Robert Cantarella met en scène Inventaires de Philippe Minyana

01 octobre 1987
02m 53s
Réf. 00029

Notice

Résumé :

Reportage sur la pièce Inventaires de Philippe Minyana, dont la mise en scène de Robert Cantarella est représentée au Théâtre du Parvis Saint-Jean à Dijon. Il comprend les interviews du metteur en scène et de l'auteur ainsi qu'un extrait du spectacle.

Date de diffusion :
01 octobre 1987
Source :

Éclairage

Né en 1946, Philippe Minyana est auteur, comédien et metteur en scène. A partir de 1979, il a notamment écrit pour le théâtre une quarantaine de pièces. Le reportage, diffusé au cours du Journal de FR3 Bourgogne du 1er octobre 1987, présente sa pièce Inventaires que Robert Cantarella met en scène au Théâtre du Parvis Saint-Jean de Dijon. Il marque la deuxième collaboration de l'auteur et du metteur en scène, dont le travail commun ne cessera au cours des années qui suivront. Créé la même année au Théâtre de la Bastille à Paris, le spectacle a remporté un grand succès auprès de la critique et du public et a accompli une tournée dans plus de cinquante villes en France et à l'étranger. Il est interprété par quatre comédiennes : Florence Giorgetti, Judith Magre, Edith Scob et Hélène Force. Pour le reportage, les trois premières parlent face caméra pour dire le fragment d'une réplique représentative de son personnage.

La pièce représente un jeu télévisé ou radiophonique qui prend la forme d'un « "marathon" de la parole » que supervise une présentatrice ou meneuse de jeu. Chaque candidate a apporté avec elle un objet qui témoigne de sa vie (une robe, un lampadaire, une cuvette). Au signal donné, le protagoniste prend la parole et raconte son histoire. Le temps de parole est donc clairement délimité.

En guise d'« inventaire », le personnage est appelé à énoncer la somme de sa vie. Philippe Minyana s'est inspiré du travail de Christian Boltanski en cherchant une forme capable de comprendre et de représenter l'existence immédiatement et dans sa totalité. Or, cette représentation ne peut être que fragmentaire et fragmentée. Les lacunes du discours renvoient aux lacunes de la langue et à celles de la mémoire. La contrainte du temps et l'attribution arbitraire et alternée de la parole à chacune des candidates donnent naissance à une parole ludique qui s'invente au gré de l'urgence. Les répliques ont l'apparence d'un flot de parole continu dont serait absent toute hiérarchie dans l'ordre des thèmes du discours. Les passages réguliers du coq-à-l'âne font se côtoyer le tragique et le comique, l'exceptionnel et le trivial. L'absence de ponctuation dans l'écriture laisse libre la comédienne de trouver le rythme de ces enchaînements.

Le dramaturge travaille à partir du matériau brut d'interviews de figures réelles et du contenu de faits-divers rapportés dans la presse. La transformation de ces éléments aboutit à une forme de réalisme poétique qui s'écarte toutefois du naturalisme : la langue est originale et le montage des répliques crée des frottements qui n'existent pas dans la réalité. L'adresse directe au public renforce ce décalage.

Les « inventaires » comprennent une parole intime qui part du corps. L'objet sert de support au dialogue du personnage avec son histoire, notamment lorsqu'il témoigne du passage du temps à travers son corps. La pièce fait aussi intervenir une parole politique qui traduit la façon dont le discours du protagoniste participe ou diffère de la communauté. Le principe du jeu convoque ainsi le tressage de l'Histoire avec les histoires.

En 1991, Jacques Renard a réalisé un film (la Sept, FR3) à partir de cette mise en scène en la faisant se dérouler à l'intérieur d'un supermarché : à l'action de la pièce s'ajoutent les réactions des clients qui passent, s'arrêtent et réagissent à ce qu'ils voient.

Pour ce texte, Philippe Minyana reçut en 1988 le Prix SACD.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentatrice
Parmi les temps forts du festival Nouvelles Scènes, la création à Dijon demain soir au parvis Saint-Jean d’Inventaire. Une pièce écrite par un jeune auteur Philippe Minyana, des vies de femmes interprétées par trois grandes comédiennes, vous allez les découvrir. Avant tout, la parole à l’auteur et au metteur en scène.
Journaliste
Philippe Minyana, vous venez d’écrire Inventaire, quel inventaire ?
Philippe Minyana
C’est l’inventaire de bouts de vie, de fragments de vie qui, c’est le tricotage entre la petite histoire ou les petites histoires intimes, personnelles qui se marient avec la grande histoire, c’est des femmes qui ont entre 50 et 60 ans, donc elles ont traversé la guerre de 45, celle d’Algérie. C’est pas ça qui est le plus important, en fait, c’est le mariage de tout ça mais il y a des objets qui sont les témoins de la vie donc autour des objets s’enroulent les évènements d’une vie complète. Enfin complète.
Journaliste
Et pour la mise en scène donc, Robert Cantarella, elle est très dépouillée, c’est volontaire ?
Robert Cantarella
C’est pas dépouillé non. Mais c’est une chose surtout très géométrique. Puisqu’au départ, Philippe a écrit un texte, disons quelque chose qu’on pourrait appeler comme des récits publics. Donc, il y a aucune interférence entre les comédiennes, c’est simplement adressé tout le temps au public. D’ailleurs, même dans la mise en scène le public sera partiellement autant éclairé que la scène dans la première partie du spectacle. Donc effectivement c’est pas dépouillé mais c’est des choses extrêmement géométriques. Elles avancent vers le public, elles reculent, elles vont sous des repères. Ce sont même des signaux qui les appellent. Exactement, on pourrait presque prendre l’exemple de certains jeux télévisés même si ce n’est pas un vrai jeu, il n’y a pas de règle du jeu, mais c’est une chose…
Philippe Minyana
C’est un jeu qui s’appelle Inventaire.
Robert Cantarella
Voilà, c’est un jeu dont le titre c’est Inventaire, ou alors qui peut s’appeler On parle en continu, dont la règle du jeu serait : il faut parler, il faut venir témoigner de sa vie avec un objet. Donc on s’adresse au public et c’est tout le temps très géométrique, d’ailleurs là, on voit les photos qui sont trois des signaux du décor. Il y en a d’autre, il y a trois chaises, il y a trois petites photos, il y aura des coups de klaxon, tout le spectacle est construit comme ça, d’une manière très mathématique
Philippe Minyana
C’est un marathon de la parole.
(Musique)
Judith Magre
Je m’appelle Barbara, je fixe plus le calcium, je fixe plus le magnésium, je fixe plus rien de ce que je dois fixer. Je tombe dans les pommes dans les escaliers, le toubib me fait des piqûres de valium, je suis très handicapée.
Edith Scob
Je m’appelle Jacqueline [Mététal] si je souris comme ça bêtement, c’est que je suis mal à l’aise et ça se porte sur l’estomac, une boule dans l’estomac, c’est pas [inaudible] qui la fera passer. Et tout le monde me dit pourquoi tu souris comme ça Jacqueline avec la vie que tu as eu ?
Florence Giorgetti
Je m’appelle Angèle [Rougeot], ne vous étonnez pas si je lève souvent les sourcils comme ça, ce n’est pas un tic, ou plutôt si, c’en est un. Très jeune, je m’épilais les sourcils comme ça vers le haut.
Présentatrice
Pardon.