Andromaque de Racine, mis en scène par Daniel Mesguich au Théâtre du Vieux-Colombier

23 mai 1999
03m 32s
Réf. 00284

Notice

Résumé :

Interviews des comédiens Eric Genovèse (Oreste) et Véronique Vella (Hermione), qui évoquent la situation des personnages de la pièce et la beauté des vers de Racine, et commentaires des spectateurs à la sortie du théâtre, alternant avec plusieurs brefs passages de la pièce : acte II, scène 2 ; acte I, scène 4 ; acte V, scène 3 ; acte III, scène 1.

Date de diffusion :
23 mai 1999
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Représentée en 1667 à la Cour, puis à l'Hôtel de Bourgogne, Andromaque est le premier grand succès de Racine. Les comédiens n'y sont pas étrangers : Mademoiselle Du Parc, dans le rôle d'Andromaque, fait pleurer d'émotion les spectateurs, tandis que Floridor et Montfleury, qui jouent respectivement Pyrrhus et Oreste, sont des monstres sacrés adulés du public, quoiqu'ils soient déjà sexagénaires. Avec sa pièce, dont il emprunte le sujet à un passage de L'Enéide ainsi qu'à L'Iliade d'Homère et aux Troyennes d'Euripide, Racine impose un style tragique nouveau, substituant à l'héroïsme cornélien un lyrisme amoureux fondé sur l'examen des passions humaines. Mais si la pièce vaut à Racine l'engouement du public, elle suscite également les premières attaques de la part des doctes, qui font jouer à la troupe de Molière une comédie critique de Subligny, La Folle Querelle, quelques mois plus tard. La postérité n'en retiendra pas moins Andromaque comme le chef-d'œuvre de Racine : c'est aujourd'hui la pièce la plus jouée et la plus étudiée de son répertoire.

Dans sa mise en scène d'Andromaque, présentée au Théâtre du Vieux Colombier avec la troupe de la Comédie-Française en 1999, Daniel Mesguich épure la liste des personnages en mettant en valeur les protagonistes : les confidents sont alors transformés en doubles de leurs maîtres, ce qui donne une forme incarnée à leur débat intérieur. Le jeu de doubles est particulièrement poussé pour le personnage d'Hermione (Véronique Vella), dont Cléone (Sarah Mesguich) apparaît comme le miroir. Quant aux vers de Racine, ils sont soulignés et découpés par la musique et les mouvements du rideau, qui se baisse parfois pour ponctuer la fin d'une réaction ou la prise d'une décision.

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
Jusqu’au 4 Juillet, le théâtre du Vieux-Colombier accueille en alternance, deux tragédies de Racine. Toutes deux mises en scène par Daniel Mesguich qui est notre invité. Mais tout de suite, le reportage de Benoit De Butler et Olivier Tieth sur l’une des deux pièces, Andromaque .
Eric Genovèse
Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector qui est mort. Voilà. On va dire ça comme ça. Enfin, je viens à vous et je me vois réduit... à chercher dans vos yeux, une mort qui me fuit.
Journaliste
Ce sont les orphelins de la guerre de Troie. Enfants perdus d’Achille, Hector, Agamemnon, réduits à marchander pour des patients serviles, ce qui reste de gloire des héros disparus.
Eric Genovèse
Je vous offre mon bras, puis-je espérer encore, que vous accepterez un coeur qui vous adore ?
Véronique Vella
Je crois que ceux sont des enfants parce qu’ils n'arrivent pas à être aussi héroïques et donc aussi tragiques, que leur parents. Et on se disait d’ailleurs quand on répétait que, c’était peut-être ça le comble de la tragédie, pour quelqu’un. C’est de pas réussir à être tragique.
Eric Genovèse
Que croira-t-on de vous ?
Journaliste
Avec le confident, l’ami, la gouvernante, chacun se trouve un double. Un miroir de soi-même. Il fallait être deux pour un destin si lourd, et pour des vers si beaux.
Véronique Vella
Barbare, qu’a-tu fais ? Avec quelle furie ! As-tu tranché le cours d’une si belle vie ? Avez-vous pu cruels, l’immoler aujourd’hui, sans que tout votre sang se soulevât pour lui ! Mais parle : de son sort qui t'a rendu l’arbitre ? Pourquoi l'assassiner ? Qu’a-t-il fait ? A quel titre ? Qui te l’a dit ?
Eric Genovèse
Oh Dieux ! quoi, ne m'avez-vous pas vous-même ici, tantôt ordonné son trépas.
Inconnue 1
La mise en scène c’est très séduisant, c’est merveilleux, on est tenu en haleine, c’est bien.
Inconnu 2
J’aime Racine, bien sûr, j’aime moins la vision que l’on donne. L'idée est de faire un peu moderne, ça nous dit quelque chose. Cette... j'applaudis
Inconnu 3
J’étais un peu énervé par les interventions musicales qui ajoutent rien. Alors déjà, à chaque tombée de rideau on a envie de hurler arrêtez !
Inconnue 4
J’apprécie beaucoup cette mise en scène, que je trouve très, très créative. Des effets vraiment, d’une intensité qui ajoutent encore à la beauté du texte.
Eric Genovèse
Je ne sais de tout temps, quelle injuste puissance, laisse le crime en paix et poursuit l’innocence. De quelque part sur moi que je tourne les yeux, je ne vois que malheurs qui condamnent les Dieux. Méritons leur courroux, justifions leur haine et que le fruit du crime en précède la peine. Je suis très heureux de jouer ça, je trouve que c’est une grande chance de pouvoir dire ces mots là. On aimerait bien être capable parfois de pouvoir employer les mêmes.
Journaliste
Ah oui ?
Eric Genovèse
Non, mais par exemple, il y a des déclarations d’amour qui sont sublimes. On aimerait pouvoir les faire. On aimerait pouvoir les faire, c’est absolument impossible, c’est beaucoup trop parfait, c’est beaucoup trop sublime.
Journaliste
Le propos d’Andromaque, c’est l’histoire qui bégaye, c’est peut-être pour ça, qu’elle nous parle si bien.