Zadig de Voltaire

13 novembre 1978
06m 26s
Réf. 00362

Notice

Résumé :

Extraits de l'adaptation théâtrale de Zadig de Voltaire par Georges Coulonges, mise en scène par Jean-Louis Barrault. Jean-Louis Barrault explique ses nombreux changements de costume.

Date de diffusion :
13 novembre 1978
Source :
TF1 (Collection: Pleins feux )

Éclairage

Voltaire, l'un des grands esprits qui ont éclairé le XVIIIe siècle, est considéré en son temps comme un poète dramatique d'exception, à qui l'on doit près de soixante pièces et dont on dit qu'il surpasse volontiers les vers de Racine. Mais ses poèmes épiques (La Henriade), ses livrets d'opéra ou ses tragédies (Œdipe, Zaïre, Sémiramis, Tancrède...) sont tombés en désuétude sur la scène moderne et l'on ne donne plus de Voltaire aujourd'hui que des adaptations à partir de ses contes philosophiques : Candide, L'Ingénu, Micromégas et Zadig sont ainsi régulièrement portées à la scène.

Voltaire a fait imprimer Zadig en 1747, sous pseudonyme, et l'a fait republier un an plus tard dans une version plus développée. Sa source d'inspiration principale vient d'un conte persan du XVIe siècle, Voyages et aventures des trois princes de Serendip. La thématique orientale est à la mode au XVIIIe siècle, on découvre en France les Mille et une nuits et les romans, les nouvelles ou les pièces qui ont pour décor le Proche Orient sont monnaie courante à l'époque : l'exotisme, la peinture des charmes et du luxe orientaux, les récits teintés de merveilleux séduisent le public. La littérature de l'époque se fait aussi l'écho du vaste programme de conquête coloniale et des voyages anthropologiques menés par les grandes nations européennes. Candide de Voltaire, Les Lettres persanes de Montesquieu, ou encore Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, Robinson Crusoé de Daniel Defoe, les écrits de Rousseau sur le mythe du « bon sauvage », Le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot participent d'une même curiosité pour l'ailleurs et des mondes à la fois cruels et raffinés. Cet effet de délocalisation permet aux auteurs et notamment à Voltaire, dont on connaît le goût pour l'ironie, de mettre en scène dans une autre temporalité et dans des espaces où l'Europe projette tous ses fantasmes d'une société idéale. Rien d'innocent donc à ce que Voltaire situe au départ l'action de Zadig à Babylone pour construire une critique des mœurs de son temps, brocarder les querelles de savants et surtout le fanatisme et les superstitions qui fourvoient le bon sens, poussent les hommes à l'excès et aux pratiques les plus barbares. Zadig incarne la figure du philosophe, souvent incompris voire persécuté par ses contemporains, parfois désillusionné mais toujours en quête de vérité et de sagesse. . Zadig en effet, jeune homme au caractère bon et juste, plein de mesure, féru de science et de la philosophie de Zoroastre, est tantôt couvert d'honneur pour la sagesse de son jugement, tantôt accablé par des revers de fortune. Il est trompé par les femmes, manque plusieurs fois d'être tué en duel ou d'être exécuté pour des fautes qu'il n'a pas commises, doit fuir Babylone où il s'est épris d'Astarté, la femme du roi, devient esclave en Arabie, puis poursuit ses pérégrinations vers la Syrie où il apprend que le roi de Babylone a été tué et que l'empire est à feu à sang. Après ces diverses mésaventures, Zadig retrouve Astarté et, grâce aux enseignements d'un vieil ermite et à sa sagacité, il emporte le trône de Babylone et la main de la reine pour rétablir l'ordre dans son royaume.

L'adaptation de Zadig, sur un texte de Georges Coulonges, mise en scène par Jean-Louis Barrault, a été créée au Théâtre d'Orsay (Paris) en 1978 et peut se rattacher à tout un ensemble de spectacles touchant au XVIIIe siècle, dont Jean-Louis Barrault a cherché à montrer la diversité en mettant en scène Lesage (voir ce document), Diderot (voir ce document), Beaumarchais, Marivaux. Le document laisse voir un travail intéressant sur les costumes (couleurs vives, matières transparentes évoquant l'orientalisme), le maquillage, le jeu de l'acteur et la chorégraphie des corps sur le plateau. On voit aussi comment Jean-Louis Barrault utilise des masques et des marionnettes pour représenter la foule et donner vie à l'ensemble des personnages du conte ; comment il cherche aussi à inclure le spectateur dans le système de la représentation en débordant vers la salle et en faisant passer ses acteurs dans le public.

Céline Hersant

Transcription

Jean-Louis Barrault
Du temps du Roi Moabdar, il y avait à Babylone un jeune homme nommé Zadig, né avec un beau naturel, fortifié par l’éducation. J’adore me maquiller.
José Artur
Mais est-ce que c’est vrai que le maquillage peut enlever un peu le trac ?
Jean-Louis Barrault
Ah oui, parce qu’on est derrière quelqu’un. A ma première apparition, je suis un cavalier avec son cheval.
(Bruit)
Denis Podalydès
Alors, en sortant du cheval, je laisse ma tête et ma queue et puis mon costume parce que, on a laissé [incompris] c'est-à-dire Zadig blessé sur la scène avec une grosse pierre.
Comédien 1
Croire à mon bonheur, c’est croire au bonheur. Croire à la vertu de Sémire c’est affirmer la vertu des femmes. Cador, tu as raison de croire à la vertu et à l’amour et à ses vertus.
Comédien 2
Tu t’agites, calme-toi Zadig, le médecin Hermès va venir. Il ne convient pas que ton sang soit en mouvement.
Comédien 1
Oh, mon sang est en mouvement par les exigences de l’amour, Cador.
Jean-Louis Barrault
Alors après je vais vite me changer et alors là j’ai un troisième et quatrième, mais alors il faut que je m’habille à l’envers. Je mets d’abord la robe du quatrième rôle, et puis le manteau du troisième avec une calotte et je suis un des servants du docteur Hermès.
Comédien 1
Monsieur Hermès qui patiente magistral [inaudible].
(Bruit)
Comédien 1
Bien auguste médecin Hermès qui par [inaudible] secrètes et paroles idoines, sauva du trépas le roi [incompris] victime d’une foulure.
(Musique)
Comédienne
Je suis une enfant, je suis une enfant.
Comédien 2
Ça c’est bien.
Comédienne
Il est très agréable que le ruisseau [incompris] coule ici désormais. Cela me permet de m’y baigner. Puis, il était très immoral de l’avoir détourné à des fins frivoles.
Comédien 2
Tu es bien une enfant.
Comédienne
Et parce que je suis une enfant, je t’aimerai Zadig, et je ne te tromperai pas.
Comédien 2
Et parce que tu m’aimeras tu ne seras plus une enfant et tu me tromperas.
Jean-Louis Barrault
En cinquième je fais un homme de la police, et vite je me précipite pour faire une marionnette de la cour. Il y a cinquante-quatre masques de marionnettes pour faire mon ombre.
Comédienne
Ministre Zadig, prétendez-vous que celui qui fera le mieux un autre choc sera le ministre le plus intègre et le plus habile ?
Comédien 3
Majesté, je ne vous réponds pas qu’il sera le plus habile, mais je vous réponds qu’il sera le plus honnête. Que la danse commence !
(Musique)
Comédien 3
Allez tripots !
(Musique)
Comédien 4
Ah, l’honnête homme ! Ah, le brave homme ! Ah l’honnête homme. Dans mes bras homme intègre, vous êtes mon trésorier.
José Artur
Ce maquillage-là, celui-là…
Jean-Louis Barrault
Ça c’est celui de l’Ermite c’est le septième rôle. Où est donc mon… mon turban ?
Comédien 1
Vous avez donc refusé la gloire ?
Comédien 2
Comme beaucoup d’hommes Zadig, j’ai refusé la gloire que personne ne m’offrait.
Comédien 1
Ah, aha, vous me plaisez l’Ermite. Consentiriez-vous à m’accompagner sur le chemin de Babylone ? Près de moi vous remplacerez la morale et la philosophie qui jadis me soutenaient.
Comédien 2
La morale et la philosophie n’ont jamais soutenu personne. Mais je vous accompagnerai sur le chemin de Babylone. A mon tour, je vous demande une grâce. Jurez-moi par Orosmade que vous ne vous séparerez point de moi d’ici à quelques jours, quelque chose que je fasse.
Comédien 1
Votre livre votre science et votre voix m’inspirent du respect, je vous le jure Monsieur.
(Musique)
Comédienne
Encore ? S'il pouvait y avoir deux rois à Babylone !
(Bruit)
Comédien 1
Désormais Cavalier blanc, tu règneras sur Babylone.
(Musique)
Comédien 2
Mon père était ministre, je me permets de le rappeler à l’illustre Zadig.
Comédien 3
Tu seras reine, Astarté, et la providence veillera sur toi. A votre destin de reine, la providence rapporte l’amour.
Comédienne
Désormais votre destin est d’aller vers votre peuple, il vous attend.
Comédien 4
Aussi, lorsque vous serez devant lui, inclinez-vous profondément, car s’il importe de dénoncer le mal…
Comédienne
Il importe tout autant de remercier ceux qui vous font du bien.
(Musique)