Sir Georg Solti répète Don Giovanni de Mozart

28 février 1996
02m 07s
Réf. 01110

Notice

Résumé :

Entre quelques instants de répétitions de Don Giovanni pour le concert qui doit marquer la réouverture du Palais Garnier en 1996 après 2 ans de travaux, Sir Georg Solti évoque sa première soirée de chef d'opéra avec le même Don Giovanni à Budapest, le terrible soir de l'Anschluss autrichien, le 11 mars 1938.

Date de diffusion :
28 février 1996
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Le 30 mars 1993, l'Opéra Garnier se ferme à l'opéra sur décision politique : il s'agit d'assurer définitivement la suprématie pour l'art lyrique de l'Opéra Bastille, fort contesté pour son acoustique et sa taille. L'opéra Garnier, lieu ancien et prétendument démodé, garde le ballet. Fin 1993, un rapport de Hugues Gall, futur Administrateur de l'Opéra de Paris, préconise pourtant sa réaffectation au genre lyrique, mais après des travaux de rénovation indispensables, travaux qui sont entrepris dès octobre 1994. C'est la quatrième campagne de travaux de restauration du bâtiment de Charles Garnier, inauguré en 1875 (les précédentes datant de 1908, de 1936 et, avec le premier ravalement des façades, de 1963) : mise en conformité de la cage de scène, toilettage de la salle. Le 1er mars 1996, Mozart reprend possession de l'illustre salle, avec un Don Giovanni en concert que dirige Sir Georg Solti, avant que la scène ne retrouve en parallèle un nouveau Cosi fan tutte, puis le Pelléas de Bob Wilson, et nombre de productions baroques, avec Rameau et Haendel...

Georg Solti est l'un des chefs les plus extraordinaires du XXe siècle. L'enregistrement de la première intégrale discographique du Ring de Wagner, la direction - 20 ans durant - de l'Orchestre symphonique de Chicago, pour 999 concerts, le fait d'avoir reçu le plus grand nombre - 31 - Grammy Awards pour ses enregistrements discographiques sont quelques-uns de ses nombreux titres de gloire. Élève de Kodaly, Bartok et Dohnanyi, répétiteur à l'Opéra de Budapest en 1930, il ne peut y diriger du fait des lois antisémites du régent Horthy, mais il assiste Toscanini au Festival de Salzbourg en 1936 et 1937. Quand enfin, le 11 mars 1938, il dirige Les Noces de Figaro à l'Opéra de Budapest, l'annonce de l'Anschluss - à l'entracte - met aussitôt fin à sa carrière locale. Après guerre, un Fidelio triomphal à Stuttgart, puis un autre à Munich le font nommer directeur musical de la Staatsoper bavaroise de 1947 à 1952, puis de 1952 à 1961 à l'Opéra de Frankfort. Sa carrière est alors essentiellement lyrique : le Covent Garden de Londres, dont il fait l'un des tout premiers opéras d'Europe, le choisit comme directeur musical de 1961 à 1971. C'est l'époque ou il réalise l'enregistrement du Ring avec le Philharmonique de Vienne pour Decca, qui le rend mondialement célèbre.

En 1969, il est nommé Directeur musical à Chicago, redonnant à l'orchestre son lustre du temps de Fritz Reiner. Une partie de sa carrière l'attache alors particulièrement aux institutions parisiennes : de 1971 à 1975, il est aussi directeur musical de l'Orchestre de Paris, et de 1973 à 1980, conseiller musical de l'Opéra de Paris pour Rolf Liebermann. Il y dirige Les Noces de Figaro inaugurales, devenues historiques, puis Moïse et Aaron, Don Giovanni, Otello, L'Or du Rhin, La Walkyrie et revient en 1980 pour d'ultimes Noces parfaitement identiques aux premières. De 1979 à 1983, il est directeur de l'Orchestre philharmonique de Londres. En 1983, ses débuts à Bayreuth pour Le Ring sont cependant un échec. La mort de Karajan en 1989 lui rouvre les portes de Salzbourg, où il dirige Un Bal masqué, La Flûte, Falstaff, Fidelio... et prend la direction du Festival de Pâques en 1992 et 1993, y dirigeant La femme sans ombre et Otello. En fin de carrière, il revient encore sur Cosi fan tutte et Don Giovanni, mais au concert seulement, comme c'est le cas au Palais Garnier en 1996, ce qui constitue l'une de ses dernières apparitions en France.

Pierre Flinois

Transcription

Présentateur
Après rénovation, l’Opéra de Paris, le Palais Garnier, s’apprête à réouvrir ses portes avec le sublime Don Giovanni de Mozart. Ce concert exceptionnel est l’occasion de la venue à Paris de l’un des plus grands chefs d’orchestre actuels, Sir Georg Solti. Toujours présents dès qu’il y a un chef, Louis Carzou et Didier Dahan ont eu le privilège de rencontrer le maestro chez lui, à Londres.
(Musique)
Journaliste
Jusqu’à épuiser sa voix, ses gestes, sa patience mais qu’importe, à 84 ans, Sir Georg Solti n’accepte pas la moindre imperfection pour son Don Giovanni . L’œuvre de Mozart dont les accords s’apprêtent à célébrer la réouverture du Palais Garnier.
Georg Solti
Vous jouez tous Forte. Dans le moment que je joue le Forte, vous ne jouez pas. Ces mesures [chant] : Forte !
Journaliste
Forte, le mot convient bel et bien au tempérament de cet homme. Tandis que Vienne, Berlin ou Chicago entretiennent encore le souvenir ému de ses passages, cet élève de Béla Bartók et de Toscanini se réfugie pour annoter inlassablement ses partitions, solitaire comme à ses débuts. Car depuis bientôt 60 ans, au fil des récompenses, le maestro cultive une passion particulière pour Mozart.
Georg Solti
J’ai eu un drôle de destin avec Mozart. Après avoir hésité pendant des années, finalement le 11 mars 1938, je dirige pour la première fois de ma vie un opéra, Les Noces de Figaro . Ce fut une nuit terrible. Les Nazis sont entrés à Vienne, c’était la nuit de l’Anschluss. Alors je me suis dit, ma vie est finie, c’est la dernière fois que je dirige.
(Musique)
Journaliste
Sir Georg Solti a triomphé de toutes les tragédies, de tous les obstacles comme la musique dans les opéras de Mozart.