Jean-Louis Hourdin met en scène Léonce et Léna de Büchner au Festival d'Avignon

18 juillet 1982
04m 15s
Réf. 00065

Notice

Résumé :

En 1982, le Festival d'Avignon accueille la mise en scène par Jean-Louis Hourdin de Léonce et Léna de Georg Büchner. La pièce représente les péripéties d'un prince et d'une princesse qui, fuyant un mariage que l'on voulait leur imposer, se rencontrent, tombent amoureux et se reconnaissent l'un et l'autre comme promis et promise. Interview du metteur en scène et extraits du spectacle.

Date de diffusion :
18 juillet 1982
Source :
TF1 (Collection: It1 nuit )

Éclairage

Léonce et Léna est une pièce en trois actes écrite par Georg Büchner en 1836. Dans cette parodie de comédie, l'auteur règle ses comptes avec la génération de ses aînés. Pour échapper à son mariage avec la princesse Léna (qu'il n'a jamais vue), le prince Léonce s'enfuit avec Valério, un jeune poète vagabond. De son côté, la princesse Léna s'enfuit elle aussi avec sa gouvernante. Les deux héritiers se rencontrent par hasard et tombent amoureux sans rien savoir l'un de l'autre. C'est à leur retour, alors que doit avoir lieu la cérémonie de leur mariage, qu'ils apprennent l'heureuse vérité.

En 1982, Jean-Louis Hourdin, co-fondateur avec Arlette Chosson du GRAT (Groupe Régional d'Action Théâtrale et culturelle, créé en 1976), met en scène la pièce dans une traduction de Jean Jourdheuil et Jean-Louis Besson. Du dramaturge allemand, il avait déjà créé Woyzeck en 1980 dans le cadre du Festival d'Automne. Accueilli par le Festival d'Avignon, le spectacle est représenté dans le Cloître des Célestins et sera notamment repris au Théâtre National de Strasbourg et au Théâtre de Gennevilliers. La scénographie et les costumes ont été conçus par Serge Marzolff ; Sylvain Gaudelette a composé la musique originale. Parmi la distribution, notons la présence de François Chattot dans le rôle de Valério. A l'occasion de la création du spectacle à Avignon, le metteur en scène est reçu dans le Journal télévisé du soir diffusé le 18 juillet 1982. Le metteur en scène revendique la théâtralité de la pièce et souhaite revenir aux fondements de la représentation théâtrale tels qu'on les retrouve dans le théâtre forain ou le théâtre de tréteaux. La troupe comprend de nombreux acteurs-musiciens dont le jeu enlevé participe à la joyeuse effervescence de la mise en scène. Tenant compte de la jeunesse et du propos de Büchner lorsque celui-ci rédige sa pièce, Jean-Louis Hourdin interprète cette fable comme un vaste jeu interprété sérieusement par des jeunes gens au détriment des adultes. L'extrait correspond à la scène 2 de l'acte II, au cours de laquelle a lieu la rencontre entre Léonce et Léna.

En 1983, Jean-Louis Hourdin mettra en scène La Mort de Danton de Büchner au Théâtre de l'Est Parisien.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentateur
Au festival d’Avignon, depuis hier soir, on peut assister à un nouveau spectacle qui s’annonce comme un très grand succès. Il s’agit de la pièce de Georg Büchner, Léonce et Léna une pièce mise en scène par Jean-Louis Hourdin, c’est un jeune metteur en scène de la décentralisation. Dominique Darzacq a assisté pour nous à ce spectacle.
Dominique Darzacq
Avignon c’est des bons et des mauvais moments qui se succèdent ou alternent. Ce soir c’est un bon moment avec Léonce et Léna de Büchner, mis en scène par Jean-Louis Hourdin. Jean-Louis Hourdin ce qui frappe c’est la jeunesse de cette pièce et il semble que c’est un aspect que vous avez voulu privilégier.
Jean-Louis Hourdin
Oui, mais parce que je crois qu’il est enfoui un peu dans la pièce, parce que de toute façon Büchner, il est jeune, il a 23 ans à peu près quand il l’écrit. Et qu’on sent derrière sa pièce comme une grosse blague qu’il fait à tous les adultes. Enfin, y a une espèce de, et à la fois il aime la jeunesse, il est jeune et tout, mais c’est une blague. C’est comme des enfants qui, le mercredi après-midi, prendraient plein d’accessoires et puis prépareraient un spectacle pour les grands et leur feraient un peu des pieds-de-nez ; et puis essayeraient de les amuser à la fois et puis essayeraient de parler comme vous disiez, de leur révolte, de leur contradiction etc. Mais je crois que c’est vraiment un jeu des gamins qui s’amusent à essayer de raconter une histoire en étant très sérieux et puis très tragique à des moments. Mais c’est une blague de Büchner, je crois, une grosse blague.
Dominique Darzacq
Mais au moment où il rencontre Léna, il est très sérieux et le ciel lui tombe sur la tête. On regarde la scène.
Comédien 1
La terre et l’eau là en bas, sont comme une table sur laquelle on a renversé du vin et nous sommes posés dessus comme des cartes avec lesquelles Dieu et le Diable jouent par ennui. Et vous êtes le roi et je suis le valet. Et il ne manque plus qu’une dame. Une belle dame avec un grand cœur en pain d’épices sur la poitrine et une énorme tulipe pour y plonger son long nez sentimental. Hahaha. Et pardi, la voilà. Mais à défaut d’une tulipe, c’est une prise de tabac, et à défaut de nez c’est une trompe. Où courrez-vous si vite très nobles dames, vous nous découvrez vos si devant mollets jusqu’à vos vénérables jarretières.
Comédienne 1
Et vous-même respectable monsieur ? Pourquoi ouvrez-vous donc, si grand la gueule ? Vous faites un trou dans le paysage !
Comédien 1
Très noble dame, c’est pour que votre nez ne heurte pas l’horizon, vous pourriez vous blesser. Ce nez, c’est la tour du Liban, sentinelle tournée vers Damas.
Comédienne 2
Très cher, le chemin est-il si long ?
Comédien 2
Tous les chemins sont longs. Le tic-tac de l’horloge de la mort dans notre poitrine est lent, et chaque goutte de sang prend son temps, et notre vie est une fièvre qui n’en finit pas. Pour les pieds fatigués, tout chemin est trop long.
Comédienne 2
Et pour des yeux fatigués toute lumière est trop violente. Pour des lèvres fatiguées, tout souffle trop lourd, pour des oreilles fatiguées, toute parole de trop.
Dominique Darzacq
Et l’aspect de la musique dans la pièce, est-ce Büchner qui l’indique ?
Jean-Louis Hourdin
Nous on l’a inscrite parce qu’il se trouve que les complicités, les tissages de complicité comme ça se nouent autour de musiciens, comédiens. Et que, comme on aime travailler ensemble, et bien il faut mettre la musique dans l’histoire qu’on veut raconter. En plus je pense que c’est très… enfin ça convient bien à Léonce et Léna, justement à cause de ce côté blague enfantine, on prend les trompettes, les machins et puis on fait des tours aux grands.
(Musique)
Comédien 1
Oh, je suis extraordinairement joyeux !
Comédien 2
Nous partageons tous les sentiments de votre majesté. Autant qu’il est possible et qu’il convient à nos loyaux sujets.