Phèdre de Racine, mis en scène par Luc Bondy au Théâtre de l'Odéon

12 octobre 1998
02m 29s
Réf. 00272

Notice

Résumé :

Extrait de la scène 3 de l'acte I, où Phèdre (Valérie Dreville) fait à sa nourrice Œnone l'aveu de son amour pour Hippolyte et raconte ses efforts vains pour échapper à cette passion coupable.

Date de diffusion :
12 octobre 1998
Source :
A2 (Collection: LE CERCLE )
Fiche CNT :

Éclairage

Après dix années de succès avec la troupe de l'Hôtel de Bourgogne, Racine fait jouer en 1677 sa tragédie Phèdre, dont il emprunte le sujet à l'Hippolyte d'Euripide. Si son intrigue reste pour l'essentiel fidèle à celle du tragique grec, Racine déplace cependant l'intérêt principal sur le personnage de Phèdre, qui s'empoisonne à la fin de la pièce, prise de remords d'avoir causé la mort d'Hippolyte en l'accusant de viol auprès de Thésée : ainsi, plus qu'une simple coupable, Phèdre est aussi victime de ses propres passions. Portée par son actrice principale, la Champmeslé, la pièce connaît un grand succès auprès du public parisien, mais elle est victime d'une cabale chez les doctes. Racine, épuisé par les attaques de ses adversaires et désireux de se rapprocher de nouveau de ses maîtres jansénistes, abandonne alors le théâtre : il ne le retrouvera qu'avec deux tragédies bibliques, Esther (1689) et Athalie (1691), écrites pour les pensionnaires de Saint-Cyr à la demande de Madame de Maintenon.

Lorsque Luc Bondy met en scène Phèdre au Théâtre Vidy-Lausanne en 1998, il s'agit de sa première mise en scène d'une pièce de Racine. Plus familier d'Ibsen et de Strinberg, Bondy dit avoir voulu proposer « une Phèdre réaliste », mettant un accent particulier sur les relations transgressives des personnages entre eux. Le spectacle est centré avant tout sur le duo Phèdre-Œnone : face à la Phèdre de Valérie Dréville, dont la robe dorée renforce la personnalité lumineuse, à la fois passionnée et froide, Dominique Frot campe une Œnone petite et noiraude, figure de la rage destructrice. Autour d'eux, Hippolyte (Sylvain Jacques) est un adolescent inexpérimenté et falot, tandis que la force apparente de Thésée (Didier Sandre) se révèle impuissante. La scénographie, qui figure une plage, se transforme en arène au fil des affrontements, qui laisseront sur la scène trois morts sans vainqueur.

Céline Candiard

Transcription

Valérie Dreville
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables d’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables. Par des vœux assidus, je crus les détourner, je lui bâtis un temple et pris soin de l’orner ; de victimes moi-même à toute heure entourée, je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée d’un incurable amour remèdes impuissants ! En vain sur les autels, ma main brûlait l’encens quand ma bouche implorait le nom de la déesse. J’adorais Hippolyte et le voyant sans cesse, même au pied des autels que je faisais fumer, j’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer, je l’évitais partout ; ô comble de misère ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. Contre moi-même, enfin, j’osais me révolter, j’excitais mon courage à le persécuter pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre, j’affectais les chagrins d’une injuste marâtre. Je pressais son exil et mes cris éternels l’arrachèrent du sein et des bras paternels. Je respirais, Œnone. Et depuis son absence mes jours moins agités coulaient dans l’innocence, soumise à mon époux et cachant mes ennuis de son fatal hymen, je cultivais les fruits. Vaines précautions ! Cruelle destinée ! Par mon époux lui-même à Trézène amenée, j’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné. Ma blessure trop vive aussitôt a saigné ; ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée, c’est Vénus toute entière à sa proie attachée.