Le Cid de Corneille, mis en scène par Declan Donnellan au Festival d'Avignon

11 juillet 1998
02m 16s
Réf. 00283

Notice

Résumé :

Interview du comédien William Nadylam, le jeune comédien noir qui incarne Rodrigue dans le spectacle, et qui récuse une lecture superficielle des personnages. Plusieurs brefs extraits du spectacle : récit du combat (acte IV, scène 3), duel (acte II, scène 2), plaidoyer de Dom Diègue (acte IV, scène 5), débat de Chimène et Elvire (acte III, scène 3). Interview de Declan Donnellan rapprochant Le Cid de la guerre d'Espagne.

Date de diffusion :
11 juillet 1998
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

Le Cid est sans conteste la pièce la plus célèbre de Corneille, mais aussi celle qui souleva la plus grande querelle théâtrale de son temps. Conçue comme une tragicomédie, à une époque où la doctrine classique ne s'est pas encore imposée de manière stricte dans le théâtre professionnel français, la pièce connaît un succès sans précédent qui installe durablement la renommée de son auteur, tout en soulevant les objections morales et esthétiques des doctes désireux d'affirmer leur contrôle sur la production des pièces à sujet sérieux. Empruntant à l'inspiration espagnole, alors très à la mode, la pièce plaît aussi par la densité des actions spectaculaires, le panache de ses personnages et sa fin heureuse, puisque Rodrigue épouse Chimène. Cependant les critiques d'opposants de Corneille, en particulier Chapelain et Scudéry, sur l'immoralité d'une telle union entre une jeune fille noble et le meurtrier de son père, poussent le dramaturge à suspendre le mariage et à transformer sa pièce en tragédie dès 1648.

Avec sa mise en scène, présentée au Festival d'Avignon en 1998, Declan Donnellan est le premier à oser succéder à Vilar et à son Cid mythique de 1951, incarné par Gérard Philipe. Metteur en scène irlandais affectionnant les œuvres classiques, qu'il met en scène aussi bien à Londres qu'à Moscou ou à Paris, Donnellan souhaite faire sonner autrement le monument de Pierre Corneille. Il choisit donc de donner à voir ses personnages dans un contexte contemporain, où l'honneur est avant tout un mot vide, et où l'héroïsme le cède souvent à la peur, à la fanfaronnade ou au désir. L'atmosphère générale est donc légère, à l'exemple du flamenco qui accompagne la tirade d'impuissance de Don Diègue. Dans le rôle de Rodrigue, William Nadylam est noir comme les Maures qu'il combat, et donne à voir un personnage sensible et mal assuré, moins glorieux, mais plus humain que le stéréotype scolaire que l'histoire a généralement retenu. La nouveauté de cette relecture a sans doute contribué au grand succès de ce spectacle, qui a longuement voyagé après cette création.

Voir Le Cid mis en scène par Jean Vilar au Festival d'Avignon (1951)

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
L’été des festivals, avec le festival d’Avignon. Depuis Gérard Philippe, personne n’avait osé rejouer Le Cid . Et bien, cette année, c’est un metteur en scène anglais qui a décidé de s’attaquer au mythe avec cette originalité, c’est un jeune comédien noir qui reprend le rôle du Cid. Caroline Laudrin, Jean Louis Melin.
Journaliste
C’est un défi, jouer Le Cid en Avignon, 51 ans après Gérard Philippe. Ce rôle de jeune premier dans la pièce de Corneille, William Nadylam n’avait jamais osé y penser. Lui un noir, à qui ses professeurs de théâtre conseillaient plutôt les claquettes ou le saxophone.
William Nadylam
Au bout d’un moment on passe cette question ridicule de couleur de peau, de détail chromatique, on arrive à l’essentiel des choses. Comme on touche la poésie, on touche la beauté du verbe, on touche ce genre de choses qui traversent les années, qui traversent le temps. Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort nous nous vîmes trois mille en arrivant au port.
Journaliste
Petit résumé, à l’usage de ceux qui ont oublié leur classique. Pour une affaire d’honneur, Rodrigue tue le père de celle qu’il aime, Chimène. De désespoir il veut mourir, part au combat, en revient couvert de gloire.
Comédien
Si montrer du courage et du ressentiment. Si venger un soufflet mérite un châtiment, sur moi seul doit tomber l’éclat de la tempête : quand le bras a failli, l'on en punit la tête. Qu’on nomme crime ou non, ce qui fait nos débats. Sire, j’en suis la tête, il n’en est que le bras.
Journaliste
Le metteur en scène, l’homme au chapeau, un anglais qui aime autant Shakespeare que Corneille. Pour lui Le Cid c’est l’Espagne, en 1940, en pleine guerre civile.
Declan Donnellan
L’histoire change de vers en vers, et ça je trouve magnifique. Et y'a pas beaucoup de pièces, avec un tel nombre de scènes, dans le sens que, scènes très, très fortes, très puissantes.
Comédienne 1
Il vous prive d’un père et vous l’aimez encore ?
Comédienne 2
C’est peu de dire aimer, Elvire. Je l’adore.
Journaliste
Le décor est dépouillé, le ton résolument contemporain. De quoi nous faire oublier les alexandrins. Et l’amour dans tout cela ? Corneille n’avait pas voulu trancher, et c’est toujours aux spectateurs d’en décider.