Ruy Blas de Victor Hugo

07 janvier 2002
51s
Réf. 00342

Notice

Résumé :

Extrait de Ruy Blas de Victor Hugo, mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman, avec Rachida Brakni dans le rôle de Dona Maria.

Date de diffusion :
07 janvier 2002
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

1838, à Paris, c'est l'événement de la saison théâtrale : la célèbre tragédienne Rachel a quelques temps auparavant chassé les romantiques de la Comédie-Française – le « temple de la tragédie » – après les remous provoqués par la « bataille d'Hernani » et les divers procès où s'affrontent Hugo et cette honorable institution... Et c'est avec Ruy Blas que Victor Hugo choisit d'inaugurer le nouveau temple du drame, le Théâtre de la Renaissance, fraîchement construit sous son impulsion et celle d'Alexandre Dumas. La pièce est un triomphe retentissant, d'autant qu'elle est menée tambour battant par le très charismatique Frédérick Lemaître, dans le rôle de Ruy Blas. Mais le succès reste en demi-teinte, les conservateurs y voyant une critique ouverte du règne de Louis-Philippe, pendant lequel se creuse le fossé social entre une bourgeoisie spéculant et s'enrichissant à tout va et la classe ouvrière, miséreuse, dont le soulèvement conduira à la chute du régime.

Victor Hugo situe l'action en Espagne, au XVIIe siècle. Ruy Blas, le valet de don Salluste, aime secrètement la Reine d'Espagne. Don Salluste, pour se venger de son exil de la Cour, fait enlever Don César et demande à son valet de prendre l'identité de ce dernier. Au gré de multiples rebondissements, de lettres soudoyées, de duels, de quiproquos et de travestissements, Ruy Blas parvient à sauver l'honneur de la Reine et tue le machinateur diabolique qu'est don Salluste avant de mourir lui aussi, après s'être volontairement empoisonné.

La portée tragique de la pièce repose pour beaucoup sur la récupération de figures héroïques tiraillées entre leur devoir et leur souci de justice, à la façon des grands personnages shakespeariens, qu'un destin funeste vient toujours rattraper. La grande force de Victor Hugo est de déplacer ses héros dans un cadre pittoresque, d'insérer un plan historique et une construction épique, sous forme de tableau, pour problématiser la lutte des personnages et donner l'illusion d'une représentation conforme à une certaine réalité. « Les petits détails d'histoire et de vie domestique doivent être scrupuleusement étudiés et reproduits par le poète, mais uniquement comme des moyens d'accroître la réalité de l'ensemble, et de faire pénétrer jusque dans les coins les plus obscurs de l'œuvre cette vie générale et puissante au milieu de laquelle les personnages sont plus vrais, et les catastrophes, par conséquent, plus poignants. Tout doit être subordonné à ce but. L'homme sur le premier plan, le reste au fond. » [1] Le « réel romantique » s'appuie en effet sur la confrontation des passions les plus nobles aux élans comiques les plus élémentaires (à travers le personnage de Don César). On trouve ainsi dans Ruy Blas – c'est la nature du drame et le but moral qu'il doit atteindre –, un savant mélange entre pathos et grotesque qui doit être à même de toucher tout type de public, à savoir, comme le précise l'auteur dans sa préface, « les femmes », « les penseurs », et « la foule », qui se laissent prendre soit par « l'action », le « choc des passions avec les grandes lois providentielles » ou la peinture des « caractères » [2].

Après la création par Frédérick Lemaître et la troupe du Théâtre de la Renaissance, la pièce a continué de fasciner le public amateur de fresques historiques et de tirades lyriques. Parmi les grands interprètes, les jeunes premiers, et les metteurs en scène de renom qui ont porté Ruy Blas à la scène, citons Sarah Bernhardt (la Reine), au Théâtre de l'Odéon en 1872 et en 1879 à la Comédie-Française, avec Mounet-Sully (Ruy Blas) ; la mise en scène de Pierre Dux, avec Marie Bell, à la Comédie-Française en 1935 ; Vilar, avec Gérard Philipe au TNP, en 1954 ; Georges Wilson en 1992 aux Bouffes du nord ; Marcel Maréchal pour les Tréteaux de France en 2002... Notons également des adaptations cinématographiques intéressantes : un film de Pierre Billon en 1947, d'après un scénario de Cocteau, avec Jean Marais et Danielle Darrieux ; ou encore la très populaire adaptation de Gérard Oury avec La Folie des grandeurs. Côté télévision, un téléfilm de Claude Barma, avec Jean Piat, à partir de la mise en scène de Raymond Rouleau en 1965, et celui réalisé par Jacques Weber en 2002, sur une adaptation de Jean-Claude Carrière, avec en vedette Gérard Depardieu et Carole Bouquet.

[1] Victor Hugo, « note sur Ruy Blas », in Théâtre, vol. 1, Victor Lecou, J. Hetzel et cie éditeurs, Paris, 1855, p. 572.

[2] Victor Hugo, « préface de Ruy Blas », in Théâtre, vol. 1, op. cit., p. 423-433.

Voir un extrait audio de Ruy Blas dit par Gérard Philipe (1954)

Céline Hersant

Transcription

Comédienne
Ver de terre amoureux d’une étoile, qui pour vous donnera son âme, s’il le faut, et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut.
(Silence)
Comédienne
Quand l’âme a soif, il faut qu’elle se désaltère. Fût-ce dans du poison ! Je n’ai rien sur la terre. Mais enfin, il faut bien que j’aime quelqu'un moi. Ah, s’il avait voulu, j’aurais aimé le roi. Mais il me laisse ainsi, seule, d’amour privée.
Comédien
Une lettre du roi.
Comédienne
Du roi ? Je suis sauvée.