bien filmé au ralenti exécutant de superbes entrechats et ronds de jambe, ou encore en « tatar » souriant, un turban sur la tête.
Éclairage
Ces images sont celles que l'on découvre au début du film de Pierre Jourdan Je suis un danseur, accompagnées d'un texte de Jean Cau dit en voix off par Laurent Terzieff. Tourné pour l'ORTF en deux versions, noir et blanc et en couleurs, et diffusé en 1970, ce film fut racheté et modifié par EMI à Londres en 1972 qui le publia sous le titre I am a dancer et les scènes les plus belles, vues ici, furent définitivement supprimées.
Le document de Pierre Jourdan nous montre en effet un Noureev au naturel, travaillant sa barre ou exécutant quelques enchaînements en studio, filmés au ralenti, scènes d'entraînement rares, où l'on peut voir en gros plans aussi bien les pieds de Noureev dans des chaussons usés par les répétitions, que son magnifique visage, cheveux en liberté, ou en « tatar » selon Jean Cau, un foulard chamarré autour de la tête, riant aux éclats, et en rien sauvage et féroce comme l'affirme le commentaire. Au sommet de sa forme et de sa gloire, ce Noureev de 32 ans se montre sous son jour le plus séduisant.
C'est ce commentaire de Jean Cau à la première personne comme émanant de Noureev lui-même qui irrite le danseur. Noureev fait racheter la version en couleurs du film de Pierre Jourdan par un producteur anglais et en modifie le contenu. Il conserve fort heureusement tout le second acte de La Sylphide de Bournonville qu'il danse avec Carla Fracci (dans un décor de forêt romantique peuplée de sylphides aériennes d'après l'original de Ciceri) et, document encore plus inestimable, le ballet entier Marguerite et Armand que Fréderic Ashton a conçu pour lui et Margot Fonteyn - tous deux sublimes - sur la Sonate de Frantz Liszt. Mais Noureev supprime les passages les plus intéressants du début du film de Pierre Jourdan, ne conserve que son travail à la barre avec les filles, et remplace les séquences coupées par de longues et ennuyeuses scènes de répétitions de Fields Figure, un ballet que Glen Tetley crée alors pour lui. I am a dancer qui comporte un commentaire différent, plus sobre, en anglais, s'achève en revanche par un très beau pas de deux en décors et costumes de La Belle au bois dormant, tourné à Londres avec Lynn Seymour.
Bien que dit avec la plus grande sobriété par Laurent Terzieff, le texte de Jean Cau sonne en effet étrangement aujourd'hui, quand le monde entier connaît la personnalité de Noureev. Il est regrettable que ceux qui ont vu I am a Dancer pensent que ce film est la simple traduction de Je suis un danseur alors que les deux films sont à trente pour cent différents.
Ce cas n'est pas unique : Patricia Foy réalisa un documentaire de référence sur Rudolf Noureev avec la participation du danseur, dont les commentaires en anglais sont toujours extrêmement pertinents. Film anglais produit et publié en VHS par Universal en 1991. Mais en juillet 1992, Patricia Foy vient à nouveau interviewer Rudolf Noureev, déjà malade, chez lui quai Voltaire, pour qu'il dise lui-même le texte de la version française de ce documentaire. Or les commentaires de Rudolf Noureev sont différents, et les séquences tournées à Paris (qui remplacent d'autres filmées dans son île de Galli) le montrent les traits tirés, fatigués, nettement marqués par la maladie, mais l'œil et l'esprit toujours aussi vifs et narquois.
Tout admirateur de Rudolf Noureev se doit de posséder les deux versions françaises et anglaises des films de Pierre Jourdan et Patricia Foy. Car attention, un Noureev peut en cacher un autre !