Gabriel Dussurget évoque la fondation du Festival d'Aix-en-Provence

22 juillet 1992
02m 54s
Réf. 01062

Notice

Résumé :

Devant une bastide provençales, Eve Ruggieri interroge Gabriel Dussurget qui fut le fondateur et directeur artistique du Festival d'Aix-en-Provence. Ce dernier évoque les débuts de la manifestation, notamment la question de son financement et la première programmation consacrée à Mozart, pour lequel il confesse sa passion.

Date de diffusion :
22 juillet 1992
Source :

Éclairage

C'est en 1948 que Gabriel Dussurget et Henri Lambert, qui avaient leurs habitudes en Provence, décident de fonder un festival d'art lyrique à Aix-en-Provence sous l'impulsion de la comtesse Pastré. Grâce à un financement assuré principalement par le casino de la ville, les initiateurs de la manifestation donnent quelques représentations de Cosi fan tutte de Mozart dans la cour de l'ancien Palais de l'Archevêché, où une scène a été improvisée.

Les représentations ayant connu beau succès, le Festival prend de l'ampleur dès l'année suivante : on construit une cage de scène dans la cour de l'Archevêché et l'on y donne une nouvelle production de Don Giovanni de Mozart, dont la réalisation des décors a été confiée au peintre Cassandre. Ce spectacle va rapidement devenir légendaire, et il sera régulièrement repris à Aix pendant 23 ans. La manifestation a dès lors trouvé son identité : elle met Mozart au centre de sa programmation et défend ses chefs d'œuvre avec de jeunes artistes lyriques que Dussurget déniche avec beaucoup de flair. Il invite ainsi des chanteurs au début de carrières qui vont s'avérer mirifiques, notamment la soprano Teresa Stich-Randall, la mezzo-soprano Teresa Berganza ou le baryton Gabriel Bacquier.

Le Festival d'Aix deviendra bientôt le principal festival d'art lyrique français, faisant jeu égal avec ses grands homologues européens à Salzbourg, Bayreuth et Glyndebourne. Aujourd'hui, la manifestation existe toujours et s'est considérablement développée. Mais le nom de Gabriel Dussurget demeure comme une référence absolue. D'autant qu'en plus d'être directeur artistique du Festival d'Aix, Dussurget devait aussi occuper cette charge à l'Opéra de Paris de 1959 à 1972, date à laquelle il quitte aussi la direction du festival provençal.

Alain Perroux

Transcription

(Musique)
Eve Ruggieri
Gabriel Dussurget, 45ème édition du Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-provence.
Gabriel Dussurget
Non, en fait c’est le 44ème mais enfin, il vaut mieux dire 45, ça fait un compte rond.
Eve Ruggieri
Voilà, ça fait un compte rond, en tout cas, là…
Gabriel Dussurget
Depuis 48 !
Eve Ruggieri
Voilà, 1948, premier Festival, c’est vous qui le créez,
Gabriel Dussurget
Oui,
Eve Ruggieri
Et j’aimerais que vous me, quand on dit 1948, ça vous évoque quoi ?
Gabriel Dussurget
Ben c’est l’après-guerre, l’envie de faire quelque chose. Une liberté qui était nouvelle, parce qu’on avait eu quand même 4 ans de guerre, et on avait été très contraints. Et puis un jour, la Comtesse Pastré, qui avait un petit château à Marseille, nous a invité, avec mon ami Henri Lambert à venir passer Noël. Et à cette soirée de Noël, un Monsieur me dit, il faut faire un Festival à Marseille. Alors, comme Marseille ne nous inspirait pas, la Comtesse me dit, écoutez, on va aller demain à Aix-en-Provence. Alors, nous sommes venus à Aix, et nous avons découvert cette ville, on la connaissait en passant, et on a trouvé l’Archevêché, on s’est dit, c’est là qu’il faut faire le théâtre. Et puis après, on s’est dit, ce n’est pas le tout mais il faut trouver de l’argent. Alors, je suis allé au Casino, et là, j’ai rencontré Monsieur Bigonnet, qui était du Conseil d’Administration du Casino, et qui m’a dit, ben écoutez, faites-nous un programme et puis on verra. Puis, il a dit oui, parce que évidemment, sans ce Monsieur, c’est à lui qu’on doit le Festival.
Eve Ruggieri
Comme premier mécène !
Gabriel Dussurget
Le premier mécène, parce que sans lui, on n’aurait rien fait.
Eve Ruggieri
Et le premier programme ?
Gabriel Dussurget
Alors, le premier programme, je voulais Mozart d’abord parce que j’aimais Mozart. Et puis qu’ensuite, jamais on ne donnait Mozart en France, jamais avant la guerre ! Entre les deux guerres, on donnait quelquefois Les Noces de Figaro en français, c’était Reynaldo Hahn qui faisait ça. J’ai une passion pour Mozart, vous savez, je connais. Si je me suis mêlé de faire ces opéras, c’est parce que je les connaissais bien. Que je suis allé à Salzbourg, à l’ouverture de Salzbourg, et j’y étais fidèlement. Mais tout, mais seulement, justement, j’ai voulu faire d’autres Mozart. Parce que à Salzbourg, la tradition voulait que, par exemple, Hanna soit une grosse dame, et c’était un grand soprano dramatique. Et mon Dieu, elle a l’âge de Zerline. Et pour la première fois, j’ai pris des jeunes femmes qui, parce que Zerline et Hanna sont les deux violées, Don Juan n’aurait pas choisi une grosse vache !