Balanchine : "je suis un chorégraphe classique"

15 février 1977
01m 39s
Réf. 00970

Notice

Résumé :

Interviewé sur un plateau de danse, pendant que des artistes du NYCB traversent le plateau ou s'échauffent derrière lui, George Balanchine dans ce document en couleurs diffusé en février 1977, réponds en français à son interlocuteur qui lui pose deux questions précises : « La danse, qu'est-ce que c'est pour vous ? » et « George Balanchine, est-ce que vous vous considérez comme un chorégraphe classique ou moderne ? ». Le chorégraphe répond qu'il n'y a pas de mot pour définir la danse et qu'il ne connaît que la danse classique sur pointes.

Date de diffusion :
15 février 1977
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Éclairage

Figure noble , cheveux blancs, veste bleu et large cravate-foulard dénouée selon son habitude, George Balanchine explique que pour lui « la danse c'est la danse », qu'on ne peut l'expliquer, que ce n'est pas une « émotion » comme lui suggère son interlocuteur mais « motion », c'est-à-dire mouvement, et que la musique en est la base (Voir Agon, Balanchine et Xenakis).

Plus intéressante est sa réponse à la question « êtes vous moderne ou classique ? ». A cette interrogation Balanchine répond par une autre : « Moderne c'est quoi ? Moderne c'est  « moment » et « passé », donc déjà ancien. Moderne c'est quoi, aujourd'hui ou demain ? Moderne c'est Martha Graham, la danse sans soulier. Moi je suis plutôt classique, je connais seulement la danse sur les pointes ».

Balanchine admire cependant Martha Graham et en 1959 l'invite avec sa compagnie pour créer conjointement avec le NYCB Episodes sur des musiques d'Anton Webern au City Center.

Doit-on considérer George Balanchine comme le plus Russe des chorégraphes américains, ou le plus américain des russes ?

Né à Saint-Pétersbourg , élève de l'Ecole du Théâtre Mariinski, amené jeune élève à danser dans les productions originales de Petipa (La Belle au Bois Dormant et Casse-Noisette, ballet auquel il restera toujours très attaché), George Balanchine serait peut-être resté en URSS si ses premières chorégraphies n'avaient dérangé les autorités par ses audaces. Il profite alors d'une tournée à l'étranger pour gagner Monte-Carlo et se faire engager par Diaghilev.

Si Diaghilev peut fonder ses Ballets Russes en 1911 à l'Opéra de Monte Carlo, grâce à son directeur Raoul Gunsbourg, ses danseurs doivent en contrepartie assurer tous les intermèdes des opéras pendant la saison lyrique de Monte Carlo. On oublie en général que George Balanchine assure toutes ces chorégraphies entre 1924 et 1929, (Faust, Carmen, Rigoletto, etc...) soit plus de trente divertissements d'opéras en cinq ans, sans oublier la première mondiale de L'Enfant et les sortilèges de Colette et Ravel en 1925, où Balanchine double chaque chanteur par un danseur sur scène.

Dans le même temps Balanchine crée d'importants ballets pour Diaghilev et effectue sa première incursion dans la comédie-musicale, en participant dès 1929 à la Revue de Charles Cochran à Londres avec Wake up and dream sur une musique de Cole Porter.

Naturalisé Américain en 1939, George Balanchine n'est pas le premier Russe à créer une école aux Etats Unis. Deux des solistes de la Saison Russe de Diaghilev en 1909, s'implantent les premiers aux Etats Unis : Adolf Bolm est à l'origine du Ballet de San Francisco fondé en 1933 et c'est lui qui crée un an avant Balanchine Apollon Musagète de Stravinski, à Washington en 1928, tandis que Mikhaïl Mordkin, précurseur de l'American Ballet Theatre, fonde sa première compagnie à New York en 1926.

Mais tandis que Bolm et Mordkin réussissent surtout comme professeurs de tradition russe, George Balanchine impose un style nouveau. Si ses grandes géométries s'inspirent de Petipa, l'esprit de ses ballets est totalement imprégné par la réalité américaine. Il est le premier à créer une danse classique américaine durable, perpétuée par une troupe nationale, le New-York-City-Ballet dont il fut pendant plusieurs décennies l'unique chorégraphe, avant de se choisir comme associé Jerome Robbins. Tous deux sont fondamentalement classiques, totalement novateurs et typiquement américains.

René Sirvin

Transcription

Journaliste
La danse, George Balanchine, qu’est ce que c’est pour vous ?
George Balanchine
C’est la danse.
Journaliste
C’est votre seule définition ?
George Balanchine
Oui, seule définition. La danse, c’est la danse. Et danse, il n’y a pas de mot, il n’y a pas de parole. On ne peut pas expliquer par…, écrire quelque chose. Mais souvent, c’est les écrivains qui écrivent parce qu’ils ne peuvent pas danser, vous voyez ?
Journaliste
Vous ne voulez pas parler de la danse où vous ne pouvez pas ?
George Balanchine
Je ne peux pas !
Journaliste
C’est une émotion la danse.
George Balanchine
Ce n’est pas une émotion, c’est motion. C’est ce moment, alors, il faut regarder, c’est les yeux, il faut voir et surtout c’est la musique.
Journaliste
Balanchine, est ce que vous vous considérez comme un chorégraphe classique ou moderne ?
(Silence)
George Balanchine
Moderne, c’est quoi ? Moderne, c’est le mot même est passé, c’est déjà ancien. Le mot n’est…, je ne comprends pas ce que c’est moderne. Moderne, c’est quoi ? C’est aujourd’hui ou c’est demain, qu’est ce que c’est ? Voilà, moi je vais demander si quelqu’un peut m’expliquer. Mais je suis peut-être plutôt classique naturellement. Moderne vous dites, Martha Graham ? Modernisme dans la danse, c’est sans souliers de danse et peut-être, c’est sans vêtements. Moi, je connais seulement la danse sur les pointes surtout.