La Traviata mise en scène par Maurice Béjart

28 février 1973
03m 12s
Réf. 01104

Notice

Résumé :

Maurice Béjart s'attaque pour la première fois en 1973 à la mise en scène d'un opéra, l'emblématique Traviata de Verdi, au Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles. Le Chorégraphe évoque sa conception de l'œuvre, dont on retrouve de courts extraits filmés.

Date de diffusion :
28 février 1973
Source :
ORTF (Collection: JT 13H )

Éclairage

Maurice Béjart, créateur du "Ballet du XXe siècle", phare de la danse contemporaine des années 1960 à 1990 - non seulement en Belgique, où il installa sa compagnie à La Monnaie de Bruxelles en 1960 - et en France, mais bien dans le monde entier, s'est intéressé de tout temps à l'univers de l'opéra, et en particulier à ses plus grands mythes, Don Giovanni, Tristan et Isolde et Faust. Il ne mit jamais en scène ces deux derniers opéras, se contentant de créer un ballet sur des extraits de Tristan et les Wesendonck Lieder (Mathilde), un autre sur des extraits de Tristan et de Parsifal (Les Vainqueurs), et de construire un Notre Faust baroque et fort personnel sur la Messe en Si de Jean Sébastien Bach et des tangos argentins. En revanche il met effectivement en scène le Don Giovanni de Mozart au Grand Théâtre de Genève pour inaugurer le directorat de Hugues Gall en 1980. Il y réalise également une production de Salomé de Richard Strauss qui fait évènement en 1983. Mais c'est sa Traviata - produite à La Monnaie de Bruxelles le 27 février 1973, et reprise à Paris la même année au Théâtre des Champs-Elysées pour le Festival d'Automne - qui signe sa première incursion dans le monde de l'opéra, qu'il n'avait fait que côtoyer avec sa production de La Damnation de Faust de Berlioz à l'Opéra de Paris en 1964.

Pour faire vivre et mourir l'héroïne de Verdi la plus transgressive de son époque, Béjart installe, avec l'aide de Thierry Bosquet, le décorateur attitré de La Monnaie, l'œuvre dans un décor unique reproduisant la salle même de l'Opéra de Bruxelles, vue comme miroir de la société bien pensante qui s'offusquera toujours du profil social de son héroïne. Au milieu d'un foisonnement de personnages aux costumes alliant lourdeur néobaroque et modernité contemporaine, Violetta Valery entre en scène dans un cercueil (référence à Sarah Bernhardt), meurt debout, comme l'Isolde de Wieland Wagner, et apparaît comme une figure féministe engagée et libre, seule au milieu de gens du monde et de mannequins de cire que fait tournoyer un danseur qui semble la projection de ses sentiments intimes, jusqu'à paraître nu quand, idole convoitée au centre d'une roulette gigantesque, elle devient la victime absolue de la société contemporaine. La production, très remarquée, vaut surtout pour elle-même, et sa manière personnelle de faire éclater les conventions de l'opéra. Ses qualités musicales ont été moins acclamées, la distribution n'ayant pu proposer de valeurs exceptionnelles, hors une jeune cantatrice grecque, Vasso Papantoniou. Le choix de Béjart de confier la direction musicale à Manos Hadjidakis, le compositeur grec dont il chorégraphia plusieurs partitions (Les Oiseaux, Dionysos, L'ange Heurtebize), s'est avéré malheureux.

Pierre Flinois

Transcription

(Musique)
Maurice Béjart
L’opéra me fascine, je l’aborde rarement, parce que je veux d’abord faire du ballet pour ma compagnie, mais l’opéra est quelque chose d’extraordinaire. C’est un monde à la fois mort, désuet et très vivant et plein de vitalité. Dans Verdi, il y a une espèce de force très, très curieuse. C’est le miroir d’une époque. Je crois que La Traviata prend la valeur d’un symbole et d’un mythe d’une société bourgeoise, XIXe siècle, qui vit dans des théâtres dorés à la fois extraordinaires, oniriques et démodés. Et c’est vraiment, le miroir social, le témoin social d’une époque.
(Musique)
Maurice Béjart
Vis-à-vis d’un vieil abonné d’opéra, ça paraîtra complètement différent, étrange, peut-être aberrant. Mais en même temps, je crois que j'ai surtout cherché à ne rien ajouter qui ne soit dans le sujet, dans la partition ou dans l’époque. J’ai extrait l’univers onirique et subconscient qui existe dans La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas et dans la musique de Verdi.
(Musique)
Maurice Béjart
Pour moi, La Dame aux Camélias , c’est Sarah Bernhardt, c’était la première hippie de son époque, enfin, une femme merveilleuse ; et qui souvent dormait, et se transportait dans un cercueil. Il y a plein d’allusions à Sarah dans la mise en scène.
(Musique)
Maurice Béjart
Ce qui me plaît dans cette pièce, c’est le côté mythique. Pour moi, l’opéra, ce sont les mythes. Don Juan , c’est Tristan et La Traviata est un mythe et c’est pour ça que je l’ai prise. Et les mythes ne meurent pas. Alors qu’au fond, les héros, les deux garçons, c’est rien, ils meurent, mais elle est immortelle.
(Musique)
Journaliste
Avec l’arrivée de Rolf Liebermann, peut-on espérer voir Béjart un jour à l’Opéra de Paris ?
Maurice Béjart
J’espère que Liebermann fera des belles choses à l’Opéra de Paris, il a beaucoup travaillé à Hambourg mais personnellement, moi je suis très heureux à la Monnaie, je ne compte pas changer.
(Musique)